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Depuis l'ouverture à tous, le 7
avril dernier, de l'enregistrement des noms de domaines
en ".eu", les litiges se multiplient. Les plaignants revendiquent
soit leurs droits antérieurs (marque, nom commercial,
nom de domaine, appellation d'origine, etc.), soit contestent
les réponses négatives de l'Eurid, l'organisme chargé
de l'enregistrement des domaines en ".eu". Il existe deux
types de procédure pour régler ce type de litiges : la
procédure extrajudiciaire dite ADR, et la procédure judiciaire
classique.
La procédure
ADR : rapide, online et peu chère
La procédure ADR (Alternative Dispute Resolution) a été
mise en place par l'Union européenne afin que les litiges
relatifs aux noms de domaine en ".eu" soient réglés de
manière extrajudiciaire, par des arbitres. Les règles
relatives à cette procédure sont exposées dans le Règlement
Européen du 28 avril 2004.
Son principe de fonctionnement est similaire aux procédures
UDRP (Uniform Dispute Resolution Policy), qui ont été
mises en place par l'ICANN pour régler les litiges relatifs
aux domaines génériques (.com ; .net, etc.) et certains
domaines de pays dont le ".fr". Par rapport à une procédure
judicaire classique, l'avantage de la procédure ADR est
qu'elle s'effectue essentiellement en ligne, et qu'elle
est rapide (2 à 3 mois).
Son
coût est également limité : compter 1.000 euros de taxe
pour un arbitre, et 990 euros pour le Tribunal de la République
Tchèque qui s'assure du bon déroulement de la procédure.
Néanmoins, à ces taxes, il convient d'ajouter, d'une part,
des frais d'avocat, lequel, s'il est facultatif, s'avère
d'une aide précieuse pour le suivi de la procédure, et
d'autre part dans certains cas, des frais de traduction.
Quant à son objet, la procédure ADR est assez ouverte
: il est possible de saisir le tribunal en cas d'enregistrement
spéculatif ou abusif d'un nom de domaine en ".eu" portant
atteinte à un droit antérieur du plaignant. Mais la demande
de ce dernier doit respecter certaines conditions : le
titulaire du ".eu" ne doit pas avoir de droit ou d'intérêt
légitime à faire valoir le nom, ou l'avoir enregistré
de mauvaise foi.
De même, il est possible d'agir devant le tribunal
arbitral pour contester une décision rendue par l'Eurid,
par exemple de rejet de l'enregistrement. Plusieurs décisions
concernant des litiges en ".eu" ont été rendues par le
tribunal arbitral, et sont accessibles en ligne (www.adr.eu).
La procédure judicaire
La procédure judiciaire est celle qui s'effectue devant
les tribunaux (tribunal de commerce, tribunal de grande
instance, etc.). Généralement, les juridictions du plaignant
sont compétentes, et il n'est pas nécessaire d'agir devant
le tribunal de la personne qui a enregistré le nom de
domaine en ".eu". En effet, le préjudice peut être constaté
en France, ce qui suffit généralement pour rendre les
juridictions françaises compétentes.
Par rapport à la procédure ADR, la procédure judicaire
offre l'avantage de n'être pas soumise à des taxes (hormis
les frais d'huissier, et le cas échéant de placement)
; et le plaignant peut demander, outre le transfert du
nom de domaine, la condamnation du titulaire du nom à
lui rembourser ses frais de justice (avocat, huissier,
greffe) et réparer son préjudice (dommages et intérêts
ou provision).
Par ailleurs, elle n'est pas enfermée dans le cadre strict
des conditions du Règlement Européen.
Le plaignant devra "simplement" respecter les conditions
générales de la procédure classique, et suivant qu'il
agit en référé ou au fond, démontrer, dans le premier
cas, une urgence ou un trouble manifestement illicite,
et dans le second, qu'il y a atteinte à ses droits antérieurs
(action en contrefaçon de marque, en concurrence déloyale,
etc.).
Ajoutons que si le plaignant entend agir en référé sur
le fondement de la contrefaçon de marque, il existe une
procédure spécifique soumise à la double condition d'agir
à bref délai et que l'action au fond apparaît sérieuse.
Il convient également de préciser que, si le plaignant
est libre de choisir le recours à une procédure judicaire
classique ou de type ADR, pour le titulaire du nom de
domaine en ".eu" ou le registre, la participation à la
procédure ADR est obligatoire.
Enfin, une fois la décision arbitrale rendue, elle s'impose
aux parties. Néanmoins, le plaignant comme la partie adverse
peuvent agir devant les juridictions classiques. Mais
elles doivent pour cela respecter un délai de trente jours
à compter de la notification de la décision. En revanche,
si le plaignant choisit d'agir devant les juridictions
classiques, une fois la décision rendue, les parties ne
pourront ensuite opter pour une procédure ADR.
Avant d'agir, le plaignant devra donc bien étudier les
différentes procédures qui lui sont ouvertes, et choisir
celle la mieux adaptée à ses besoins. |