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21/11/2007

Thierry Aubert (Tioga venture) : "L'ASP ne procure pas le même niveau d'interfaçage qu'un PGI internalisé"

Les entreprises éprouvent encore des difficultés à franchir définitivement le cap de l'ASP/SaaS pour leurs PGI. Surtout pour celles requérant un haut degré de customisation.
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Thierry Aubert
(Tioga Venture)
 
 
 

Comment a évolué le marché du PGI en mode ASP/SaaS ?

Ce marché peut encore être considéré comme relativement émergeant, notamment en France, mais bénéficie d'une forte croissance. Celle-ci varie assez significativement selon les domaines fonctionnels couverts par les PGI : RH, finances, CRM…

Il est à noter que la croissance de ce marché est alimentée non seulement par un mécanisme de transfert, où des entreprises choisissent un PGI en ASP/SaaS plutôt qu'en internalisé, mais également par un mécanisme d'extension du marché potentiel des PGI.

Ainsi, le modèle ASP/SaaS permet de répondre aux besoins des PME/PMI ou des divisions de grandes entreprises qui n'auraient pas pu mettre en œuvre un PGI internalisé.

Pensez-vous que les PGI en mode ASP/SaaS prendront le dessus par rapport aux PGI internalisés ?

Dans l'hypothèse d'une standardisation croissante des processus de gestion des entreprises et d'une focalisation sur le cœur de métier, la demande de fourniture de PGI en mode ASP/SaaS va croître et vraisemblablement prendre in fine le dessus.

Cette croissance est toutefois ralentie par quelques facteurs, tels que les freins psychologiques liés à toute notion d'externalisation, ou encore le défaut de visibilité et de compréhension de ce modèle pour beaucoup d'entreprises.

De façon globale, ASP et SaaS sont souvent confrontés à un défaut de visibilité dans les PME, leurs patrons n'étant pas nécessairement bien informés de l'existence de ce type de solution et des bénéfices qu'ils pourraient en retirer.

Quels sont les atouts des PGI en mode ASP/SaaS ?

Le premier atout est d'ordre financier. Comparé au modèle historique, l'investissement initial important en matériels et logiciel est remplacé par une charge d'exploitation souvent indexée sur le niveau d'utilisation, le nombre d'utilisateurs ou encore de transactions.

Notons toutefois que certains modèles de gestion d'entreprise privilégient l'investissement à l'accroissement des charges d'exploitation récurrentes, favorisant ainsi des solutions traditionnelles. Pour autant, les bénéfices sont multiples : suppression de l'investissement lourd initial, lissage des besoins de trésorerie, et surtout une optimisation du coût total générée par la mutualisation inhérente au modèle ASP/SaaS.

Le second atout est d'ordre opérationnel : il s'agit de la rapidité de mise en œuvre de la solution, et de l'agilité dans la réduction ou l'extension du projet selon l'évolution des besoins, permettant ainsi de maintenir un alignement avec l'activité de l'entreprise.

"Certaines entreprises privilégient l'investissement à l'accroissement de leurs charges d'exploitation récurrentes"

Tous les PGI en mode intégrés et ASP/SaaS se valent-ils ?

Sur les plans opérationnels et techniques, les besoins les plus délicats à adresser avec un modèle ASP/SaaS sont la configuration et la personnalisation de même que l'interfaçage avec des systèmes tiers et la capacité à monter en charge dans le cas de PGI intégrant du transactionnel.

.Sans tomber toutefois dans un travers qui serait de se dire que l'ASP procurerait le même niveau de configurabilité ou d'interfaçage qu'un PGI en mode internalisé.

Cela étant, les solutions ASP/SaaS ont énormément progressé sur l'ensemble de ces points au cours des dernières années et continueront à réduire l'écart.

Quelles entreprises peuvent éprouver un intérêt à opter pour les PGI en mode ASP/SaaS ?

Toutes les entreprises, en général. Avec quelques exceptions cependant comme celles qui opèrent dans des secteurs spécifiques, notamment de la Défense, qui perçoivent un besoin extrêmement fort de customisation ou doivent supporter des contraintes transactionnelles élevées, difficilement compatibles avec le principe de mutualisation.

Sans compter celles qui ont une pression financière nettement plus élevée sur les charges récurrentes d'exploitation que sur les investissements.

Un facteur pertinent est sans doute également lié au domaine concerné par l'externalisation ou non : plus les processus dans ce domaine sont standards et non perçus comme un avantage concurrentiel, plus le PGI couvrant ce domaine est externalisable. Ceci explique que les PGI RH sont parmi les plus externalisés. Mais les CRM le sont également fréquemment.

Quelles sont les difficultés de conserver son PGI en interne ?

"Un éditeur qui ne fournirait plus que des applications en ASP peut réduire ses coûts de développement et de maintenance"

Internaliser son PGI nécessite de pouvoir assumer avec un coût et délai acceptable des prestations de nature informatique - installation de matériels, configuration de réseaux, supervision et administration système.

Or, ceci n'est pas toujours possible, notamment dans les PMI/PME qui ne disposent pas nécessairement des moyens informatiques nécessaires, ou dans les grandes entreprises dont les départements informatiques peuvent notamment éprouver des difficultés à répondre à la pression des coûts et des délais attendus.

Les éditeurs de PGI doivent-ils réorienter leur modèle économique vers l'ASP/SaaS ?

Un éditeur hybride qui propose son PGI dans les deux modèles peut, en devenant exclusivement ASP/SaaS, améliorer le niveau de récurrence et prédictibilité de son chiffre d'affaires et réduire ses coûts de développement et maintenance.

Simplement par le fait de n'avoir, en théorie, plus qu'une seule version et un seul environnement applicatif à maintenir. Aller vers l'ASP/SaaS et tenter de stopper l'approche internalisée semble donc hautement attractif.

Mais une telle transition implique toutefois un potentiel manque à gagner de chiffre d'affaires à ses débuts car le chiffre d'affaires généré par l'ASP/SaaS est étalé dans le temps. Elle requiert également un investissement significatif : mise en place de l'infrastructure, des opérations d'exploitation, tout en imposant un changement profond de l'organisation et des processus de l'entreprise.

L'essor des PGI en mode ASP/SaaS incitera-t-il les intégrateurs à s'adapter ?

En premier lieu, certains intégrateurs se positionnent déjà dans la chaîne de valeur du modèle ASP/SaaS en hébergeant et exploitant des PGI, et fournissant le PGI avec un modèle " as a service " à leurs clients.

 
Thierry Aubert
(Tioga Venture)
 
 
 

Ensuite, si les éditeurs ASP/SaaS sont conduits à intégrer dans leur produit des mécanismes facilitant leur paramétrage et interfaçage, la gestion des évolutions au cours du temps requiert des prestations d'intégrateurs : analyse des besoins, spécifications, paramétrage et interfaçage, formation des utilisateurs, support…

Le modèle ASP/SaaS offre en outre des opportunités supplémentaires pour les intégrateurs : développement de prestations métier afin d'aider les entreprises à dégager plus de valeur de l'utilisation de leur PGI, stimulation du développement de l'utilisation des PGI ASP/SaaS auprès des PME/PMI. Par exemple en proposant des solutions de mise en œuvre certes plus packagées, mais ciblant un volume de clients plus élevé.

 

Thierry Aubert est consultant senior chez Tioga Venture.



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