Le marché de la sécurité attise les convoitises et les spécialistes
du secteur ne sont désormais plus les seuls à y louvoyer, de
plus en plus aiguillonnés par de nouveaux prétendants, hier
encore souvent des partenaires. Le phénomène de concentration
a joué à plein ces dernières années. Si les spécialistes, comme
McAfee, restent les plus gourmands, Microsoft, IBM et Cisco
notamment, ne sont pas restés insensibles aux sirènes de la
sécurité.
"Les entreprises sont en train de changer leurs comportements
d'achats recherchant de plus en plus des solutions complètes
de sécurité et plus seulement des produits élémentaires. Nous
assistons donc à une consolidation du marché autour de quelques
grands acteurs de la sécurité qui sont les seuls à même de proposer
de telles solutions. C'est dans ce cadre qu'IBM a fait une série
d'acquisitions majeures sur le marché de la sécurité et notamment
ISS", commente ainsi Cyrille Nicolas, responsable sécurité chez
IBM.
"IBM
se devait de s'intéresser à ce secteur. Il peut à présent réaliser
de nouveaux achats ou établir des alliances relativement fortes
avec des partenaires", convient Thierry Bedos, P-DG France de
McAfee. Le rachat d'ISS, une firme emblématique de la sécurité,
permet à Big Blue de se placer en bonne position sur le créneau
des services managés (MSS), estimé à 20 milliards de dollars
dans dix ans.
2007 nous réserve-t-elle aussi son lot de surprises ? "Sans
émettre un avis de tempête, je dirai que des perturbations sont
à attendre. Vista et Onecare font qu'il y aura forcément du
changement sur le marché du retail. Au profit de qui ? Difficile
encore de se prononcer. Il y a clairement beaucoup d'acteurs
et tous ne pourront pas survivre. Certains sont même ouvertement
à vendre", estime Stéphane Le Hir, P-DG de Kaspersky Lab France.
Dès janvier, Cisco a apporté sa pierre à l'édifice de la concentration
en s'emparant pour 830 millions de dollars d'IronPort. Spécialiste
et acteur du marché des appliances de sécurité, tout comme ISS,
IronPort commercialise des solutions antispam, d'analyse de
trafic Web, de filtrage de contenu, de protection des données.
Pour Cisco la stratégie est clairement à la convergence, comme
l'a démontré son récent rachat de WebEx.
"Il
y a clairement beaucoup d'acteurs et tous ne pourront
pas survivre"
(Stéphane Le Hir - Kaspersky) |
Et pour proposer des offres multi-niveaux, les grands de l'informatique
ne peuvent faire l'impasse sur la sécurité. Les boitiers de
sécurité (appliance, UTM), qui s'accompagnent d'une gamme de
services, sont l'une des pistes étudiées par ces acteurs. Les
spécialistes de ce secteur demeurent souvent des acteurs de
petite taille, et leur rachat sont l'opportunité d'acquérir
une expertise sans consentir à des investissements trop coûteux.
Nombre d'éditeurs du filtrage Web, de l'antispam ou du marché
naissant de la protection des données constituent ainsi des
proies potentielles. Il en va de même pour celui du contrôle
d'accès au réseau, le NAC. Sophos s'est notamment rapproché
d'EndForce. Et les éditeurs d'antivirus ? Stéphane Le Hir ne
fait pas mystère des offres adressées à Kaspersky, et dont la
dernière émanait de l'un des deux plus grands acteurs de l'antivirus.
"L'antivirus est un marché très mature, et il ne serait pas
impossible que de grands éditeurs fassent l'acquisition d'un
homologue des antivirus. Pour le moment ce sont des alliances
qui sont privilégiées, comme Trend Micro avec Cisco, ou Kaspersky
avec Juniper. Pour Eugene Kaspersky, la stratégie est claire
: la société n'est pas à vendre", rappelle Stéphane Le Hir.
"Peu d'entreprises toutefois peuvent se permettre de racheter
un éditeur majeur. Quand vous êtes coté en bourse, le ticket
est nécessairement élevé. Cela demeure possible, mais le coût
risque d'en dissuader plus d'un. Il y a en revanche plus de
chance que le choix s'oriente vers les éditeurs de taille plus
modeste. Mais avec le phénomène Microsoft, il n'est pas improbable
que des sociétés qui envisageaient une acquisition y renoncent",
relativise-t-il.
"On
ne s'improvise pas acteur de la sécurité. Cela nécessite
une très forte expertise"
(Thierry Bedos - McAfee) |
Du côté du numéro deux, la stratégie est claire. "McAfee n'a
pas la volonté de se faire racheter. Nous sommes en revanche
dans un cycle d'acquisitions", confirme Thierry Bedos, avant
de poursuivre : "il faut mieux être dans une structure qui a
une stratégie forte, une base clients conséquente, pèse au moins
1 milliard de dollars et possède en plus un trésor de guerre."
Car pour les spécialistes historiques de l'antivirus, la croissance
est aussi de rigueur, même si des firmes comme McAfee ou Symantec
se sont depuis plusieurs années déjà ouvertes à d'autres domaines
de la sécurité, plus dynamiques et moins banalisés. Kaspersky,
pourtant jusqu'alors opposé à une entrée en bourse, semble revenir
sur sa décision.
Natalja Kaspersky a en effet laissé entendre lors du CeBit que
la société russe envisagerait une introduction boursière, mais
dans des conditions de marché plus favorables. Les élections
présidentielles de 2008 dans le pays seraient source d'instabilité.
Quant à Microsoft, l'incertitude plane encore sur l'effet que
sa présence pourrait avoir sur le marché. La société de Steve
Ballmer doit avant tout se construire une image crédible pour
concourir sur le marché de la sécurité. "On ne s'improvise pas
acteur de la sécurité. Cela nécessite une très forte expertise",
lance Thierry Bedos, sans pour autant viser implicitement Microsoft.
L'éditeur n'est en tout cas pas en odeur de sainteté auprès
des spécialistes de l'antivirus. Microsoft dispose néanmoins
d'une grande force de frappe, encore accentuée par la part de
marché écrasante de Windows.
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