Il n'y a pas de meilleure personnalisation,
au final, que celle s'adaptant aux désirs et
à la façon de travailler de chaque utilisateur.
Cette démarche qui permet à tout un chacun
de redéfinir l'interface selon ses propres besoins
professionnels s'appelle la "customisation".
Dans une fenêtre en haut à droite de son
écran, un collaborateur peut avoir opté
pour une boîte de dialogue lui permettant d'effectuer
ses requêtes dans les bases de données
auxquelles il a le droit d'accéder. Dans le bureau
voisin, son collègue préfèrera
que cette zone lui présente des articles très
spécialisés issus de banques de données
internationales. Un troisième situé au
fond du bâtiment se servira du même portail
d'entreprise avec le même choix de fonctions,
mais aura dédié la zone en question au
suivi des étapes du workflow documentaire auquel
il collabore au jour le jour.
Jusqu'à l'année dernière, cette
vision du portail d'entreprise traduisait davantage
un discours marketing qu'une réalité.
Dans leur grande majorité, les écrans
de travail des utilisateurs étaient statiques,
composés en HTML pur sans possibilité
de redéfinir quoi que ce soit. Pour accéder
à l'application suivante, il fallait ouvrir une
nouvelle fenêtre. Et lorsque les interfaces étaient
composées dynamiquement à l'aide de langages
comme ASP ou PHP à partir d'éléments
contenus dans une base de données, elles n'en
restaient pas moins définies à l'avance.
L'équipe de conception les agençait une
fois pour toutes en fonction des désirs exprimés
par les maîtrises d'oeuvre, traduits sous forme
de règles. Si ces désirs évoluaient,
il fallait redévelopper une partie du portail.
Ce qui coûtait du temps, donc de l'argent.
Sybase rachète OnePage
et son atelier de portlets
Aujourd'hui, et depuis moins de deux ans,
la plupart des éditeurs de solutions de portails
d'entreprise travaillent sur un nouveau type de composants.
Qu'ils portent le nom de iViews pour SAP, de Gadgets
pour Plumtree, ou tout simplement de portlets pour une
bonne partie de l'industrie logicielle, ces composants
répondent précisément au besoin
de customisation. Le portail se divise en portillons,
traduction littérale du mot - tout comme les
appliquettes sont censées franciser les applets.
Chaque éditeur a élaboré ses propres
librairies de portlets, les plus simples pour accéder
à des bases de données typiques, les plus
complexes à des progiciels de gestion comme SAP,
Baan ou Siebel. Des collections qui, évidemment,
peuvent être complétées de connecteurs
front-office développés à la demande
de l'entreprise pour disposer dans la même fenêtre
d'un accès à des applications spécifiques
sur ses systèmes centraux.
Dans cette optique, Sybase
a procédé la semaine dernière au
rachat de l'éditeur OnePage. L'opération
complète son offre de portail d'intégration
avec un nouvel environnement de développement
de ces portillons. "Grâce à cet outil
graphique, nous allons permettre aux entreprises de
développer leurs propres portlets à la
fois plus rapidement et à moindre coût",
déclare Mark Wilson, senior director de la division
e-commerce chez Sybase, que nous avons pu joindre en
Californie. "En général, si l'utilisateur
veut dans son interface des informations en provenance
de la base de données, quelques jours de développement
suffiront. S'il veut accéder à un progiciel
de gestion très particulier, l'intégration
peut prendre quelques semaines. Avec les outils OnePage,
vous pouvez fabriquer des portlets en une heure."
Selon Sybase, la prouesse est rendue possible par une
extraction automatique des données utilisateurs
à partir de sources HTML, XML, bases de données,
classes Java, et Web Services.
Il y a un an, Sybase rachetait NEON, un éditeur
spécialisé dans l'EAI (intégration
inter-applicative) dont la plate-forme de connecteurs
est venue compléter son portail d'entreprise.
Parmi ces connecteurs, une série de portlets
pour accéder dans la même interface à
des applications telles que Siebel, Business Objects,
et certains outils Microsoft. "SAP est en cours",
précise Mark Wilson. Mais les portlets ne sont
pas des connecteurs EAI. "Il s'agit d'une intégration
totalement différente, puisque nous agrégeons
des données et du contenu à partir d'applications
en environnement web." En attendant, les deux se
complètent, puisque les portlets développées
avec Sybase/OnePage pourront chercher de l'information
en sortie de la plate-forme EAI Sybase/NEON. L'intégration
des offres est prévue pour la prochaine version
du portail de l'éditeur qui devrait être
commercialisée vers la fin de l'été
ou au début de l'automne 2002.
Vers
une spécification Portlet inclue dans J2EE ?
Dit ainsi,
tout semble encore assez simple. Mais à l'heure
actuelle, la démarche est plus compliquée
qu'il n'y paraît car les portlets ne répondent
encore à aucune spécification standard.
