Rien ne va plus sur les
grands réseaux de télécommunication
mondiaux. Après la faillite de KNPQwest, on apprend
qu'une partie non nélgigeable des grands opérateurs
de backbones
sont en grande difficulté financière.
AT&T et Sprint ont été dégradés
par l'agence de notation Moody's et Worldcom prévoit
de licencier 20 % de ses effectifs. Si bien que
l'on se demande si tous les opérateurs de backbones
seront debout à la fin de l'année.
AT&T et Sprint
sont mis dans une position délicate par leur
récente dégradation par Moody's. Les deux
compagnies se sont endettées pour nourrir leur
ambitieuse politique de développement, et elles
doivent régulièrement rebourser des
sommes
considérables. Or, "le taux de crédit
est directement indexé sur l'appréciation
des agences de notation, explique Laurent Balcon, analyste
financier telecom chez Global Equities. Si la note descend,
le taux remonte. Le coût de la dette d'AT&T
et de Sprint va donc augmenter de quelques dizaines,
voire centaines de millions de dollars par an".
La situation financière de quelques-uns des plus
gros opérateurs de backbones se dégrade
au beau milieu du trou d'air qui affecte le marché
des transferts de données.
Marge
de manoeuvre réduite
Mais ce n'est pas tout : alors qu'AT&T, WorldCom
et Sprint entament leur traversée du désert,
leurs relations avec les banques risquent fort de se
crisper : "il est nettement plus difficile
pour toute entreprise dégradée par Moody's
de négocier des lignes de crédit avec
son banquier. Ce qui diminue considérablement
sa marge de manoeuvre". Pour Jean-Charles Doinau,
directeur d'études télécom à
l'IDATE, la crise est très sérieuse :
"Il y a à cette heure une surcapacité
tout à fait considérable sur les grands
backbones mondiaux. Le traffic est très largement
inférieur aux débits que le réseau
peut supporter. Les prix ont donc chuté de façon
spectaculaire".
Résultat :
des faillites en chaîne. Après Global Crossing
et Viatel, c'est au tour du très emblématique
KPNQwest de chuter, et avec lui la presque totalité
de son réseau. Car il y a peu de chances que
son infrastructure en fibres optiques trouve preneur :
"Aujourd'hui, personne ne s'intéresse aux
tuyaux de KPNQwest, assure Laurent Balcon. Tous les
opérateurs se jettent sur son carnet de clients,
mais sûrement pas sur ses capacités en
bande passante, puisque chacun dispose de surcapacités
sur son propre réseau. Le seul véritable
actif de KPNQwest, c'est son précieux maillage
en Europe centrale. En dehors de çà, les
tuyaux de KPNQwest n'intéressent personne".
Sauf si chaque tuyau est négocié à
un prix ridiculement bas...
Des
faillites en cascade ?
La crise va-t-elle s'arrêter
là, ou faut-il s'attendre à d'autres chutes
spectaculaires ? Les avis des experts sont partagés.
Pour Jean Charles Doinau de l'IDATE, "la consolidation
n'est sans doute pas encore terminée. Sprint
et WorldCom pourraient aussi subir des difficultés.
Il y a des risques qu'ils soient
obligés de se placer sous la protection du chapitre
11, qui permet à une entreprise de se restructurer
plutôt que de déposer son bilan aux Etats-Unis.
Mais même avec des restructurations massives,
il y a très peu de chances qu'ils se retrouvent
à nouveau pertinents sur le marché. En
tout cas, s'il n'y a pas de faillite franche et massive,
il y aura au minimum des restructurations d'envergure
sur le marché des backbones".
En revanche, pour
Laurent Balcon - l'expert financier de Global Equities -"l'essentiel
de la casse est derrière nous. Il n'y aura assurément
pas de fallites chez les grands opérateurs historiques.
Pour le reste, les compagnies les plus faibles ont aujourd'hui
disparu. AT&T est solide, et va l'être
encore plus lorsqu'il sera intégré à
une plus grande structure qui va alléger sa dette.
Pour WorldCom, les grosses échéances sont
à l'horizon 2004 : on a donc le temps d'ici
2002. Le licenciement de 20 % de ses effectifs
n'est pas un signe inquiétant. Quant à
Sprint, je ne connais pas assez la structure du bilan
de l'enteprise pour me prononcer". Laurent Balcon
ne conseille évidemment pas à ses clients
d'investir dans WorldCom ou AT&T. Mais selon lui,
"il y a de fortes chances qu'ils tiennent le coup".
Faillite ou pas,
les opérateurs pris dans le coeur de la tourmente
ne pourront s'en prendre qu'à eux-mêmes.
Pendant que certains plongent dans le rouge, d'autres
s'en sortent plutôt bien. Et il y a une raison
à celà, comme l'explique Jean-Charles
Doinau dans l'interview
qu'il nous a accordé.
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