Orange va-t-il lancer un "Netflix killer" ?

Orange va-t-il lancer un "Netflix killer" ? Avec le succès d'OCS et le socle techno de Dailymotion, l'opérateur télécom ne manque pas d'atouts pour contrer l'arrivée du géant américain de la SVOD.

L'annonce par AT&T du lancement, conjointement avec The Chernin Group, d'un fonds de 500 millions de dollars pour "acquérir, investir et lancer des services vidéos OTT" a fait du bruit. Les médias sont ainsi nombreux à prêter l'intention à l'opérateur américain de lancer un "Netflix killer". Une initiative dont le timing paraît parfait alors que Netflix connait des tensions avec les FAI qui lui reprochent d'utiliser trop de bande passante. 

Mais en France, où Netflix prépare son lancement, quelle est la probabilité de voir Orange lancer une initiative identique à celle d'AT&T ? La question est d'autant plus légitime qu'Orange a montré ces dernières années un grand intérêt pour les contenus. Après une vague d'investissements pour créer ses propres chaînes de télévision et produire ses propres films à la fin des années 2000, Orange a finalement fait marche arrière. Aujourd'hui, il préfère s'appuyer sur des acteurs établis, quitte à monter à leur capital et participer à leur développement, comme Dailymotion ou Deezer.

Entretemps, la vague low-cost a déferlé sur le marché de la téléphonie mobile avec l'arrivée d'un quatrième acteur, Free mobile, qui a sérieusement fragilisé son Arpu (revenu moyen par abonné) en chute de 11,5% en 2013. Et son horizon s'est obscurci récemment avec l'annonce du rachat de SFR par Numericable. Ce qui fait dire à Philippe Bailly, fondateur du cabinet NPA Conseil, que "l'univers des télécoms est dans l'immédiat plus préoccupé par les conséquences de cette opération que par l'arrivée prochaine de Netflix". 

OCS, un "Netflix en mieux", qui séduit déjà 2 millions d'abonnés 

Le problème de timing mis de côté, se pose la question de la pertinence pour Orange de lancer une plateforme de SVOD, un service plutôt éloigné de son cœur de métier. "Le cœur d'activité d'un opérateur télécom n'est pas d'éditer des contenus mais d'éditer des services de contenus qui apportent une valeur ajoutée à son réseau", rappelle Philippe Bailly.  Reste qu'avec le lancement de son bouquet de chaînes, OCS (détenu à 33,3% par Canal +), et la signature d'accords avec des acteurs tels que Warner Bros ou HBO, Orange détient aujourd'hui l'exclusivité de la diffusion de quelques pépites telles que Game of Thrones, True Detective ou Girls, en France. "OCS, c'est Netflix en mieux, assurait d'ailleurs il y a peu son directeur général, Guillaume Jouhet, au Figaro. C'est une offre hybride, disponible depuis un téléviseur, un téléphone mobile ou une tablette, dont les contenus sont accessibles aussi bien en direct qu'à la demande." Facturé aujourd'hui 12 euros par mois, l'offre constituée de 5 chaînes et de catch-up a déjà séduit près de 2 millions d'abonnés. Elle est également distribuée chez Numericable, Bouygues Telecom et SFR.... et "pourrait tout à fait être un jour proposée en OTT", concède Philippe Bailly. 

Quel rôle pour Dailymotion ?

Dans cette optique, le groupe pourrait s'appuyer sur une des plus belles réussites du Web français, avec Dailymotion dont il étudie encore les perspectives de développement. Partenariat industriel avec Microsoft et partenariats éditos en France pour proposer des contenus payants sont ainsi envisagés. La plateforme s'est d'ailleurs déjà essayée à la SVOD en lançant des offres en Turquie et au Canada. Reste une interrogation : jusqu'à quand Orange, qui a déclaré vouloir "garder la majorité de Dailymotion jusqu'à nouvel ordre", associera-t-il le futur de Dailymotion au sien ?   

Un accord d'exclusivité de distribution de Netflix comme alternative ?

Le principal frein au lancement par Orange d'un "Netflix killer" réside peut-être du côté de Netflix, dont il se murmure qu'il cherche à négocier un accord de distribution exclusive avec un FAI français. Dans cette optique, Orange, qui compte plus de 10 millions d'abonnés à l'Internet haut débit fixe et qui est aussi présent en Espagne (1,6 million d'abonnés) et en Pologne (2,3 millions) ferait office de candidat idéal. L'opérateur ferait coup double : il couperait l'herbe sous le pied de ses concurrents (tout en rendant son offre plus attractive) et s'épargnerait de lourds investissements. Car là où AT&T investit 500 millions de dollars, Netflix en alloue près de 6 fois plus, chaque année, pour acquérir de nouveaux contenus. Orange aurait-il assez de souplesse (financière) pour entrer dans le jeu ?