JURIDIQUE 
PAR SARAH TEMPLE-BOYER ET SYLVIA SPALTER

Quiestlemoinscher.com : les enseignements d'un jugement
La publicité comparative est un exercice qui peut être périlleux, y compris sur le Web. L'annonceur doit respecter un certain nombre de règles. Le point avec Sarah Temple-Boyer et Sylvia Spalter, avocates du cabinet BMS' suite au procès opposant Carrefour et Leclerc au sujet de Quiestlemoinscher.com.
 
(08/08/2006)
 
Sarah Temple-Boyer, Avocat au cabinet BMS' et Sylvia Spalter, Avocat associé au cabinet BMS'
 
 
Le 7 juin 2006, la société Carrefour Hypermarchés a obtenu du Président du Tribunal de commerce de Paris, la fermeture du site Internet quiestlemoinscher.com, ouvert par les Centres Leclerc, le 22 mai 2006, dans le but de permettre aux consommateurs de comparer les prix pratiqués par une trentaine d'enseignes de la grande distribution.

Sur le fondement de la publicité comparative illicite, l'ordonnance de référé fait obligation à la société SC GALEC (centrale d'achats des centres Leclerc) de cesser l'édition ainsi que l'exploitation de son site à compter du 8 juin 2006.

La publicité comparative doit répondre à deux exigences : exactitude et objectivité
Cette décision démontre tout d'abord que le juge veille toujours au strict respect de la réglementation sur la publicité comparative, bien que les modalités de mise en œuvre de la publicité comparative aient été considérablement allégées par l'ordonnance du 23 août 2001.

L'annonceur doit ainsi veiller à "comparer objectivement une ou plusieurs caractéristiques essentielles, pertinentes, vérifiables et représentatives" des biens ou services objets de la comparaison "dont le prix peut faire partie" (art. L.121-8 alinéa 3 du Code de la consommation) et doit être en mesure de "prouver dans un bref délai l'exactitude matérielle des énonciations, indications et présentations contenues dans la publicité" (art. L.121-12).

Les Centres Leclerc ont fait ici les frais de cette exigence d'exactitude et d'objectivité, le juge des référés ayant principalement retenu dans sa décision :

- le défaut d'impartialité des indices de comparaison de prix, issus d'une composition choisie par la seule société SC GALEC, dont les paramètres ne sont pas connus dans leur détail, ni vérifiables sur le site Internet

- le défaut de représentativité des produits choisis : la sélection d'un nombre limité de produits (3.500 produits sur plus de 70.000 références présentes en hypermarché), "de surcroît non identifiés".

Cette condamnation souligne ainsi que le juge des référés - juge de l'évidence souvent réticent à prononcer des mesures coercitives sans renvoi de l'affaire devant le juge du fond - exerce un contrôle vigilant sur la licéité de la publicité comparative.

Il a ici retenu l'existence d'un "trouble manifestement illicite" et ordonné, en conséquence la fermeture, sous astreinte de 30.000 euros par jour de retard, du site des Centres Leclerc ainsi que la publication de la décision rendue, d'une part, dans sept journaux au choix de Carrefour et d'autre part, sur le site Leclerc (www.e-leclerc.com/home.asp) pendant quinze jours.

Un slogan à caractère trompeur
L'intérêt de cette décision réside, par ailleurs, dans le fait que le juge a retenu le caractère "trompeur" du slogan ("qui est le moins cher") "d 'une très grande généralité ". Cette qualification ouvre, en effet, potentiellement la voie d'une condamnation pour publicité mensongère dans l'hypothèse où le juge du fond serait saisi d'une action sur ce fondement. L'annonceur pourrait alors être condamné à l'indemnisation du dommage subi, sans préjudice des sanctions pénales encourues, le cas échéant, devant le Tribunal correctionnel si des poursuites pénales étaient engagées (deux ans de prison et/ou 37.500 euros d'amende, s'élevant à 187.500 euros pour les sociétés).

En outre, sont également susceptibles d'être pénalement sanctionnés les directeurs d'agence de publicité pour complicité du délit de publicité mensongère et les directeurs de publication si la publicité est manifestement mensongère, sur le fondement de l'article 42 de la loi sur la presse du 29 juillet 1881.

L'ordonnance du 7 juin 2006 a ainsi pour mérite de rappeler les risques qu'encourt - notamment devant le juge des référés - l'annonceur qui ne se conformerait pas aux conditions de licéité de la publicité comparative. Si les Centres Leclerc se sont pliés à la décision du juge, en fermant le site litigieux dès le 8 juin, ils ont toutefois interjeté appel de l'ordonnance le 21 juin dernier.
 
 

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