TRIBUNE 
PAR LIONEL THOUMYRE
Aaargh : une ordonnance finalement mesurée
Il est prématuré de prétendre que cette ordonnance ne tient pas compte des difficultés techniques, financières ou pratiques auxquels les fournisseurs d'accès pourraient se heurter.  (17/05/2005)
 
Directeur de Juriscom.net, responsable nouvelles techniques, rattaché à la direction juridique de la Spedidam.
 
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Si on y regarde de près, cette ordonnance n'est pas si défavorable aux FAI. L'injonction du président Binoche est même particulièrement mesurée. Non seulement elle n'impose aucune obligation de résultat aux fournisseurs d'accès sur les effets du filtrage mais, plus encore, cette obligation n'est assortie d'aucune astreinte pécuniaire. Cette situation est tout de même assez singulière. Ce qui est imposé aux FAI, c'est une expérimentation à échelle réelle. Après, on verra. Les FAI ont donc une dizaine de jours pour effectuer l'exercice et, durant ce temps, ils pourront porter à la connaissance du juge toutes les difficultés qu'ils rencontreront... C'est donc bien d'"essais" dont il s'agit. Par conséquent, il est prématuré de prétendre que cette ordonnance ne tient pas compte des difficultés techniques, financières ou pratiques auxquels les fournisseurs d'accès pourraient se heurter.

Une procédure juridique innovante...
La méthode judiciaire est très différente de celle qui avait été employée par l'ancien vice-président du TGI de Paris dans le cadre des affaires Yahoo! en 2000 et J'Accuse en 2001. Le juge Gomez avait en effet recouru à des expertises techniques et à l'audition de "grands témoins". Même si cette méthode était difficilement justifiable dans le cadre d'une procédure de référé (donc d'urgence), elle avait eu le mérite de faire avancer le débat sur la faisabilité technique et les impasses juridiques du filtrage. Mais aucune de ces deux affaires n'avait abouti à l'expérimentation concrète d'une mesure de filtrage. Nous n'avions que nos fantasmes pour surseoir à statuer, et on les a savourés pendant près de 5 ans... jusqu'à ce que le juge Binoche ait souhaité être fixé.

... mais peut-être mal taillée
En revanche, sur le plan juridique, on peut se demander si les termes de l'article 6.I.8 de la LCEN ont bien été appliqués. Ceux-ci permettent au juge des référés de prescrire aux FAI "toutes mesures propres à prévenir un dommage ou à faire cesser un dommage occasionné par le contenu d'un service de communication au public en ligne". Les termes "Toutes mesures" signifient que le juge doit en décrire au moins une. Or, aucune mesure précise n'a été prescrite. On pressent que la Cour d'appel, si elle est saisie, pourrait reprocher au TGI le caractère trop vague de son ordonnance et d'avoir, en conséquence, méconnu les termes de l'article 6.I.8.

Une opportunité à saisir pour les FAI
Ceci étant dit, il ne serait pas à l'avantage des FAI de se voir imposer des mesures plus concrètes. Ces derniers sont donc face à un dilemme cornélien. Que doivent-ils choisir entre 1) faire "sauter" la présente ordonnance et risquer de se voir imposer, plus tard, des obligations plus concrètes (car les associations anti-racistes n'abandonneront pas la partie) et 2) appliquer cette ordonnance qui leur laisse tout de même une certaine marge de manœuvre ? A mon avis, la seconde solution est bien plus avantageuse pour eux car elle leur permet de démontrer concrètement l'inefficacité ou les effets pervers de toutes mesures de filtrage. En définitive, s'ils veulent prouver leur bonne foi, c'est le moment ou jamais

 
 

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