Gouvernement : comment François Bayrou a convaincu Emmanuel Macron
Alors que Michel Barnier, Premier ministre démissionnaire, avait fait dérouler le tapis rouge à Matignon sans savoir qui prendrait sa place, c'est finalement François Bayrou qui a fait son entrée ce vendredi 13 décembre. Un retournement de situation digne d'une série Netflix, puisque que la presse titrait déjà que Macron n'en voulait pas. "Je savais depuis le premier jour, le 5 septembre, que temps de mon gouvernement était compté [mais] la politique ne peut pas se réduire à un champ d'entre-soi d'où les citoyens sont exclus", a déclaré le Premier ministre démissionnaire au moment de passer le relai.
Pas de "bébé Macron"
C'est avec du vieux qu'on fait du neuf, puisque François Bayrou a fait son entrée au gouvernement il y a trente ans, lors de ses quatre années comme ministre de l'Éducation nationale, de 1993 à 1997. Bayrou souhaite s'attaquer à la dette, qui pose "un problème moral, pas seulement financier", ainsi qu'au "mur de verre qui s'est construit entre les citoyens et le pouvoir". Mais après dix jours de réflexion, Emmanuel Macron ne souhaitait pourtant pas le nommer Premier ministre. Selon Le Monde, c'est à l'ancien ministre de la défense démissionnaire, Sébastien Lecornu, qu'il comptait confier le poste. Un macroniste pur jus, "bébé Macron" et chef de gouvernement conciliant, qui lui aurait permis de reprendre le pouvoir. "Depuis la censure, Emmanuel Macron pense qu'il va reprendre la main", expliquait un proche d'Alexis Kohler, secrétaire général de l'Élysée. Mais alors que le Président avait convié Bayrou pour lui faire part de sa décision de ne pas le choisir, le président du MoDem, qui s'estime l'homme de la situation, a joué ses dernières cartes. "Je vous ai rejoint pour faire de grandes choses, pas de petites choses. Donc c'est très simple : si vous ne me nommez pas, je retire mes billes", a-t-il déclaré au terme de cette réunion de deux heures.
Un Premier ministre "libre"
Mais pour éviter une autre censure, Emmanuel Macron a besoin d'un nom qui fédère à l'Assemblée, alors que Sébastien Lecornu est déjà rejeté par la gauche. Peu à peu, la presse affirme que le prochain Premier ministre ne sera pas François Bayrou, ce qui fait changer d'avis le Président. Car puisqu'il est désormais de notoriété publique de Macron ne veut pas de lui, Bayrou affirme d'emblée son autonomie. En 2005, Dominique de Villepin avait réussi à convaincre Jacques Chirac de le nommer Premier ministre, alors qu'il comptait nommer Michèle Alliot-Marie. Dès vendredi soir, François Bayrou s'est attelé à la composition de son cabinet, même si le gouvernement devrait être formé dans la semaine. Selon l'ancien eurodéputé écologiste Daniel Cohn-Bendit, "Bayrou peut surprendre et durer [car] Macron n'est plus à la barre et sera un premier ministre libre".