TRIBUNE 
PAR ARNAUD DIMEGLIO
Faut-il légaliser le Peer to Peer ?
Pour Arnaud Dimeglio, Avocat à la Cour, aucune solution réglementaire n'est idéale pour répondre à la question du peer to peer. Seule solution : transposer la directive sans adopter de mesure relative au peer to peer.  (14/02/2006)
 
Arnaud Dimeglio,
Avocat à la Cour, docteur en droit
 
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Le débat relatif à la légalisation du peer to peer, reviendra au Parlement au mois de mars, dans le cadre de l'adoption du projet de loi relatif au droit d'auteur et aux droits voisins dans la société de l'information.

Ce débat a été introduit à la suite de l'adoption d'un amendement au projet de loi, prévoyant l'impossibilité pour l'auteur d'interdire à une personne physique d'effectuer une reproduction de l'œuvre, pour usage privé, à condition que cette reproduction fasse l'objet d'une rémunération pour copie privée.

De cet amendement, certains en ont déduit qu'était née une licence légale autorisant le téléchargement d'œuvres partagées sur les réseaux peer to peer, que cette œuvre ait été mise en ligne avec ou sans l'autorisation de l'auteur.

Or l'amendement ne précise pas que l'auteur ne puisse interdire le téléchargement d'œuvres mises en ligne de façon illicite (sans son consentement), ni ne précise le support du peer to peer. Il prévoit simplement que l'auteur ne peut interdire la copie privée d'œuvres mises en ligne ; sans préjudice de son droit à rémunération pour copie privée. Ce qui en soit n'est que l'adaptation à l'Internet de notre droit actuel. Peut être que certains ont voulu dire à cet amendement bien plus que ce que ses auteurs souhaitaient. Quoi qu'il en soit, il a le mérite de poser le problème de la légalisation du peer to peer.

La directive européenne ne prévoit pas précisément de légaliser le peer to peer
Le peer to peer permet le partage de fichier entre ordinateurs, et ce, que l'auteur l'ait autorisé ou non. Un conflit surgit entre le droit des auteurs, et les internautes qui souhaitent télécharger les œuvres.

La directive européenne ne prévoit pas précisément de légaliser le peer to peer mais offre la possibilité aux Etats de prévoir une exception pour copie privée avec droit de rémunération pour les auteurs. Ce qui existe déjà dans notre code de la propriété intellectuelle. L'article 311-4 prévoyant en effet une rémunération des auteurs pour copie privée.

Selon les juristes, la jurisprudence serait divergente : certaines décisions condamneraient le téléchargement d'œuvres mises en partage, tandis que d'autres l'autoriseraient (CA Montpellier). Mais force est de constater que la jurisprudence, et la doctrine dominante condamnent le téléchargement d'œuvres mises en partage sans l'accord de l'auteur, et que les autres sont isolées.

Les cinq solutions possibles
- Interdire le peer to peer : cela ne paraît pas souhaitable dans la mesure où les tribunaux consacrent déjà cette solution en appliquant, et en interprétant les textes légaux. L'interdiction doit en outre être faite en fonction de chaque œuvre, selon que sa diffusion ait ou non été autorisée préalablement. Les tribunaux sont les mieux placés pour déterminer, au cas par cas, s'il existe ou non une atteinte aux droits de l'auteur.

- Autoriser l'auteur à prendre des mesures techniques : cela est prévu dans le projet de loi, et transpose la directive : ces techniques permettront peut être à l'auteur d'interdire la mise en partage de ses œuvres, ce qui en soit se présentera comme une solution technique permettant de combattre le peer to peer.

- La réponse graduée : elle permet de sanctionner différemment, les actes de contrefaçon. Aujourd'hui le recel est puni de la même façon que le vol. Cela est contestable si bien que l'on prévoit de graduer la sanction : il appartient au juge de fixer la peine en fonction de la gravité de l'acte. Le Code pénal prévoit il des peines distinctes selon que l'on vole un œuf ou un bœuf ?

- La licence globale : elle permettrait de rémunérer de façon forfaitaire les auteurs en proposant aux internautes de souscrire à un forfait d'accès plus élevé. le problème est que le peer to peer permet un téléchargement d'œuvres illimitées, et qu'avec un forfait de quelques euros, il serait possible de télécharger de façon illimitée des œuvres. Ce qui en soit ne paraît pas équitable pour les auteurs. Le parti socialiste apparaît en outre contre cette solution, qui manifestement n'apparaît pas comme adaptée.

- Création d'un répertoire national des œuvres : cette solution permettrait de recenser les auteurs qui refusent que leurs œuvres soient mises en partage. L'inconvénient de cette mesure est qu'elle risquerait d'obligeait les auteurs à s'inscrire dans un fichier pour indiquer qu'ils refuse l'atteinte à leur monopole, alors qu'actuellement, ils bénéficient de leurs droits sans avoir à faire d'inscription ou même de déclaration. Cette solution paraît ainsi inutile et contraire au principe même du droit d'auteur.

La solution : transposer la directive, sans adopter quelque mesure que ce soit relative au peer to peer
La directive doit être transposée dans l'urgence, sans quoi la France encourt des amendes. Aucune solution n'apparaît en outre aujourd'hui répondre à la question du peer to peer. Le mieux semble par conséquent de transposer la directive, sans adopter quelque mesure que ce soit relative au peer to peer.

Les tribunaux font déjà leur travail d'application de la loi. Si quelques divergences existent entre les décisions, il appartient à la Cour de cassation de les harmoniser, et non au législateur. Les juristes dénoncent déjà l'excès de lois. " Trop de lois tuent la loi".

Dans le doute, et en raison de l'excès de lois, nous préconisons par conséquent au législateur de s'abstenir de délibérer sur cette question ; de transposer la directive, et de laisser le soin aux tribunaux de faire leur travail, au cas par cas, d'interprétation, d'adaptation et d'application de la loi.

 
 

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