Thierry Petit (Showroomprivé) "L'e-commerce a beaucoup à gagner sur la logistique, qui reste très manuelle"

Lors du salon E-commerce One-to-One 2018, le JDN a demandé aux marchands quelles innovations ils prévoient de déployer. Troisième interview avec Thierry Petit, co-fondateur de Showroomprivé.

JDN. Quel est selon vous l'innovation la plus marquante du secteur cette année ?

Thierry Petit est cofondateur de Showroomprivé. © S. de P. Showroomprivé

Thierry Petit. Je pense que l'innovation e-commerce en France en 2018 n'est pas forcément technologique, mais plutôt dans les rapprochements entre les acteurs du e-commerce et du commerce physique. Tout le monde garde en tête le rachat de Sarenza par Monoprix, de Whole Foods par Amazon, d'André par Spartoo ou encore entre de La Redoute par Les Galeries Lafayette. Richemont, qui détient notamment Cartier, souhaite aussi acquérir le site de vente multimarques Yoox Net-à-porter. Chez nous, cela s'est traduit par la prise de participation de Carrefour chez Showroomprivé à hauteur de 17% en janvier dernier.

Ces rapprochements montrent la nouvelle façon de construire l'e-commerce, avec la convergence de deux mondes. Il n'est pas question ici de petits rachats, comme Monoprix qui rachète Monshowroom. Les intentions deviennent durables. Avec chacun de ces rachats, les objectifs sont similaires : créer des synergies entre des acteurs très forts du monde physique et du e-commerce. Ces acteurs disposent de tailles critiques et s'associent pour être plus forts, notamment face aux Gafa, à Wish, mais aussi face aux BATX Chinois (Baidu, Alibaba, Tencent et Xiaomi, ndlr). Moi, je reste convaincu que le marché sera dominé par de très gros e-commerçants, comme les acteurs chinois ou Amazon. Même nous, Showroomprivé, qui sommes l'un des plus gros pure player d'Europe, nous devons rester humble. Nous restons un petit acteur à l'échelle mondiale.

Quelles synergies vont être mises en place entre Showroomprivé et Carrefour ?

Un des premiers intérêts de ces rapprochements pour les marchands est de livrer vite et mieux. Tous les e-commerçants veulent le faire. Cependant, trouver le modèle économique derrière n'est pas chose aisée. En s'associant avec un grand retailer, notre idée est de nous appuyer sur un puissant réseau physique. Ce dernier permettra de livrer rapidement, en appui de plus de 5 000 magasins du groupe Carrefour en France, et avec un meilleur contrôle des coûts. Du click & collect gratuit sera mis en place pour nos clients, même si je ne peux pas vous annoncer quand. D'autres synergies seront mises en place en matière de marketing, de régie, de data et de sourcing, comme annoncé dans notre plan "performance 2018-2020".

"Carrefour permettra de livrer rapidement en appuie de plus de 5 000 magasins en France et avec un meilleur contrôle des coûts"

Le futur sera complexe. Être proche d'un grand groupe du brick & mortar nous donne accès à leurs magasins, à leur base de membres, à leur data, riches notamment des tickets de caisse. Au départ, l'e-commerce était une affaire de pure players, car ils étaient plus agiles et plus rapides. Mais au fur et à mesure de la croissance de ce marché, les grands retailers se sont lancés dans la course. Quand bien même ces acteurs ont du retard, ils ont une marque, un réseau, un sourcing très fort et ils construisent dans le temps. L'innovation me paraît être aujourd'hui à ce niveau-là, dans la convergence.

Voyez-vous d'autres innovations porteuses pour cette année ?

Je regardais les prestataires et les technologies présents à E-commerce One-to-One. Je constate qu'on voit le mot Intelligence artificielle partout. C'est devenu du n'importe quoi. La plupart des acteurs technologiques font du simple machine learning. C'est mon côté ingénieur, mais cette technologie existe depuis une dizaine d'années. L'intelligence artificielle a pour composante du machine learning, mais elle est bien plus large que ça. Je pense que le mot "IA" est devenu un nouveau moyen marketing de rendre moderne ce qui existait déjà. Les Gafa développent vraiment de l'intelligence artificielle. Peu de gens la pratiquent vraiment. L'IA, telle que vendue sur les salons e-commerce, est souvent bullshit aujourd'hui.

"L'IA, telle que vendue sur les salons e-commerce, est souvent bullshit aujourd'hui"

Au-delà de ça, nous observons bien sûr des innovations autour des modes de paiement avec des start-up très novatrices. Tous les thèmes sont concernés comme la livraison ou encore la robotique en entrepôt. Nous avons beaucoup à gagner sur le canal logistique qui reste encore massivement manuel. L'automatiser permettra d'obtenir des coûts à la commande plus bas. Notre modèle économique demeure aujourd'hui d'offrir toujours plus de services à un prix toujours plus bas, parfois au détriment des marges. Il faut aller chercher ces nouveaux potentiels d'optimisation.

Thierry Petit est le co-PDG de Showroomprivé, avec David Dayan. Diplômé de l'INT, il débute sa carrière au sein des agences interactives Planète interactive et Brainsoft. En 1999, il crée le comparateur de prix Tooboo.com, qu'il cède à Libertysurf l'année suivante. Il en devient le directeur e-commerce, puis s'investit dans divers projets personnels, dirigeant notamment le magazine Mouvement, et entreprend un tour du monde de deux ans. En 2006, il cofonde Showroomprivé avec David Dayan.