JURIDIQUE 
PAR MARC D'HAULTFOEUILLE
Mobile : vers quelle qualité de service ?
Désormais, chaque client d'un opérateur doit pouvoir bénéficier d'une qualité de service minimun. Mais où mettre le curseur ? Cadre légal, jurisprudence, évolution... le point avec Marc d'Haultfoeuille de Clifford Chance.   (06/09/2006)
 
Marc d'Haultfoeuille est avocat associé, Clifford Chance.
 
   Le site
Ecrire à Marc d'Haultfoeuille

La qualité de service en matière de télécommunications est une préoccupation quotidienne tant pour les clients que pour les opérateurs. Outre les coûts, l'insatisfaction de la qualité de service a été pour de nombreux clients à l'origine de leur changement d'opérateur. En effet, qui n'a pas été coupé lors de conversations téléphoniques sur mobile, qui n'a jamais reçu des SMS qui avaient été pourtant envoyés ou n'a pas pu se connecter aux services multimédia offerts par son opérateur ?

Chaque client, d'un opérateur ou d'un MVNO, doit pouvoir bénéficier d'une qualité de service minimun. En revanche, il semble excessif de faire porter sur un opérateur une obligation du "zéro défaut" ou du "100 % de réussite", les infrastructures techniques restant soumises à des pannes comme tout système d'information, à des aléas et évènements de force majeure, et une communication électronique étant rarement assurée de bout en bout par un seul acteur. Dans ce contexte, quel est l'état des lieux ?

Le cadre légal
L'article L. 121-83 du Code de la consommation prévoit que : "Tout contrat souscrit par un consommateur avec un fournisseur de services de communications électroniques au sens du 6º de l'article L. 32 du Code des Postes et des Communications Electroniques doit comporter au moins les informations suivantes : (…)

b) Les services offerts, leur niveau de qualité et le délai nécessaire pour en assurer la prestation (…)

d) Les compensations et formules de remboursement applicables si le niveau de qualité des services prévus dans le contrat n'est pas atteint".

Cette disposition a été précisée par un arrêté en date du 16 mars 2006 : "Pour satisfaire à l'obligation d'information sur le niveau de qualité des services offerts prévue au paragraphe b de l'article L. 121-83 du code de la consommation, chaque contrat de services de communications électroniques doit faire apparaître au moins les mentions suivantes :

- le délai de mise en service ;
- le niveau de qualité minimum garanti pour chacune des caractéristiques techniques essentielles définies dans l'offre, telles que le débit, la capacité ou toute autre caractéristique susceptible d'être mesurée ;
- le délai de rétablissement du service lorsque celui-ci est interrompu ;
- le délai de réponse aux réclamations.

Chaque information est fournie de façon précise et quantifiée dans l'unité appropriée". Ces dispositions seront applicables dès le mois de décembre 2006 (9 mois après la date de publication de l'arrêté).

La jurisprudence
A ce jour, la jurisprudence considère que les opérateurs / FAI sont soumis à une obligation de résultat à l'égard de leurs utilisateurs (malgré le fait qu'il s'agisse d'une prestation de service).

"Dans l'affaire AOL, le Tribunal de Grande Instance de Nanterre a considéré que "AOL était tenue d'une obligation de résultat qui consiste à fournir l'accès au service AOL à tous ses abonnés dans toutes les circonstances autres que celles relevant des cas de force majeure, sans pouvoir exclure ou réduire sa responsabilité".

Il considère également que "la spécificité du service n'a pas à être prise en compte car cet argument serait opposable au consommateur pour chaque service offert".

"Dans l'affaire UFC / ORANGE, la Cour d'Appel de Versailles a confirmé le jugement du TGI de Nanterre au motif que : "Attendu qu'en sa qualité de prestataire de services ORANGE est tenu à une obligation de résultat envers l'abonné, qu'elle est présumée responsable de tout dysfonctionnement sauf à rapporter la preuve d'une cause étrangère, que l'abonné privé de l'accès au réseau public de télécommunications n'est pas en mesure de connaître la cause de l'interruption du service qui lui est dû et encore moins de rapporter la preuve d'une faute de l'opérateur, que dès lors en affirmant péremptoirement que son obligation est une obligation de moyens, ORANGE crée un déséquilibre significatif à son profit".

Ces décisions de 2002 à 2004 s'inscrivent dans la logique de l'ARCEP qui, lors de différends qui lui avaient été soumis, précisait qu'un opérateur se devait d'assurer une certaine qualité de service.

Les conséquences
Dans les prochains mois, les contrats proposés aux clients devraient donc évoluer ; les opérateurs étant amenés à préciser non seulement les critères de qualité garantis (généralement exprimés en pourcentage), mais également les mesures d'indemnisation en cas de non atteinte de ces derniers.

