A l'initiative du CEA, du CNRS et de l'INRIA, une nouvelle licence sur les logiciels libres - CeCILL - vient de voir le jour, à la française. Lyasid Hammoud, juriste au CNRS, nous en explique les fondements et nous détaille les étapes à franchir pour acquérir reconnaissance et légitimité.
JDN Solutions : Quelle est la genèse du projet CeCILL ?
Lyasid Hammoud : nous nous sommes aperçu que de plus en plus de licences de logiciel libre étaient présentes chez nous. Il nous fallait donc appréhender cette logique. Nous avons pour cela constitué un groupe de travail commun et avons étudié toutes les licences utilisées. Au CNRS, ce sont les licenses GPL et LGPL qui sont les plus fréquentes.
Nous avons décidé de commencer par la licence GPL, le projet étant d'élaborer une licence reprenant la philosophie de la GPL adaptée et conforme au droit français. L'article L 131-3 du Code de la propriété intellectuelle prévoit en effet l'insertion de certaines clauses que l'on ne retrouve pas dans la GPL et dans d'autres licences de logiciel libre. De plus, les clauses d'exonération totale de responsabilité et de garantie présentes dans la majorité de ces licences de logiciel libre sont contraires au Code Civil et au Code de la consommation. C'est ce qui nous a, entre autres, incités à créer la licence CeCILL.
Quelles sont les principales caractéristiques de CeCILL ?
C'est une licence dont la philosophie est proche de celle de la GPL. CeCILL prévoit l'accès au code source, le droit de modification, d'adaptation et ce, pour tout usage. Il est possible de commercialiser le logiciel, de l'utiliser chez soi, etc.
La licence est héréditaire, ce qui signifie que si des développements sont réalisés à partir d'un logiciel sous licence CeCILL, vous devez diffuser le logiciel sous cette même licence. De la même manière, la licence est contaminante, c'est-à-dire que si un logiciel est intégré à un autre logiciel sous licence CeCILL, le résultat sera sous licence CeCILL.
Nous avons constaté - sur le site Sourceforge.net - que
plus de 70% des projets étaient diffusés sous GPL. Notre objectif n'est pas d'affronter cette licence et de constater une faible utilisation de la nôtre. C'est la raison pour laquelle nous avons prévu que si les deux licences sont "face-à-face", c'est la licence GPL qui l'emportera sur CeCILL.
Quelles actions comptez-vous prendre pour la faire connaître et reconnaître ?
Nous sommes, avec le CEA et l'INRIA, trois organismes de recherche publique connus, ce qui donne une bonne assise au projet. Nos communautés de développeurs sont par ailleurs reconnues. Le Ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat - Renaud Dutreil - a apporté son soutien à notre initiative, tout comme l'ADAE [NDLR : Agence pour le Développement de l'Administration Electronique, ndlr], qui lui a réservé un accueil favorable.
L'ADAE va d'ailleurs se joindre à nous pour travailler sur trois autres licences : la LGPL, la QPL et la BSD, cette dernière intéressant beaucoup d'entreprises. Des entreprises avec lesquelles nous avons échangé et qui nous ont fait part de leurs remarques afin qu'un consensus se dégage et que la licence soit adaptée à la réalité économique.
Prochaine étape pour nous : l'obtention du label de l'OSI [NDLR : Open Source Initiative]. D'autres démarches suivront, afin que CeCILL soit connue et largement utilisée par les développeurs. |