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Armand Gautier
Consultant
Q-Labs
Armand Gautier
"CMMI n'est que du bon sens et de la méthode"
Le consultant décrypte les principes du référentiel CMMI et ses atouts. L'obtention d'une certification exige engagement de la direction et motivation des équipes.
18/09/2006
 
JDN Solutions. En quoi consiste le CMMI ?
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 Armand Gautier
 Q-Labs
Armand Gautier. CMMI est un modèle de bonnes pratiques concernant le développement et les projets informatiques. Il explique ce qu'il faut faire. Après c'est sur le terrain qu'il faut le traduire. Son objectif est d'aider à mieux travailler et partager les connaissances sur ce qui doit être fait et comment s'y tenir tout au long d'un projet.

Il peut etre utilisé dans tous les projets en général, mais en particulier le développement informatique, et surtout les projets un peu conséquents ou impliquant des maintenances importantes.

Les concepts CMMI peuvent-ils être mis en œuvre en dehors de l'ingénierie logiciel et système ?
Oui, il y a des hôpitaux américains qui l'ont utilisé pour leur gestion. Mais dans ce cas on n'applique pas tout (par exemple l'intégration ?) et donc il faut bien pratiquer le modèle. Dans CMMI tout ce qui est pratique de gestion de projet s'applique à tout projet, le lancement d'un hypermarché par exemple. D'autres pratiques sont plus spécifiques. Cela dit, cela donne un très grand champ d'application.

Certains métiers, pharmacie ou médecine, ont des recueils propres de bonnes pratiques. Mais à défaut je suis sûr que CMMI peut aider à progresser, ne serait-ce qu'en aidant à poser un diagnostic car il fournit des grilles d'analyse.

Sur quels processus est-il le plus efficient ?
Il n'y a pas de typologie particulière. Actuellement il est très employé sur les projets de logiciels embarqués où les corrections de bugs sont plus difficiles à faire (les voitures ...), et en projets de gestion car il y a alors beaucoup d'utilisateurs.

L'amélioration est-elle un projet transversal ou faut-il mieux le conduire par métier ?
De façon générale il faut mieux en faire un projet transversal : une expérience ici peut convaincre là-bas, les personnes formées peuvent évoluer, etc. Mais souvent pour commencer on se penche sur un ou quelques métiers.

Par ailleurs, convaincre la direction et récupérer du budget est souvent plus long, mais plus réussi en transverse.

Que recommanderiez-vous pour mieux appréhender la réalité de CMMI ?
Vous pouvez aller au plus direct en consultant le modèle sur le site du SEI ou acheter les quelques livres qui existent en français dont le mien : comprendre CMMI aux Editions Cepaduès.
   
  Convaincre la direction et récupérer du budget est souvent plus long, mais plus réussi en transverse"

Quels conseils pratiques majeurs donneriez-vous à une entreprise s'engageant dans l'amélioration intégrée des processus ?
D'abord de ne pas réinventer le modèle en voulant le réinterpréter et le reconstruire. Mais Juste de le prendre tel qu'il est, à savoir le résultat de plus de 1000 ans homme.

Puis chercher ce que l'on veut vraiment améliorer. Cela paraît idiot mais ce n'est pas si simple. Qualité ? Délai ? Budget ? Souvent au début on veut tout réduire et on n'arrive finalement à rien.

Pouvez-vous nous donner un exemple concret de projet de CMMI et des bénéfices qui en sont ressortis ?
Pour un éditeur de logiciel, en 2 ans on a gagné 10% sur les coûts et réduit les week-ends de recette de moitié pour un autre client. Maintenant tous les projets vont au bout avec un résultat ou sont arrêtés assez vite.

Est-ce que le bon sens et de la méthode ne suffisent pas déjà ?
CMMI n'est que du bon sens et de la méthode. L'avantage c'est qu'il explique où s'améliorer et dans quel ordre. Par ailleurs, comme CMMI est assez exigeant, il pousse les personnes à s'organiser et au passage, à titre personnel, à se professionnaliser. Normalement, une expérience CMMI sert pour les autres projets même si on change de boulot.

Quel est le préalable à un projet CMMI ? Comment savoir lorsqu'il est nécessaire de le mettre en œuvre ?
Il n'y a jamais de bon moment pour un projet CMMI. Car on en a besoin quand cela va mal et on ne les fait pas quand cela va bien. Il faut le lancer dès qu'on veut être meilleur et que l'on a une idée de ce que cela veut dire.

