Joshua Browder (DoNotPay) "Notre service sera bientôt accessible aux Parisiens"

Contester ses PV, être indemnisé en cas de retard d'un vol, trouver un hébergement... Le fondateur de DoNotPay multiplie les bots pour faciliter la vie des gens.

JDN. Vous êtes le fondateur de DoNotPay, un robot-avocat qui intègre 12 bots dont le plus connu aide à contester des contraventions de stationnement. Comment est né le concept ? 

Joshua Browder à DLD en 2016. © DLD

Joshua Browder. Lorsque j'ai obtenu mon permis de conduire à 18 ans, j'étais un très mauvais conducteur. A cette époque je recevais énormément de contraventions. Après avoir payé mes premières amendes, mes parents m'ont dit que je devrai désormais les payer moi-même. J'ai alors cherché de quelle manière je pourrais m'acquitter de ces contraventions, qui étaient parfois injustifiées. J'ai étudié de nombreux documents du gouvernement afin d'analyser les différentes voies de recours existantes et j'ai rapidement réussi à faire annuler ma première contravention ! Des membres de ma famille m'ont alors demandé de les aider dans leurs démarches. Plutôt que de les conseiller un par un, j'ai décidé en 2015 de créer DoNotPay, un robot avocat qui permet de générer des courriers de contestation de manière automatique.

 

Comment fonctionne le service ?

Après avoir donné quelques informations sur votre situation, DoNotPay va générer un courrier de contestation qui sera à envoyer à l'administration. En fonction des villes et des juridictions, ce recours est parfois envoyé directement par email. Jusqu'à ce jour, DoNotPay a permis de faire annuler près de 225 000 amendes sur un total de 400 000 requêtes. Beaucoup de gens ne connaissent pas leurs droits. Souvent, ils n'ont ni le temps ni les connaissances juridiques nécessaires pour entreprendre des démarches. Par exemple, si un arbre vous empêche de voir un panneau de signalisation alors que la loi dit que ces panneaux doivent être clairement visibles, grâce à DoNotPay vous savez que vous pouvez faire valoir vos droits.

 

Le bot dédié aux contraventions de stationnement fonctionne pour l'instant uniquement à Londres, New York et Seattle. Comptez-vous le rendre disponible à Paris ?

Je reçois actuellement beaucoup de demandes de France, notamment sur Paris. Il faut dire que vie y est très dure pour les automobilistes. Il y a de fortes chances pour que DoNotPay soit disponible à Paris dans les prochains mois.

 

DoNotPay regroupe désormais 12 bots. Comment faites-vous pour créer et gérer autant de bots ?

"J'étais jusque-là un ennemi des pouvoirs publics"

Jusqu'à récemment, je programmais tous ces bots moi-même. J'ai depuis créé un outil permettant à n'importe qui de créer son propre bot et de l'intégrer dans DoNotPay. Son utilisation ne nécessite aucune compétence technique particulière : il suffit simplement d'uploader un document pour que la plateforme génère le bot automatiquement. Je travaille actuellement avec plusieurs associations partenaires. L'une d'elle, qui vient en aide aux réfugiés, a par exemple créé le sien. De douze bots aujourd'hui, mon objectif est d'atteindre les 2 000 d'ici la fin de l'année. A plus long terme, mon idée serait de créer un Store de bots qui permettra de les classer selon les langues, puisque mon outil permet d'en gérer 30 différentes.

 

L'un de ces Bots permet notamment d'aider les personnes sans domicile fixe à trouver des places en centre d'hébergement Comment fonctionne-t-il ?

En Grande Bretagne, le gouvernement met gratuitement un logement à disposition de toutes les personnes SDF. Le système est complexe et coûteux puisqu'elles doivent payer des avocats chargés de déposer ces demandes d'hébergement. Avec DoNotPay, tout est automatisé ! Une personne sans domicile fixe n'a plus besoin de passer par un avocat, ce qui fait économiser dans le même temps de l'argent à l'Etat. Alors que j'étais jusque-là un ennemi des pouvoirs publics, je travaille désormais avec eux pour voir de quelle manière il leur est possible d'automatiser certaines tâches et donc réaliser des économies.

 

Un autre bot permet de demander des indemnisations en cas de retards de vols. Quels sont les résultats ?