De fait, une portlet élaborée par IBM
Software pour étendre les sources accessibles
à partir de WebSphere Portal Server n'aura a
priori aucune raison de fonctionner dans l'environnement
de Sybase. Et pourtant, les deux éditeurs s'appuient
quasi-intégralement sur des technologies Java,
ce qui n'est pas le cas de tous les éditeurs
de portails d'entreprises dont certains fournissent
des portlets en ActiveX.
En attendant, l'entité logicielle de Big Blue
s'est alliée avec Sun Microsystems (communiqué)
pour initier une requête
de spécification Java (JSR) qui porte le n°168.
Celle-ci prend place dans le cadre du JCP, le Java Community
Process. L'idée est de permettre l'interopérabilité
entre les portillons et les portails. A terme, la spécification
Portlet devrait rejoindre le modèle J2EE. A partir
de là, JSR 168 a pour but de permettre à
n'importe quelle Portlet développée en
Java de s'éxécuter dans n'importe quelle
architecture distribuée avec un serveur d'application
compatible Java 2 Enterprise Edition. Les systèmes
d'informations des grandes entreprises étant
le plus souvent hétérogènes avec
parfois plusieurs solutions de portails selon les pôles
d'activité, il apparaît indispensable qu'ils
puissent communiquer ensemble.
Selon Thomas Vallot, IT specialist (ingénieur
avant-vente) d'IBM Software sur les gammes WebSphere
Portal Server et Personalization, "l'intégration
à J2EE est en cours de discussion. Apache
travaille sur un sous-projet du nom de Jakarta avec
lequel l'entreprise peut implémenter un portail
d'informations en appui sur des technologies Open Source.
Ce sont les premiers à avoir parlé de
portlets. Dans ce cadre, IBM a récupéré
le code source du sous-projet, l'a enrichi et l'a modifié
pour le rendre compatible, puis l'a relivré à
la communauté Open Source."
"Une portlet n'est rien d'autre qu'une extension
de la servlet", continue Thomas Vallot. "Elle
se maintient entre l'utilisateur et la servlet, dont
le positionnement est celui d'un aggrégateur
de services qui appelle des composants de type portlets.
L'intérêt est que vous, utilisateur, n'appelez
pas l'application finale. Dix applications apparaîssent
dans une même page web, et vous n'avez besoin
que d'une unique URL correspondant à la servlet."
Portlets
et Web Services : le rôle de WSRP
Et ce n'est
pas tout. Compte tenu du fait que l'utilisateur ne doit
accéder qu'à ce à quoi il a droit
selon sa fonction dans l'entreprise, il faut que la
spécification portlet puisse tenir compte d'éléments
de sécurité. Oracle, qui déclare
près de 800 portlets (Business Objects, Cognos...)
dans son offre de portail, participe aussi aux discussions
autour de JSR 168. "La sécurité et
la customisation sont embarquées et s'appuient
sur un annuaire", indique Laurent de Lavarenne,
responsable marketing 9iAS d'Oracle France. Confirmation
de Thomas Vallot d'IBM Software : "avec l'API for
Security, il n'est pas nécessaire de s'authentifier
dix fois pour accéder à dix applications
différentes. En fournissant un composant de sécurité
à la portlet, elle fait confiance à tout
le processus d'authentification en amont. L'API est
l'interface entre la portlet elle-même et l'aggrégateur.
Avec un profil utilisateur, on peut pousser du contenu
grâce à de la personnalisation par règles,
et le client final peut faire sa customisation."
Or, JSR 168 n'est pas le seul standard prévu
concernant les portlets. Ainsi, l'OASIS
(Organization for the advancement of structured information
standards) qui est derrière plusieurs spécifications
de Web Services soutient une norme baptisée WSRP
(Web services remote portal). Oracle
qui participe à cette norme, comme Sybase,
IBM et toute une série d'autres acteurs, apporte
une explication. Selon Laurent de Lavarenne, "l'idée
est de fournir des technologies de portlets standards
pour intégrer facilement des Web Services dans
un portail. Le point de jonction est défini à
l'aide d'une portlet, de façon à ce que
celle-ci puisse mettre en oeuvre un service Web et puisse
être installée dans n'importe quelle page.
Dans le cadre de l'OASIS qui regroupe beaucoup de monde,
les discussions se font autour de Java."
Outre IBM Software, Oracle, Apache, Sybase et Sun, l'on
retrouve la quasi-totalité des grands fournisseurs
de serveurs d'application J2EE autour de JSR 168. Parmi
ceux-ci: SAP, BEA, ATG, HP, Iona et BroadVision, mais
aussi des géants comme Fujitsu et Hitachi, les
sociétés de services EDS et Accenture,
et enfin l'avioneur Boeing. Autour de la norme WSRP
en discussion à l'OASIS figurent les mêmes
acteurs, entre autres. Dans les deux cas demeure un
grand absent : Microsoft. Il faut dire que le dénominateur
commun de ces initiatives s'appelle Java, et que la
firme de Bill Gates ne semble pas vraiment séduite
par l'idée d'un standard qui émergerait
hors de son sein.
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