JURIDIQUE 
PAR MARC D'HAULTFOEUILLE ET EMILIE DE VAUCRESSON
Contrat d'outsourcing en offshore : quelles spécificités ?
L'externalisation dans des pays éloignés comme l'Inde, l'Ile Maurice ou encore la Chine implique des contrats spécifiques. Le points clés à prendre en compte selon Marc d'Haultfeuille de Clifford Chance.   (07/03/2006)
 
Marc d'Haultfoeuille est avocat associé, Clifford Chance.
 
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Même si les contrats d'externalisation sont par nature extrêmement variables dans leur contenu, leur durée, leur périmètre géographique, leurs conséquences sociales, juridiques et fiscales, ils tendent aujourd'hui à se normaliser. Tel n'est pas le cas pour ceux dont l'externalisation s'effectue dans un pays éloigné en offshore (Inde, Ile Maurice, Chine, etc.) ou dans un pays plus proche en nearshore (Maroc, Tunisie, etc.).

Car mettre en œuvre un contrat d'infogérance en offshore implique une modification substantielle des clauses que les négociateurs, opérationnels et juristes connaissent. En effet, des risques spécifiques doivent être traités, notamment pour la phase de transition ou de migration des services, applications ou équipements transférés, la gouvernance de l'opération, les mesures de contrôle et d'audit, les aspects de reclassement éventuel du personnel de l'entreprise, la gestion de la sécurité et de la confidentialité, la réversibilité, le transfert de connaissance (du client vers le prestataire et inversement), les problèmes de langues et de coûts indirects (ex : frais de déplacement et de séjour), les conditions financières et les aspects fiscaux (ex : taxes diverses et retenue à la source), la gestion des risques géo-politiques locaux (ex : force majeure, fait du prince), la gestion des litiges, la prise en compte des réglementations applicables (ex : contrôle des importations et exportations, CNIL).

Bien entendu, les risques peuvent être juridiquement réduits ou éliminés par la négociation d'un bon contrat, soit directement avec l'entreprise choisie et délocalisée, soit avec l'une de ses filiales (ou d'une joint-venture conjointe) située dans un pays à faible risque, à charge pour celle-ci de gérer les aspects "locaux" en sous-traitance. Arrêtons-nous sur quelques aspects juridiques.

L'organisation de la gouvernance
Organiser les aspects pratiques de la gouvernance dans le contrat permet d'éviter de supporter des surcoûts pendant l'exécution de l'opération, surtout si l'entreprise à laquelle l'opération a été confiée est particulièrement éloignée. Pour cela, les parties pourront, par exemple, prévoir de réunir les différents comités de pilotage ou de direction au moyen de vidéo-conférence. Mais surtout, la gouvernance doit être organisée pour donner au client un rôle central dans le pilotage du projet, assurant ainsi une véritable maîtrise d'ouvrage. En outre, la formalisation de ses besoins, des décisions prises, des actions réalisées validées ou non devra être précisément définie. Les processus d'escalade en cas de différend devront également être détaillés avec attention.

Le transfert de données
Une opération offshore peut entraîner un transfert de données à caractère personnel. Dès lors que le pays d'accueil des données n'appartient pas à l'Espace Economique Européen et n'assure pas un niveau de protection suffisant, les données ne pourront être transférées que si la personne à laquelle se rapportent ces données y a expressément consenti, s'il peut être prouvé que ce transfert est nécessaire à l'exécution du contrat ou si un contrat spécifique de transfert de données garantissant un niveau suffisant de protection a été signé entre les parties et que les personnes concernées en sont préalablement informées (loi "Informatique et Libertés" du 6 janvier 1978 modifiée). Ces conditions de transfert peuvent donc s'avérer être un frein réel à la bonne exécution d'une opération.

La sécurité et la confidentialité
Il est impératif de soumettre le prestataire à un engagement strict de confidentialité, de s'assurer que les échanges de données de toute nature seront sécurisés et que le prestataire est équipé de tous les moyens techniques (physiques et logiques) et organisationnels permettant de conserver les données en toute sécurité. A la cessation du contrat, le prestataire devra détruire ou restituer au client toutes les informations ou données archivées en sa possession, nécessitant donc pour le client une traçabilité des échanges.

Les aspects géopolitiques
Tous les risques réels ou potentiels (guerres, attentats, grèves, ouragan) devront être si possible envisagés et pré-qualifiés sur un plan juridique (force majeure ou non). En outre, pour chaque catégorie de risques, des mesures pour tenter d'en limiter les effets pourront être définis contractuellement.

Par ailleurs, certains gouvernements conditionnent la signature de contrats entre une entreprise locale et une entreprise étrangère (le client) à des engagements de la part de l'entreprise étrangère pour employer du personnel sur place, investir localement ou acheter des produits fabriqués dans ce pays.

Si tel est le cas, le contrat devra le prévoir. Dans certains pays, la réglementation peut être très "évolutive". Le contrat devra donc prévoir les modalités d'ajustement des accords et des prestations en fonction de ces évolutions.

Les aspects sociaux
Dans l'intérêt du client, des garanties détaillées devront être données par le prestataire sur les compétences de son personnel et sa stabilité. Une telle externalisation peut bien sûr comporter des aspects sociaux chez l'entreprise qui délocalise. Le comité d'entreprise devra donc être consulté dès que le projet sera arrêté dans son principe.

En fonction du contexte social et de la complexité de l'opération, du nombre de salariés concernés, plusieurs réunions et avis pourront être nécessaires. En théorie, il conviendra de s'interroger sur le fait de savoir si les conditions de l'article L. 122-12 du code du travail sont ou non réunies (transfert d'une activité économique autonome).

En pratique, il est difficilement envisageable de délocaliser les salariés concernés en offshore, et l'accord individuel de chaque salarié sera nécessaire. A défaut, il pourrait être envisagé des licenciements pour motif économique avec obligation notamment de proposer des mesures de reclassement. En revanche, à l'expiration du contrat, le risque juridique de voir des salariés ou sous-traitants locaux du prestataire demander une intégration chez le client sera normalement plus faible que pour certains outsourcing "classiques".

Par ailleurs, chacune des parties devra s'engager à respecter tant les règles du droit du travail, que les règles éthiques ou les conventions internationales, notamment au regard de la prohibition du travail des enfants ou du travail dissimulé (article L. 324-9 du code du travail) par exemple.

Les licences, autorisations, charges et taxes sociales de quelque nature qu'elles soient découlant de l'exécution du contrat (et leur imputabilité à l'une ou l'autre des parties) devront aussi être précisées. Une opération d'offshore est donc complexe. Ne revoir que certains aspects contractuels ou réglementaires des contrats d'externalisation serait une erreur. Négocier avec une entreprise indienne, mauricienne ou chinoise sans avoir intégré, compris et assimilé la culture, les modalités de fonctionnement et les réglementations locales en serait une autre.

 
 

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