Faudra-t-il bientôt
disposer d'un doctorat en physique quantique pour pirater
les communications cryptées de demain ? On
pourrait le croire, au vu des recherches menées
par une équipe de scientifiques américains
appartenant à la NorthWestern University -
partenaires de BNN et Telcordia, dont les premières
expériences ont été menées
à bien.
Dans l'état actuel
des connaissances scientifiques, la cryptographie quantique
semble inviolable. Sans entrer dans les détails,
mentionnons d'abord que les communications cryptées
en question sont véhiculées sur fibre
optique. De fait, quiconque voudrait les intercepter
devrait être capable d'en détourner les
photons. Et c'est là que les propriétés
quantiques interviennent...
Altération
par toute tentative de lecture
Si une communication est cryptée de manière
logique - avec un algorithme mathématique,
il reste à forcer cette protection - ce
qui est parfois possible lorsque l'on dispose d'un gros
caculateur. Par contre, si cet
algorithme
est protégé de façon physique -
en l'occurence avec une clé quantique -,
les choses se compliquent : le message est "pollué"
dés que l'on tente de capter le moindre photon,
tant est si bien qu'il devient illisible. Toute lecture
altère irrémédiablement le message.
Ceci découle des
propriétés de la physique quantique: à
l'échelle du photon, l'état physique est
mieux décrit en termes de probabilités
de présence d'une particule, qui se comporte
alors comme une onde (phénomène de dualité
onde/corpuscule), et toute expérience visant
à préciser cette probabilité entraîne
la "résolution" de l'état physique
en l'une des possibilités offertes: bref, et
pour aller vite, le système physique est altéré
par l'expérience et le "bruit quantique"
qu'elle introduit.
Retard
à l'allumage
Problème :
comment le destinataire s'affranchit-il de cette loi
quantique, qui empêche le pirate d'intercepter
le signal ? Entrons plus avant dans les explications :
la clé quantique unique dont disposent les deux
correspondants contient des informations relatives à
différentes propriétés de la lumière
(et notamment sa polarisation) telle qu'elle a été
émise. A la
réception, le correspondant exploite ces informations
pour recevoir le message sans engendrer une grande quantité
de "bruit quantique", du moins une quantité
acceptable pour lui permettre de déchiffrer le
contenu sans encombre. La protection devient donc physique -
et non plus logique : elle exploite les propriétés
de la lumière plutôt qu'une formule mathématique.
Sur le papier, les promesses
sont alléchantes. Pourtant, force est de constater
que la cryptographie quantique ne marche pas sur ses
deux jambes : les expériences en laboratoire
sont concluantes, mais on est encore loin de la phase
d'industrialisation. Les débits demeurent trop
lents, la technologie s'appuie sur des matériels
propriétaires, et les scientifiques peinent à
envoyer un signal à plus de 70 kilomètres
de distance.
Grande
avancée
Cependant, Les chercheurs de la Northwestern University
ont fait un grand bond en avant. Leurs expériences
sur des matériels optiques traditionnels ont
été un succès, avec des débits
de 250 Mbit/s. Reste cependant une étape
à franchir : celle de l'amplificationdu
signal qui permet de le relayer sur les longues distances.
On s'approche à
grands pas de la commercialisation dd'une offre opérationnelle.
Les premiers séduits seront - à n'en
pas douter - les agences d'espionnage et de contre
espionnage, ainsi que l'armée. Leurs besoins
en moyens de cryptage sont considérables. Mais
d'autres organismes - ainsi que certaines entreprises -
pourraient être séduites : il n'existe
pas à ce jour de clé mathématique
facile à manipuler qui puisse garantir l'intégrité
d'une donnée sur plusieurs décennies.
La cryptographie quantique
résout ce problème en empêchant
le pirate de récupérer des informations
intègres. Reste qu'elle ne sait protéger
que les communications optiques, ce qui exclut les données
statiques - les informations stockées. Il
demeure possible de dupliquer une information sensible
contenue sur une baie de stockage, avant même
qu'elle ne transite sur une fibre optique. La cryptographie
quantique - "incassable" jusqu'à
preuve du contraire - n'est donc pas une méthode
de protection des données universelle.
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