Pourquoi IBM a investi deux milliards de dollars dans The Weather Company

Pourquoi IBM a investi deux milliards de dollars dans The Weather Company L'opération est emblématique de l'importance de la météo en matière de création de valeur. De quoi enrichir l'offre métier de Big Blue et sa plate-forme d'intelligence artificielle.

On a tous conscience de l'impact de la météorologie sur nos comportements de la vie quotidienne. Ce que l'on réalise moins, c'est à quel point ces prévisions sont devenues un marqueur économique d'une ampleur considérable, que ce soit pour l'industrie, la logistique, les transports, les services, la distribution, la santé, etc. Un phénomène qui combine recueil de données, traitement analytique ou cognitif, et analyse prédictive.

Fort de ce constat, IBM a récemment jeté son dévolu sur The Weather Company, une entreprise américaine spécialisée dans le recueil et le traitement de données météorologiques, dont Big Blue vient de prendre le contrôle pour plus de deux milliards de dollars. Un montant à rapprocher du savoir-faire de cette entreprise familière des Américains avec son application mobile téléchargée plus de 150 millions de fois, ce qui en fait l'une des plus populaires aux Etats-Unis.

weather.com revendique 82 millions de visiteurs par mois

The Weather Company compte 5 000 entreprises clientes

Côté fréquentation, le site du groupe, weather.com, revendique 82 millions de visiteurs uniques par mois pour un volume de données générées sept fois supérieur à celui de Google ! Bref, The Weather Company, avec ses 900 data scientists et ses 5 000 entreprises clientes dans l'aéronautique, l'énergie, les transports, les services, la distribution (Wal-Mart) ou l'hygiène (Procter & Gamble), représente une opportunité majeure de se positionner sur un créneau dont le potentiel parait inépuisable.

"Certaines applications comme Weather FX permettent de déterminer à l'avance quel type de fruits ou de sprays les clients achèteront à telle période de l'année à Dallas ou à Miami en fonction de la météo", relatait l'agence Bloomberg en octobre 2014. Impressionnant. Interrogé sur ces étonnantes capacités prédictives, le responsable de Weather FX répondait en substance : "l'explication n'est pas toujours rationnelle mais c'est comme cela". Autrement dit, elles sont le fruit d'une corrélation extrêmement fine entre la manière dont des produits se sont vendus à une période donnée et les conditions météorologiques d'alors. De quoi faire rêver les directions marketing !

Un réseau de 150 000 capteurs météo

"Avec ses trois milliards de relevés par jour, The Weather Company est le plus grand réseau de collecte de données au monde", se réjouit-on chez IBM France où l'on insiste sur le potentiel de développement autour de nouvelles applications métiers. "Cela va nous permettre d'améliorer significativement notre offre d'intelligence artificielle dans de très nombreux domaines : énergie, assurance, transport, distribution, agriculture, sécurité civile, smart cities, etc.", assure Serge Flandre, directeur de Watson IoT chez IBM France. "Plus les données collectées sont précises, meilleures sont les prévisions. Avec une dimension toute particulière en matière de prévention des risques et de maintenance prédictive", poursuit-il.

En intégrant ce type de données à son offre de cloud et à sa plate-forme cognitive Watson Analytics, IBM compte franchir une étape supplémentaire dans ses capacités d'analyse. Pour l'instant limité au territoire américain (The Weather Company y dispose de près de 150 000 capteurs en propre), l'offre devrait être rapidement étendue à de nouveaux territoires (Brésil, Chine, Inde, Japon, Mexique). Et rien n'interdit de penser que des projets similaires verront le jour ailleurs dans le monde (1). De quoi donner une nouvelle impulsion aux activités liées aux prévisions météorologiques et à l'Internet des objets (IoT).

Des enjeux économiques considérables

La météo aurait une influence directe sur un tiers de la croissance mondiale

En associant le recueil de données météorologiques aux capacités cognitives de Watson, on passe de la prévision météo à un univers applicatif combinant prévention et hiérarchisation des risques au sein d'une même plate-forme de services. "Il n'existe quasiment aucune activité économique qui ne soit pas fonction de la météo", relevait le magazine américain Fortune lors du rachat de The Weather Company. Autre son de cloche avec cette affirmation d'IBM selon laquelle l'impact de la météo sur l'économie américaine atteindrait près de 500 milliards de dollars par an dont un (petit) milliard pour les compagnies d'assurance au regard des accidents automobiles liés aux intempéries. Bref, les enjeux économiques sont considérables. A tel point que que la plupart des grands noms de la IT (Cisco, Amazon, Oracle) s'y intéressent de près.

Une dynamique qui prend parfois la forme d'une véritable intégration verticale comme le rachat par Monsanto, le géant américain des semences et des pesticides, de The Climate Corporation, une entreprise californienne spécialisée dans la couverture des risques climatiques auprès des agriculteurs, pour 930 millions de dollars en 2013.

Des applications dans l'agriculture, l'industrie, la santé...

Evaluée à deux milliards de dollars, l'acquisition, tout juste finalisée, de The Weather Company par IBM illustre bien l'impact croissant de la météo sur l'environnement économique. © Capture vidéo JDN

"De plus en plus d'applications métiers sont dépendantes de la météo. D'où l'intérêt de disposer de solutions génériques déjà packagées", constate Charles Parat, directeur de la stratégie et de l'innovation de Micropole, un cabinet de conseil spécialisé dans le numérique. "Partant de là, The Weather Company – le plus important agrégateur de données météo des Etats-Unis – apporte à IBM une brique essentielle en matière de maintenance prédictive", poursuit-il. Une illustration qui va bien au-delà de l'économie traditionnelle (industrie, services) ou de l'agriculture, si l'on se réfère à l'impact de la météo dans le domaine de la santé – où IBM Healthcare vient d'annoncer une acquisition particulièrement significative –  souligne Charles Parat.

En musclant ainsi sa plate-forme Watson Analytics, IBM se positionne comme un acteur majeur en matière de maîtrise des données relatives au climat dans un contexte où la météo aurait, selon certains économistes, une influence directe sur un tiers de la croissance mondiale. Une dimension qui n'a pas échappé à IBM qui a nommé David Kenny, CEO de The Weather Company, à la tête de sa division Watson.    

(1) IBM a été retenu en 2014 par le Centre Européen pour les Prévisions Météorologiques à Moyen Terme (CEPMMT) pour construire un réseau de supercalculateurs et de stockage présenté comme le plus puissant au monde en matière de prévisions météorologiques.