Espionnage vocal de Siri : Apple accusée d'avoir violé la vie privée des Français

Espionnage vocal de Siri : Apple accusée d'avoir violé la vie privée des Français La Ligue des droits de l'homme a saisi la justice française, dénonçant des pratiques d'écoute massive via Siri. Un lanceur d'alerte révèle les coulisses d'un système d'enregistrement jugé intrusif, alimentant les inquiétudes sur la confidentialité des données.

La Ligue des droits de l'homme (LDH) a déposé une plainte en France contre Apple, accusant la société américaine d'avoir enregistré et analysé des millions de conversations privées via son assistant vocal Siri, sans consentement explicite. Cette action judiciaire repose sur les révélations d'un ancien sous-traitant, Thomas Le Bonniec, et relance les préoccupations concernant la protection des données personnelles.

Une plainte basée sur des révélations internes

Ce 13 février, la LDH a officiellement déposé une plainte au parquet de Paris, dénonçant des pratiques d'écoute massive et illicite de Siri, l'assistant vocal d'Apple. Cette plainte s'appuie sur les témoignages et preuves fournis par Thomas Le Bonniec, un ancien employé de Globe Technical Services, société sous-traitante d'Apple basée à Cork, en Irlande. Cet analyste de données affirme avoir été témoin, entre 2019 et 2020, d'un traitement systématique et non autorisé d'enregistrements audio privés.

Recruté pour vérifier et corriger les transcriptions vocales de Siri, Thomas Le Bonniec décrit une activité massive : 1 300 enregistrements traités par jour et par analyste, soit plusieurs millions de fichiers écoutés chaque mois. Ces extraits comprenaient des conversations anodines mais aussi des informations sensibles, déclenchées par erreur et à l'insu des utilisateurs.

"Il y a des moments banals, choquants ou gênants où vous entendez des choses très intimes, voire violentes", explique Thomas Le Bonniec, cité par BFMTV. Il évoque des enregistrements relatifs à des discussions médicales, politiques ou encore des conversations d'enfants captées depuis des iPad.

Le signalement déposé s'appuie notamment sur des captures d'écran et des documents internes, démontrant, selon le lanceur d'alerte, que ces pratiques étaient connues et encouragées par les responsables. Radio France rapporte que les analystes étaient incités à traiter même les enregistrements accidentels, sauf en cas de doute manifeste.

Apple conteste fermement les accusations

Face à cette plainte, Apple rejette catégoriquement toute atteinte à la vie privée de ses utilisateurs. Selon la société, les enregistrements collectés servent uniquement à améliorer les performances de Siri et sont anonymisés afin d'empêcher toute identification personnelle.

"Les données Siri n'ont jamais été utilisées pour créer des profils marketing et n'ont jamais été vendues à qui que ce soit à quelque fin que ce soit", a déclaré Apple dans un communiqué, cité par Le Monde.

La firme rappelle qu'elle a suspendu son programme d'écoute humaine en 2019, à la suite des premières révélations sur ces pratiques. Elle souligne également que seuls 0,2% des enregistrements vocaux étaient examinés à des fins d'amélioration de son service.

Cependant, la plainte déposée en France s'interroge sur l'application réelle de ces mesures et sur la transparence d'Apple envers ses utilisateurs. D'après les informations recueillies par Radio France, les analystes avaient, dans certains cas, accès à des données associées à des applications tierces, comme les contacts ou la géolocalisation, permettant potentiellement d'identifier les personnes concernées.

Un cadre légal remis en question

Ces révélations mettent en lumière les limites de l'application du Règlement général sur la protection des données (RGPD). Ce texte, entré en vigueur en 2018, impose un consentement clair et explicite avant toute collecte de données personnelles. Or, selon la LDH, Apple n'a pas suffisamment informé ses clients sur l'étendue de l'analyse de leurs enregistrements vocaux.

Cette plainte en France intervient alors qu'aux États-Unis, la société a récemment accepté de payer 95 millions de dollars dans le cadre d'un accord à l'amiable. Cette action collective, menée par des utilisateurs américains, reprochait à Apple des pratiques similaires entre 2014 et 2024. Le montant vise à éviter de nouveaux litiges, sans reconnaissance officielle de culpabilité.