INTERVIEW 
 
François Rechenmann
Directeur de Recherche
INRIA
François Rechenmann
"On ne devient pas chercheur, on l'est par nature et goût intellectuel"
Journée type, thèmes de recherche, avantages et contraintes... Le directeur de recherche de l'INRIA nous dévoile les facettes de son métier.
26/08/2004
 
JDN Solutions. Qu'est-ce qui vous a poussé à devenir chercheur informatique ?
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François Rechenmann. D'une certaine manière, on l'est par nature. C'est une question de goût intellectuel, de goût pour la liberté intellectuelle. Etre chercheur dans le public, c'est avoir la possibilité de mener un projet sur le relativement long terme, sans que le sujet soit imposé et sans qu'il soit remis en cause par des activités de court terme, même si - bien évidemment - il y a certaines contingences, comme le fait de trouver un financement.

Dans le privé, à un moment ou un autre, il peut y avoir des réorientations, des décisions prises où l'on dit à une équipe de recherche que son travail n'est plus prioritaire, qu'il faut changer de direction. Dans le public, il y a des actions incitatives, des sujets plus porteurs que d'autres, dans lesquels on percera plus facilement et où les financements seront plus aisés à trouver, mais ce ne sont que des incitations, pas des obligations.

En contrepartie, nous sommes évidemment redevables d'expliquer ce que nous faisons et de présenter et justifier nos orientations et nos résultats. Nous diffusons ainsi des rapports d'activités, des rapports de fin de contrat, et bien sûr des publications dans des journaux et des conférences, où elles font l'objet de critiques et d'une sélection sévère. L'ensemble de nos activités fait par ailleurs l'objet d'un examen et d'une évaluation formelle tous les quatre ans par des experts extérieurs.

Quels sont vos thèmes de recherche ?
Depuis maintenant 15 ans, je travaille à l'interface biologie - informatique, ce qui signifie que je travaille au développement de méthodes et d'outils pour l'aide à la gestion et l'analyse des données biologiques, plus précisément des données génomiques.

Quel type de recherche faites-vous, appliquée ou fondamentale ?
Je ne pense pas qu'il soit possible de catégoriser les choses de cette manière. Il peut y avoir recherche fondamentale dès que, par exemple, vous vous posez une question. Vous êtes, à ce moment-là, le seul à vous la poser. Vous y apportez une réponse et, parfois, cela crée un besoin. Ce besoin, vous allez ensuite essayer d'y répondre de manière concrète, appliquée. La différence est donc très relative dans le temps.

Et dans les sujets aussi : certaines personnes travaillent par exemple sur des algorithmes, en ne regardant pas leur pertinence. D'autres prennent ces mêmes algorithmes mais sous un angle appliqué. Il y a des chercheurs qui aiment voir le résultat de leur recherche utilisé, mis en oeuvre, et d'autres qui aiment la simple élégance intellectuelle.

Enseigner : rien de tel pour s'obliger à vraiment maîtriser un domaine"
La meilleure réponse que je puisse vous donner est de dire, par exemple, que dans les contrats industriels - où l'on vous demande de résoudre un problème concret - il faut parfois d'abord résoudre des problèmes fondamentaux qu'on n'avait pas vu au début pour pouvoir ensuite avancer.

Avez-vous également une activité d'enseignement ?
Moins ces derniers temps, mais toute ma carrière j'ai enseigné à des Bac +4 ou 5. C'est une activité qui prend du temps, il faut des heures de préparation pour une heure de cours. La contrepartie est le contact avec les étudiants qui est très satisfaisant.

Par ailleurs, rien de tel que de préparer un cours pour s'obliger à vraiment maîtriser un domaine particulier, car l'effort de vulgarisation que vous devez fournir vous fait progresser dans la prise de recul par rapport à votre discipline.

Comment se passe une journée type ?
J'ai dirigé une équipe de recherche de 40 à 50 personnes jusqu'à il y a six mois, je vais donc commencer par cette période. Dans une journée type, vous passez beaucoup de temps à discuter avec tout le monde des orientations, des besoins de financement, etc. Vous communiquez aussi vers l'extérieur, pour parler de ce que vous faites. Il peut également y avoir la partie enseignement.

Dans notre métier, il y a beaucoup d'échanges, de discussions"
Globalement, il y a beaucoup d'échanges, de discussions, notamment avec les doctorants, pour les aider à prendre les bonnes directions, à rédiger leur mémoire, pour leur relever le moral quand ils ont des doutes, quand ils sont dans des phases d'insécurité, qu'ils pensent qu'ils n'ont pas avancé. Il y a beaucoup de soutien psychologique. Bien entendu, vous devez aussi gérer votre budget et cultiver des contacts professionnels.

Quand vous êtes chercheur, votre souci peut être par exemple de développer un algorithme nouveau, qui va traiter un nouveau type de données. Puis, vous l'implémentez et vous le testez. Par ailleurs, vous pouvez être amené à rédiger une publication, que vous soumettez, qui est évaluée et que vous devez corriger en conséquence, etc. Si c'est vraiment innovant, cela peut ensuite aller jusqu'à la valorisation industrielle.