Faut-il le préférer à Cobit ou Itil, ou bien ces référentiels sont-ils complémentaires ?
En fait c'est complémentaire. ITIL aide pour la production et les services associés mais n'exige pas autant de gains de performance que CMMI. Cobit est plutôt pour la gouvernance, et sa mise en œuvre pratique passe par l'utilisation formelle ou non de pratiques de type CMMI.

Des 3, c'est CMMI qui est le plus "gros" et le plus long à digérer. Mais c'est largement parce qu'il rentre dans le détail des activités à mettre en œuvre.

   
  On en a besoin quand cela va mal et on ne les fait pas quand cela va bien"
Existe-t-il des méthodologies "concurrentes", et si oui, quels avantages CMMI a-t-il sur elles ?
Il y a des concurrents et il y en aura toujours. Mais actuellement CMMI est vraiment un modèle éprouvé, lancé en fait il y a 20 ans, et connu dans le monde entier.

L'explosion des modèles qui a eu lieu après le succès du CMM s'est terminée avec l'arrivée du CMMI qui concentre beaucoup de ces vieux modèles. Ceci dit, sur des points particuliers comme la sécurité ou la sous-traitance, il y a des modèles complémentaires intéressants...

Le respect de la méthode CMMI rend-elle plus facile l'obtention de la certification ISO-20000 ?
D'abord CMMI n'est pas une méthode mais plutôt le cahier des charges d'une méthode. CMMI s'applique suivant les cas de figure de façon très diverse : mise en place d'outils spécifiques ou non, redéfinition de la notion de projet dans les entreprises, engagement sur la qualité, etc.

Mettre en œuvre les pratiques CMMI est une grande aide pour ISO dans la mesure où ISO ne dit pas dans le détail ce qui est attendu. Il se contente juste de fixer les grands objectifs. CMMI alors apporte des réponses par rapport à ces grandes et légitimes questions.

La certification CMMI est-elle bien acceptée par les sociétés françaises ?
Il y a un peu les deux cas de figure : soit l'entreprise a décidé de se faire certifier et en général les équipes s'efforcent de le mettre en œuvre et y parviennent. Soit elles n'ont pas un objectif de certification pour d'autres raisons : peur du bachotage, priorité aux projets, ... et alors il est difficile de les faire changer d'attitude.

Pour les personnes, qui ont en général durement travaillé pour s'améliorer et après obtenir la certification, l'obtention du "diplôme" est une façon de reconnaître leur travail. Et je vous assure que quand quelqu'un a été certifié niveau 2 ou 3, il en parle autour de lui.

Combien de sociétés de services en France sont certifiées CMMI niveau 5 ?
A ma connaissance aucune, mais je n'ai pas de connaissance particulière sur le sujet car ces sociétés préfèrent souvent faire en interne. Par contre de nombreuses SSII indiennes se sont faites certifier niveau 5 dans un but souvent commercial. Et aussi souvent à partir d'expériences internes, à la demande de leurs clients pour la plupart américains.

   
  Si le management ne s'implique pas, le projet n'a pas de sens pour les équipes"
Quels outils informatique permettent de mettre en œuvre le CMMI ?
Il y en a plusieurs sur le marché. Souvent mes clients font aussi des petits bricolages pour faciliter la vie des équipes de développement. Les outils ne sont pas encore assez évolués pour répondre facilement à tous les besoins, mais cela viendra.

Par contre, il est fondamental de réfléchir au fonctionnement à atteindre avant de rechercher des outils. On s'aperçoit souvent après étude que des solutions Open Source simples vont aussi bien que des logiciels plus connus.

Qui doit-on intégrer dans l'équipe projet ? Y a-t-il des individus indispensables ?
Dans l'équipe, il est utile d'avoir facilement disponible quelqu'un qui connaît bien le modèle CMMI. Il faut en effet pourvoir le lire sur ses différents niveaux. Il est utile d'avoir des personnes plutôt "méthode" pour la rigueur et aussi la continuité avec les méthodes en cours, même si elles ne sont pas appliquées.

