JURIDIQUE 
PAR MARC D'HAULTFOEUILLE ET VICTORIANO MELEROT
Convergence fixe-mobile : les enjeux réglementaires
Mode de commercialisation, statut de l'offre, marché pertinent, obligations en terme de qualité de service. Le point sur le cadre juridique de ces nouvelles offres avec Marc d'Haultfeuille de Clifford Chance.   (23/05/2006)
 
Marc d'Haultfoeuille est avocat associé, Clifford Chance.
 
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Utiliser un même terminal pour téléphoner sur un réseau fixe et un réseau mobile sera-t-il bientôt possible en France ? Face au risque de substitution de la téléphonie fixe par la téléphonie mobile, les opérateurs cherchent de nouvelles solutions techniques.

Ainsi British Telecom a lancé au Royaume-Uni le premier service au monde combinant téléphone fixe et téléphone mobile (BT Fusion) en juin 2005, Neuf Cegetel teste depuis novembre 2005 une solution de convergence fixe-mobile appelée Beautiful Phone, et Deutsche Telekom a annoncé le lancement de ce même type de service en juillet prochain.

Le marché de la téléphonie est donc en train d'évoluer. Aussi, il est nécessaire de s'interroger sur les enjeux réglementaires d'une telle évolution. Monsieur Champsaur, président de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (Arcep), a d'ailleurs souligné que les offres de convergence fixe-mobile lui semblent être une "voie prometteuse". La voie est donc tracée.

La création d'une nouvelle tranche de numéros
Constatant le peu de succès de la tranche commençant par 087 pour les communications interpersonnelles, l'Arcep a créé une tranche 09 pour des numéros non géographiques interpersonnels par une décision du 15 décembre 2005. Ces numéros seront attribués aux opérateurs fournissant un service téléphonique au public ou un service de communications électroniques et motivant le choix de la ressource en numéros non géographiques au regard du service proposé et des tarifs pratiqués et en comparaison avec d'autres types de ressources disponibles. Ainsi, cette nouvelle tranche permet d'accompagner la mise en place de solutions de convergence fixe-mobile : l'utilisateur, par un numéro unique, pourra identifier ces services comme étant des services innovants, à faible coût.

Le droit de la consommation
La convergence fixe-mobile permet aux opérateurs de proposer un pack intégrant à la fois un accès à la téléphonie fixe et à la téléphonie mobile, ainsi qu'un terminal compatible avec les deux types d'accès, le tout fourni par un même opérateur. Les ventes subordonnées sont limitées conformément à l'article L. 122-1 du Code de la consommation à certains cas, et le consommateur doit être en mesure d'acheter séparément un produit ou un service sans que cet achat soit nécessairement subordonné à l'achat d'un autre produit ou service. Les opérateurs veilleront donc à proposer à la vente, séparément, chacun des éléments composant le pack sous peine d'une contravention de cinquième classe. La même attention doit être portée à la prohibition des ventes avec prime de l'article L. 121-35 du Code de la consommation.

Sur le statut de l'offre
L'offre permet de passer d'un service de téléphonie fixe à un service de téléphonie mobile sans qu'aucune manipulation ne soit nécessaire de la part de l'utilisateur. Ce type d'offres a déjà été analysé par l'ART (devenue l'Arcep) dans un avis du 15 octobre 1999 relatif à la création d'un service "Numéro Fixe-Mobile" de France Télécom. Le service de France Télécom était destiné aux entreprises et permettait de joindre les collaborateurs sur différents postes grâce à un numéro unique. Constatant que ce service ne pouvait pas être considéré comme un simple service de re-routage d'appels, l'ART a décidé qu'il s'agissait bien d'une offre d'opérateur, avant d'analyser les tarifs proposés dès lors que l'opérateur n'avait pas de concurrent sur le marché. Quelle que soit la technologie utilisée par les opérateurs, il est clair qu'il ne s'agit effectivement pas de simples services de re-routage et que doit donc être respectée la réglementation applicable aux opérateurs.

Définition des marchés pertinents
Les opérateurs proposant des solutions de convergence fixe-mobile interviennent tant sur les marchés de la téléphonie fixe que sur les marchés de la téléphonie mobile. Afin d'analyser les marchés pertinents et déterminer si les opérateurs exercent éventuellement une influence significative sur ces marchés, l'Arcep devra-t-elle séparer les deux activités de l'opérateur et les analyser sur chacun des marchés auxquels elles se rapportent ? Ou devra-t-elle inscrire un nouveau type de marché pertinent, alliant la téléphonie fixe et la téléphonie mobile tel que le prévoient les articles L. 37-1 et D. 301 du Code des postes et des communications électroniques (CPCE) ?

En tout état de cause, il faut souligner que l'influence significative d'un opérateur sur le premier marché analysé peut participer à favoriser une influence significative sur le second. Il en sera ainsi de l'utilisation croisée des bases d'abonnées fixes et mobiles qui pourra renforcer cette position dominante d'un opérateur sur plusieurs marchés.

Les risques concurrentiels
Des offres globales peuvent venir perturber le libre jeu de la concurrence et l'Arcep devra contrôler l'arrivée de ces offres convergentes. En effet, ces nouvelles offres pourront permettre aux opérateurs déjà présents sur les marchés de la téléphonie fixe et de la téléphonie mobile d'évincer de plus petits opérateurs ou de nouveaux opérateurs tels que les MVNO, présents sur le seul marché de la téléphonie mobile et qui pourront difficilement offrir des solutions équivalentes.

Les prochaines analyses des marchés pertinents menées par l'Arcep devront ainsi prendre en compte ces nouvelles offres, ce qui pourra la conduire à imposer aux opérateurs ayant une influence significative sur les marchés l'obligation de permettre l'accès à leurs différents réseaux et à l'interconnexion conformément à l'article L. 38 du CPCE.

La qualité des services
Enfin, cette innovation technologique et cette simplification de l'usage de la téléphonie, tout en permettant le jeu normal de la concurrence, doivent permettre d'assurer des prestations de qualité pour le consommateur. En d'autres termes, quand bien même l'Arcep s'appliquerait à réguler le marché, les opérateurs devront mettre en œuvre des solutions fiables et signer des contrats par lesquels ils s'engagent à fournir un service de qualité, notamment par un engagement fort pour les taux de disponibilité du service, par une transparence des changements de réseaux pour le consommateur à travers, par exemple, la mise en place d'un interlocuteur unique dans l'hypothèse où un opérateur donne un accès à une partie de son réseau à un autre opérateur afin que ce dernier puisse aussi proposer des offres convergentes.

Force est de constater que même si Neuf Cegetel est aujourd'hui la seule société à avoir annoncé la mise en place d'une offre convergente fixe-mobile, de nombreux opérateurs historiques européens cherchent à prendre le contrôle sur leur filiale mobile, sûrement dans l'idée de se préparer à des offres de convergence fixe-mobile. Ainsi, Telefonica a annoncé en mars 2006 qu'elle comptait acquérir les dernières actions qu'elle ne possède pas dans sa filiale, Telecom Italia a racheté 44 % du capital de sa filiale mobile et France Télécom a repris le contrôle d'Orange. Ces regroupements de sociétés laissent craindre une concurrence accrue pour les offres de convergence fixe-mobile, laissant peut-être en marge les plus petits opérateurs. L'Arcep devra donc veiller à réguler le marché français dès le lancement des premières offres au public.

 
 

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