Actuellement, quelles sont vos principales tâches au quotidien ?
Actuellement, je suis plus dans des tâches de management scientifique que de recherche stricto sensu. Pendant 15 ans, j'ai dirigé des projets de recherche. Il y a 6 mois, j'ai laissé la direction du groupe de recherche Helix, que j'avais créé en 2000 car une partie de ses travaux donnait lieu à un transfert technologique.

J'ai donc choisi de consacrer une partie de mon temps à l'accompagnement de la société créée pour l'occasion, GenoStar, évitant ainsi tout conflit d'intérêt ou toute confusion avec le groupe de recherche en tant que tel.

Trouver un financement, en quoi cela consiste-t-il ?
Nous cherchons à valoriser nos travaux, mais il n'y a pas de contrainte imposée"
Faire de la recherche, cela peut coûter cher. En recherche informatique, il faut tout d'abord du matériel, au moins une station de travail par chercheur. Mais si vous travaillez sur du calcul parallèle ou des fermes de PC, les coûts d'équipement sont beaucoup plus élevés.

Il faut aussi pouvoir se déplacer, réaliser des missions pour suivre les conférences internationales. Et vous avez toujours besoin de gens qui viennent vous aider, par exemple pour réaliser des développements logiciels importants. Ce peut être aussi des "post doc". Tout cela rentre dans la case "frais de personnel".

Alors, comment couvre-t-on tout cela ? Quand on est à l'Inria, on a un soutien de base par l'établissement, pour assurer le quotidien. Quand un projet spécifique plus ambitieux émerge, on peut faire appel à des organismes pour obtenir des subventions. Selon sa qualité et sa pertinence, le projet est retenu ou non.

Ou alors, signer des contrats avec des industriels. Dans ce dernier cas, des sommes sont allouées pour travailler sur un thème précis pendant x années. L'objectif est d'arriver à des résultats qui puissent être valorisés derrière. Chez nous aussi, on cherche à valoriser nos travaux, par de l'assistance aux entreprises, le conseil, les créations d'entreprise, etc. Mais, encore une fois, ce n'est pas une contrainte imposée mais plutôt une incitation.

Les budgets européens de R&D ne croissent plus, contrairement à d'autres zones dans le monde (lire l'article). Que pensez-vous de la place de l'Europe dans le grand jeu mondial de la recherche ?
La capacité d'intervention de la recherche dans les problématiques industrielles est sous-évaluée"
J'ai le sentiment que la recherche, et la recherche publique en particulier, ne coûte pas très cher compte tenu des retombées à moyen et long terme qu'elle génère. Bien entendu, je vous dirai qu'il faut augmenter les budgets, pour nous donner les moyens de faire ce qu'on est capable de faire. Nous disposons d'un potentiel extraordinaire, avec des chercheurs bien formés qui peuvent donner encore plus si on leur en donne les moyens.

A côté de cela, certains se demandent pourquoi l'Europe ne poursuit pas ses activités tout en récupérant le travail des autres. Ce qu'il faut bien voir est que pour récupérer les résultats des autres, il faut les comprendre, il faut donc maintenir les équipes à niveau, dans les premiers de la course, c'est une question de survie. Sinon, vous rentrez dans une spirale descendante, sachant qu'un résultat ne sert à rien s'il arrive dans un désert intellectuel.

Pensez-vous que la part de la recherche privée doit être augmentée en France ?
Ce que je pense, c'est qu'il y a un potentiel de recherche qui n'est pas assez bien utilisé par le tissu industriel français. Les gens commencent à mieux se comprendre, les choses vont dans le bon sens, sans commune mesure avec ce qui se passait il y a 25 ans. Mais j'ai le sentiment qu'il y a une sous-évaluation de la capacité d'intervention de la recherche et des chercheurs dans les problématiques industrielles.
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On peut encore mieux faire là-dessus, cela dépend de nous - chercheurs - mais aussi des industriels qui doivent nous faire confiance et voir le bénéfice qu'ils peuvent en tirer.

 
Propos recueillis par Fabrice DEBLOCK, JDN Solutions

PARCOURS
 
 
François Rechenmann, 53 ans, est diplômé en sciences de l'informatique de l'ENSIMAG/INPG (1973). Il a réalisé sa thèse à l'INPG en 1976, avec le soutien financier du CNRS.

1976 Scientifique au Joint Research Center (JCR-EURATOM) à Ispra, en Italie.
1978 Chercheur (puis directeur de recherche en 1983) à l'INRIA. Il a contribué aux projets Moduleco (développement de méthodes et de logiciels pour grands modèles économétriques) et Edora (systèmes dynamiques en écologie).
1988 Création du groupe de recherche Sherpa, à Grenoble, sur les modèles de connaissances à objets.
2000 Création du groupe de recherche Helix à l'INRIA Rhône-Alpes, sur les méthodes et outils de modélisation et d'analyse des données génomiques.
Décembre 2004 Société GenoStar (consortium public/privé créé à l'initiative de Genome express, Hybrigenics, l'INRIA et l'Institut Pasteur).

   
 
 
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