"Le service est entièrement gratuit et le restera"

Beaucoup d'Européens ne savent pas que si leur vol est retardé de 3 heures, hors conditions météorologiques difficiles, ils peuvent demander une indemnisation. Après vous avoir posé quelques questions, mon bot va générer une lettre de recours pour réclamer cette compensation. Ce service fonctionne partout et les voyageurs français peuvent déjà l'utiliser.

Je ne dispose pas de données exactes sur le taux de succès de ces recours, mais il est probablement moins élevé que pour les contraventions. Car contrairement aux pouvoirs publics, le rôle d'une entreprise est de gagner de l'argent. Elles ont donc tendance à davantage batailler. Pour autant, plusieurs milliers d'utilisateurs ont obtenu des indemnisations de la part de compagnies aériennes grâce à DoNotPay.

 

Quel est votre modèle de revenus ?

Je ne gagne pas d'argent et ne cherche pas à en gagner. Le service est entièrement gratuit et le restera car je considère DoNotPay comme un service d'utilité publique. Mon but est avant tout d'aider les gens et il n'y a pas de gratification plus grande que cela à mes yeux. J'ai tout de même réalisé une petite levée de fonds de 20 000 euros pour me permettre de couvrir les frais. Si le coût des serveurs était autrefois élevé, ce n'est plus le cas aujourd'hui. Pour une centaine d'euros par mois, vous pouvez faire tourner une plateforme qui touche des millions de personnes.

 

Pourquoi avoir opté pour un bot pour proposer ces services ? Car malgré le buzz autour des bots, beaucoup se sont révélés plutôt décevants jusqu'à aujourd'hui...

"L'Intelligence artificielle va détruire des emplois"

Je suis entièrement d'accord avec votre constat. Dans le cas de DoNotPay, la forme d'un bot est pertinente car il permet de traduire un langage juridique complexe dans un langage humain, grâce à une simple conversation faite de questions et de réponses. La plupart des gens ne comprennent pas toujours le langage juridique. Parfois, ils lisent un document et pensent que les conditions ne s'appliquent pas à leur situation, alors que si.

 

Quel regard portez-vous sur les débats actuels autour de l'intelligence artificielle. Doit-on s'attendre à voir beaucoup d'emplois disparaître dans le futur ?

Il est clair que l'Intelligence artificielle va détruire des emplois. Aujourd'hui les avocats spécialisés dans les annulations de contraventions ne m'aiment pas parce qu'ils perdent leur travail à cause de moi. Si je peux me mettre à dos des avocats simplement en créant un service Web en à peine six mois, j'imagine aisément que l'intelligence artificielle remplacera d'autres types de tâches dans le futur. Moi-même, je suis inquiet à l'idée de savoir quel job j'occuperai dans 10 ans.

Je pense aussi à l'industrie du transport, qui est celle qui emploie le plus de personnes à travers le monde. Avec l'arrivée des véhicules autonomes, des millions de gens risquent de se retrouver sans emploi. Lorsque nous serons dans cette situation, l'idée d'un revenu universel pour chaque individu m’apparaît comme une des meilleures solutions possibles.

 

Vous avez seulement 20 ans et êtes actuellement étudiant à Stanford. Comment conciliez-vous vos études avec votre projet ?

Aujourd'hui mes études sont passées au second plan puisque je consacre désormais la majorité de mon temps à DoNotPay. Nous vivons à une époque où beaucoup de personnes cherchent à exploiter les autres. Je pense aux entreprises mais aussi aux gouvernements. A mes yeux, le rôle de l'Etat est d'aider ses concitoyens. J'aime me battre contre les injustices.

 

Joshua Browder est le fondateur et CEO de DoNotPay, un robot-avocat dont le but est d'aider des internautes dans différents domaines juridiques. A l'âge de 8 ans, le jeune entrepreneur réparait les ordinateurs et téléphones de ses instituteurs. A 12 ans, après avoir appris seul la programmation informatique, il créé l'application non-officielle de la chaîne de restauration Prêt-à-manger, qui sera finalement adoptée par l'entreprise. Quatre ans plus tard, il créé l'application iPhone de Freedom House, une organisation américaine visant à aider au développement des libertés dans le monde. Impliqué dans la défense des droits de l'Homme, Joshua étudie actuellement les Sciences Informatiques à Stanford.