Quels pourraient être ces critères de qualité ?

Les taux de réussite des communications (voix ou données, émis et reçus, sur tout ou partie du territoire), les taux de réussite d'accès au portail et aux contenus multimédia, les taux de réussite des téléchargements ou les délais de transmission par paquets définis, les taux de connexion en continu (taux de non coupure), le niveau de réception et de son, sont des critères qui peuvent être retenus.

Pour être exploitables, ces indicateurs devraient être compréhensibles par les clients, objectifs et indiscutables. En effet, le degré de satisfaction d'un client étant souvent subjectif, chaque opérateur doit légitimement éviter de se trouver submergé par un afflux de réclamations. Ces pourcentages seront calculés sur des périodes déterminées (ex : par mois) et feront l'objet de pénalités ou demandes d'indemnisation contractuelles pouvant prendre la forme de réduction sur factures d'abonnement ou d'avoir.

Le problème des indicateurs
Mais les problématiques sont nombreuses. Prenons trois exemples.

- Les indicateurs peuvent-ils être objectifs et mesurables ? A titre d'exemple, une communication sans interruption dépend nécessairement du lieu où se situe un client (zone de couverture à un instant "T") et s'il se déplace ou non (ex : dans un train). Dans un tel cas, un opérateur est-il en mesure de répondre précisément à un client qui estime être coupé régulièrement (sans connaître les circonstances exactes de ses communications) ? Légitimement, non. De même, un opérateur est-il en mesure de calculer dans tous les cas et à tout moment, pour chaque client, chaque indicateur ? Cela semble difficile.

- Un opérateur étant soumis à une "obligation de résultat", la réclamation écrite d'un client devra préciser quel critère n'a pas été atteint. Mais un consommateur dispose-t-il de moyens ou d'éléments pour les calculer ?

- De plus, un opérateur ne pourra s'exonérer de sa responsabilité que s'il démontre qu'il a été empêché d'atteindre le résultat escompté en raison d'une cause étrangère. Si celle-ci est portée à la connaissance des consommateurs, disposent-ils de moyens pour vérifier les faits allégués ?

Ces simples constats démontrent que les débats ou les litiges seront difficiles. Ils risquent également de se développer dans la mesure où le Ministère des Finances travaille actuellement sur un projet de loi tendant à renforcer la protection des consommateurs.

Développé en 29 articles, ce texte touche aux domaines les plus divers tels que la publicité mensongère, les renseignements téléphoniques par le 118, les services après vente, la médiation bancaire, les produits d'assurance…

Les class actions sont également visées dans le chapitre IV et feront certainement l'objet de discussions fournies. En effet, ce projet offre la possibilité aux associations de consommateurs agréées d'introduire des actions de groupe afin de "réparer le préjudice matériel, à l'exclusion des atteintes à l'intégrité physique, et le trouble de jouissance subis individuellement par plusieurs consommateurs, personnes physiques, ayant pour origine commune l'inexécution ou la mauvaise exécution par un même professionnel de ses obligations contractuelles afférentes à la vente de produits ou à la prestation de services".

Le préjudice subi par le consommateur et objet du litige devra être inférieur à 2.000 euros. La procédure ensuite se déroule en deux phases : dans un premier temps, le juge saisi se prononce sur la responsabilité du professionnel. Si celle-ci est reconnue, le juge fixe un délai pendant lequel les consommateurs sont invités à adresser au professionnel une demande d'indemnisation. Chaque consommateur devra ensuite "négocier" son indemnisation avec le professionnel. Si l'offre proposée par le professionnel est "manifestement insuffisante" ou s'il refuse l'indemnisation, le juge pourra condamner d'office, à titre de pénalité, le professionnel à verser au consommateur une somme au plus égale à 50 % de l'indemnité allouée.

Le texte devrait être présenté en Conseil des Ministres à la rentrée. Bien que légitimement pris en faveur des consommateurs, ces textes et jurisprudences sur la qualité de service vont-ils véritablement dans le bon sens ? A vouloir faire peser une trop forte responsabilité sur les opérateurs, leur réponse sera nécessairement juridique. La sanction pour un opérateur de perdre des clients car la qualité de ses services est inférieure à celle de ses concurrents n'est-elle pas en elle-même la véritable motivation qui forcera cet acteur à évoluer ? Le débat est loin d'être terminé.

 
 

Accueil | Haut de page

 
  Nouvelles offres d'emploi   sur Emploi Center
Chaine Parlementaire Public Sénat | Michael Page Interim | 1000MERCIS | Mediabrands | Michael Page International