La véritable raison de l’échec des start-up orientées open source

Suite à la cessation d’activité de Nebula, quelle stratégie entreprendre en tant qu'éditeur open source sur le segment OpenStack ? Le point.

Dans l’actualité récente, la cessation d’activité de Nebula a prêté à spéculations sur les jeunes pousses pionnières d’OpenStack, dont les difficultés seraient liées à la situation du marché OpenStack.  

J’ai même lu un article faisant valoir l’ambition nourrie par OpenStack : le « support à vie ». Un fantasme qui ne pourrait guère être plus éloigné de la vérité. Car le fait est que tirer son épingle du jeu dans l’univers open source exige une stratégie radicalement différente de celle poursuivie par la plupart des capital-risqueurs qui investissent aujourd’hui dans cette technologie. 

En 2011, Mirantis était une société de services informatiques employant 150 salariés, spécialisée dans le conseil autour des technologies d’infrastructure open source.  

Nous avons découvert OpenStack lors de quelques-unes de nos missions et, au vu du formidable élan communautaire sous-tendant cette technologie, avons décidé de tout miser sur elle. Soucieux de démarrer au plus tôt, nous avons contacté Randy Bias chez Cloudscaling, une start-up dynamique spécialisée dans les services OpenStack qui venait précisément de clôturer un tour de table en « série A » pour créer une distribution OpenStack. « Maintenant que nous avons levé les fonds, il s’agit de créer le produit pour nous », a-t-il confié. « Le contrat que avons décroché porte sur un déploiement OpenStack pour Internap. Et si vous étiez notre sous-traitant ? » 

Il s’agissait là du premier projet véritablement OpenStack que nous ayons eu à réaliser, et cette orientation services a jeté les bases de la société axée sur les produits OpenStack que nous avons créée et que Randy Bias souhaitait à l’origine pour Cloudscaling. 

Pour Randy Bias, malheureusement, cette levée de fonds de capital-risque a marqué le début d’un parcours très différent. Appliquant les consignes de ses investisseurs, il a sacrifié une activité de conseil prospère, valorisée à plusieurs millions de dollars, pour mettre au point Cloudscaling OpenStack, un produit trop immature pour satisfaire un marché OpenStack avide de services. Trois ans plus tard, Red Hat déboursait près de 100 millions de dollars pour eNovance, cabinet d’expert-conseil OpenStack à peine plus grand que Cloudscaling en 2011. Félicitations à Randy Bias pour être parvenu à naviguer dans les eaux plus calmes d’EMC Corporation en leur cédant sa société l’an dernier. 

Où la faille se situe-t-elle pour les start-up Cloudscaling et Nebula ? Toutes deux se sont trompées de stratégie. 

La stratégie type d’une entreprise opérant sur Internet ressemble à peu de chose près à ce qui suit : 
a.     Un génie en développement de produits met au point une technologie différenciée ; 
b.     Les fondateurs et l’équipe commerciale vendent quelques contrats en guise de test ; 
c.     La société est revendue plusieurs centaines de millions à un acteur disposant de canaux de distribution ; ou 
d.     Plusieurs levées de fonds sont opérées pour renforcer les canaux de distribution dans la perspective d’une introduction en Bourse

Cette stratégie fonctionne pour les marchés d’innovation. Les capital-risqueurs s’approprient partiellement la technologie différenciée et monétisent l’effet de levier lorsqu’il y a une demande technologique. 

Parce que les marchés de l’écosystème open source se comportent différemment, la stratégie se doit d’être très différente. Ici, le facteur de différenciation ne réside pas dans la technologie que vous mettez au point, mais dans les procédures et l’expertise que vous acquérez petit à petit sur une période de temps étendue. Ceux qui ont réussi à tirer leur épingle du jeu (Red Hat, Cloudera ou Hortonworks, etc.) ont suivi la même stratégie, à savoir : 
a.     Commencer à vendre des missions de services autour de cet écosystème et instituer une veille clients ; 
b.     Investir massivement en vue d’exercer une influence sur leurs communautés respectives en amont, au travers de contributions directes à la base de code sur laquelle vous misez (avec OpenStack, il est facile de repérer qui contribue et qui ne contribue pas à Stackalytics) ; 
c.     Commencer à proposer des formations ; 
d.     Ajouter des distributions commerciales de cette technologie ; 
e.     En option : élaborer des composants à valeur ajoutée en marge et autour de cette technologie. 

Créer une société open source exige excellence opérationnelle et endurance, et pas simplement des génies du piratage informatique ambitionnant de détrôner VMware. Les start-up et les capital-risqueurs qui misent tout sur la stratégie d’innovation sont voués à l’échec, alors que ceux qui privilégient l’expertise ― et donc la stratégie open source ― sauvent leur mise. C’est du moins ce que nous observons dans l’univers OpenStack. 

Prédire la fin prochaine d’OpenStack, c’est certes faire la une des journaux, mais surtout méconnaître la situation actuelle de cet écosystème. Car ces sociétés enregistrent une progression constante de leur chiffre d’affaires et de leurs missions. Red Hat, Mirantis, HP, IBM, Huawei et Cisco commercialisent avec succès leurs propres versions d’OpenStack. 

Plusieurs clients dynamiques (PayPal, Symantec, Workday, Bloomberg, Wells Fargo, AT&T et Walmart) n’ont pas hésité à annoncer publiquement leurs initiatives OpenStack et de nombreuses autres sont d’ailleurs en cours. Il existe un réseau très actif de start-up qui, soit se concentrent sur un aspect particulier d’OpenStack ― comme SwiftStack, MetaCloud (racheté par Cisco aux environs de 200 millions de dollars d’après les rumeurs) et BlueBox ― soit créent essentiellement des composants pour OpenStack ― comme Ceph (acquis par Red Hat pour près de 200 millions de dollars), Contrail Systems (racheté par Juniper 176 millions de dollars), Midokura, Akanda et SolidFire. 

Je pourrais citer de nombreux autres exemples corroborant cette montée en puissance d’OpenStack mais, en définitive, le fait est que le marché OpenStack est vigoureux et florissant. Autrement dit, ici, c’est l’arbre qui cache la forêt.