Il est nécessaire d'avoir, pas forcément à plein temps, des personnes "terrain" avec une expérience de gestion de projet et de développement pour éviter de construire des usines à gaz.

Il faut surtout des personnes motivées et en nombre suffisant, car améliorer les autres demande beaucoup d'énergie. Si ces personnes sont trop peu nombreuses, elles se décourageront et elles ne pourront pas communiquer et travailler suffisamment avec les équipes.

L'élaboration de la dernière version de CMMI n'a-t-elle pas pâti des désaccords entre les contributeurs ?
On peut être de cet avis, mais il faudra voir sur le terrain. IPPD en particulier était difficile à mettre en œuvre et ne parlait pas toujours aux équipes. C'est peut-être bien de l'avoir simplifié. Sur la gestion des fournisseurs, je trouve que cela va dans le bon sens.

Dans quelle direction doit encore aller CMMI dans les mois, années à venir ?
A mon avis personne n'en sait encore rien, même au SEI. Peut-on se dire qu'après des simplifications, on aura des complexifications ?

   
  Le CMMI est fait pour être réussi par tout le monde. Ce n'est pas un championnat"
Représentation continue ou étagée, sur quels critères baser son choix ?
Le modèle continu est très difficile à mettre en œuvre. Il suppose de motiver des personnes sur des capacités et c'est dur à vendre. A moins de connaître très bien le modèle et d'avoir de bonnes raisons, l'approche étagée est plus facile et donc plus efficace. Cela vaut en particulier pour le niveau 2.

Après, on peut aussi avoir une approche mixte (en visant un niveau "2 et demi") : en regardant d'abord l'ingénierie puis en stabilisant avant de passer au reste, ou en mettant en place la gestion des processus et la formation avant l'ingénierie. Globalement on gère par blocs.

Un cas particulier est quand il n'y a pas du tout de fournisseurs, alors certains secteurs peuvent être enlevés. Mais on peut le faire dans l'approche étagée.

Quelles sont les difficultés récurrentes rencontrées dans un projet d'amélioration des processus ?
C'est vrai que les difficultés sont à peu près toujours le mêmes. Si le management ne s'implique pas, le projet n'a pas de sens pour les équipes et très vite il devient un projet purement méthode.

Si l'équipe n'est pas assez nombreuse et compétente, le projet perd très vite en crédibilité. Et si les productions sont trop formalistes (ou "méthode"), il y a un rejet. C'est difficile mais il faut mettre en place un peu de formaliste tout en restant pragmatique (ne pas traiter tous les cas).

En passant à CMMI, une entreprise ne risque-t-elle pas de remettre en cause ses programmes d'amélioration de processus antérieurs ?
Normalement non. Mais après c'est une affaire d'homme. Il se peut qu'on vende CMMI en disant que les précédents ne valaient rien. Cela peut aider à vendre, mais cela ne facilite pas forcément la suite.

Dans l'ouvrage Comprendre CMMI, il y a cette citation de Henry Miller "dans cette époque qui croit qu'il y a un raccourci à tout, la principale leçon à retenir est que la manière la plus difficile est, à la longue, la plus facile". Est-ce qu'il faut comprendre que seuls les plus aguerris parviendront à appliquer CMMI ?
Non. L'idée c'est qu'en croyant que les choses seront simples, en lançant des idées "géniales" pour aller plus vite, on va coiffer tout le monde au poteau. En fait c'est toujours raté. C'est comme le piano, il faut faire ses gammes, bien lire le modèle, bien choisir les personnes, comprendre que faire évoluer le fonctionnement des gens prendra du temps, réfléchir pour avoir les bonnes idées applicables au terrain et alors on réussit.

Pour moi c'est plutôt une question d'humilité devant le travail à faire. Le CMMI est fait pour être réussi par tout le monde. Ce n'est pas un championnat.

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 Armand Gautier
 Q-Labs
Comment devient-on un expert CMMI?
Facile. En faisant de nombreux projet pour avoir vécu des situations différentes. Et à la fin, ne plus penser au modèle CMMI, qui n'est qu'un outil, mais aux personnes qui vont utiliser les pratiques CMMI.



Merci à tous.

 
Propos recueillis par Christophe AUFFRAY, JDN Solutions

PARCOURS
 
 
Armand Gautier est consultant pour Q-Labs (lire sa fiche dans le carnet des managers).

   
 
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