La nouvelle a surpris les marchés
mardi matin : Microsoft serait sur le point de conclure
l'acquisition d'un éditeur de progiciels de gestion
intégrés, et pas des moindres. Selon le
quotidien américain Financial Times crédité
du scoop et repris notamment par une dépêche
de Reuters, il s'agirait du danois Navision fortement
présent à l'échelle de l'Europe.
Le montant de l'acquisition serait fixé à
1,2 milliards de dollars. Un chiffre près
d'une fois et demi supérieur au prix payé
par Invensys en juin 2000 pour ingérer Baan,
qui faisait pourtant partie du top-5 des éditeurs
d'ERP au niveau mondial. Mais venait aussi de traverser
une période de difficultés majeures.
Dans la foulée de la publication de l'article
par le journal réputé outre-Atlantique,
Navision s'est empressé de diffuser son propre
communiqué
qui apporte une confirmation non déguisée
de pourparlers, sans pour autant citer Microsoft.
"En appui sur les rumeurs du marché, le
conseil de direction de Navision peut confirmer qu'il
considère la possibilité d'une transaction
stratégique". Et de préciser qu'aucune
autre communication ne sera formulée "sauf
si, et quand les circonstances [le] nécessiteront".
Du côté de Microsoft, on se refuse à
tout commentaire, mais la nouvelle n'a fait l'objet
d'aucun démenti. Nous avons cherché à
joindre les deux éditeurs, qui l'un après
l'autre ont poliment décliné notre invitation
à s'exprimer. D'après des sources proches
de l'un d'eux, que nous ne pouvons pas citer, une communication
officielle pourrait avoir lieu au début de la
semaine prochaine.
Faible
notoriété de la marque Great Plains en
Europe
Rachat ou
pas rachat, il ne s'agit pas en tout cas pour Microsoft
d'une entrée sur le marché des progiciels
de gestion intégrés. Fin 2000, la firme
de Redmond s'est offert pour une somme assez proche
(1,1 milliards de dollars) l'éditeur d'ERP
Great Plains, équivalent américain de
Navision présentant de nombreuses similitudes
avec ce dernier. Parmi celles-ci, des tailles critiques
peu éloignées l'une de l'autre, et la
même cible de leurs progiciels de gestion intégrés
: les grandes PMEs du Middlemarket.
Mais ce n'est pas là le seul indice - un
peu maigre conviendrons-nous - d'un possible rachat
de Navision par Microsoft. Un
rapport a été mis en ligne le 24 avril
sur le site du poids lourd de l'industrie logicielle,
portant sur l'aboutissement un an après de l'intégration
de Great Plains dans ses équipes. L'exposé
débute par "Quand le bruit a filtré
vers la fin 2000 que Microsoft programmait de racheter
Great Plains, le scepticisme qui en a découlé
n'avait rien d'une surprise." La nouvelle, à
l'époque, avait donc été dévoilée
avant toute communication officielle, ce qui semble
être le cas aujourd'hui si la nouvelle devait
se confirmer. Mais surtout, vers la fin du rapport,
l'auteur cite Jennifer Griffin, responsable marketing
de Microsoft Great Plains pour l'Europe. D'après
celle-ci, "la présence de Great Plains était
véritablement beaucoup plus forte en Amérique
du Nord. Il a été difficile de commercialiser
la marque ailleurs." En conséquence, un
rachat de Navision pourrait combler efficacement cette
lacune.
Microsoft et Navision partenaires
depuis les années 80
De son côté, le danois affiche
une très forte présence européenne,
mais n'aurait pas rencontré à l'inverse
de succès sur le continent américain.
La complémentarité est ici évidente.
Sur son site institutionnel, Navision donne accès
à une interview
récente de Frédéric Leridon, responsable
des alliances de Microsoft. Celui-ci célèbre
en quelque sorte le partenariat entre les deux acteurs
qui apparaît avoir été initié
à la fin des années 80. Dans ce texte,
l'on apprend par exemple que Navision fait partie des
"premiers adoptants de la technologie Microsoft",
qu'ils sont "parmi les alliés les plus proches"
du géant, et surtout qu'il s'agit du "seul
éditeur d'ERP indépendant tourné
vers le middlemarket en Europe à avoir pris part
au programme de partenariats autour de l'architecture
.Net". Edifiant.
Peut-on dès lors imaginer que Microsoft puisse
faire de l'ombre à l'un de ses plus fidèles
alliés avec un Great Plains Europe qui, de surcroît,
ne produit pas les effets escomptés en terme
de business ? La réponse pourrait se faire
connaître dès la semaine prochaine au cas
où les éditeurs décideraient de
s'exprimer au terme de ce délai. D'ici là,
tout n'est que supposition. Mais un vent d'inquiétude
devrait se lever du côté de Sage, le grand
concurrent britannique de Navision, qui cible lui aussi
avec son ERP le marché des entreprises moyennes
à l'échelle de l'Europe.
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