Sarenza racheté par Monoprix : ce qui attend le chausseur en ligne

Sarenza racheté par Monoprix : ce qui attend le chausseur en ligne Développer le click&collect, élargir son offre au-delà des chaussures et s'allier face aux Gafa… Sarenza va pouvoir multiplier les nouveaux projets grâce à son futur acquéreur.

Monoprix a trouvé chaussure à son pied. L'enseigne urbaine du groupe Casino a annoncé ce 19 février entrer en négociations exclusives pour racheter Sarenza. Le montant n'a pas été communiqué. Cette opération est un nouvel exemple de la convergence entre e-commerce et distribution physique qui s'opère désormais. "Un retailer uniquement pure player ou brick&mortar n'a qu'une jambe sur deux", rappelle Olivier Bernasson, fondateur du site Pecheur.com et investisseur reconnu dans l'e-commerce. Autrement dit, l'avenir du retail passe par le web et le magasin, pas l'un sans l'autre. Voilà pourquoi les achats se multiplient dans le secteur de la mode. Spartoo a ainsi racheté André en janvier 2018, Carrefour a pris 17% de Showroomprivé le même mois et Les Galerie Lafayette a embarqué La Redoute en août 2017.

Qu'attendre de ce rachat ? Monoprix proposera d'abord un nouveau mode de retrait aux clients de Sarenza. Ceux qui commanderont depuis le site du vendeur de chaussures pourront aller chercher leur colis dans les 800 magasins du groupe Monoprix en "click and collect", selon nos informations. Présent dans plus de 250 villes, le distributeur offrira à Sarenza un vrai maillage urbain dans l'Hexagone. Ce mode de retrait complétera l'offre de livraison gratuite en 24 heures déjà existante. Le développement de corner Sarenza en boutique n'est en revanche pas une priorité à court terme car le mètre carré reste précieux en centre-ville.

Les pure-players du secteur de la chaussure compteraient pour un peu moins de 13 % du marché européen de la chaussure (soit autour d'1 milliard d'euros). Ces derniers doivent composer avec la concurrence croissante des distributeurs généralistes, e-commerçants de mode et autres déstockeurs. Attaqué sur son pré-carré, Sarenza cherchait donc un partenaire industriel capable de l'aider à élargir sa gamme de produits. Un mandat avait été confié à la banque Rotschild en ce sens, selon les Echos.

"Diversifier son offre avec de la mode et des accessoires est un très bon moyen de générer de la fréquence d'achat"

La raison ? "Il est difficile de rentabiliser une affaire sur la chaussure uniquement. En moyenne, les femmes n'achètent que six paires par an. Diversifier son offre avec de la mode et des accessoires est un très bon moyen de générer de la fréquence d'achat et de gagner du trafic pour Sarenza", analyse Yves Marin, directeur de Wavestone et spécialiste en distribution et grande consommation.

L'e-commerçant ne pouvait donc plus se satisfaire des seules chaussures pour pouvoir suivre la cadence infernale imposée par des concurrents généralistes qui disposent de plus de relais de croissance… et donc de moyens. Monoprix, qui a réalisé 11% de ses 5 milliards de chiffre d'affaires (CA) sur le textile en 2017, sera très bien placé pour cela. De son côté, Sarenza a réalisé 250 millions d'euros de CA en 2017. 

Comme souvent dans le secteur de la tech, il faut voir dans ce rapprochement un mouvement défensif. Stéphane Treppoz, le PDG de Sarenza, ne s'en cache pas dans un tweet publié le jour de l'annonce : "On s'est battus seuls face au pouvoir des GAFAs mais c'est un combat déséquilibré. On sera plus forts pour innover ensemble".

"Les e-commerçants sont aussi pris en tenaille par Google et Facebook dont ils sont devenus de plus en plus dépendants pour acquérir de nouveaux clients"

Google, Amazon et Facebook sont des acteurs incontournables dans le paysage concurrentiel des e-commerçants français. "En ligne, les marchands doivent composer avec l'omniprésence d'Amazon sur les ventes. Ils sont aussi pris en tenaille par Google et Facebook dont ils sont devenus de plus en plus dépendants pour acquérir de nouveaux clients", analyse Olivier Bernasson. Ce rapprochement permettra aux deux acteurs de mutualiser certains coûts et, peut-être, de peser un peu plus au moment de négocier avec les firmes de Palo Alto et Mountain View.

Enfin, le nouvel ensemble Monoprix-Sarenza pèsera davantage sur le Web : environ 3,6 millions de visiteurs uniques (VU) mensuels sur ordinateur, smartphone et tablette, selon nos informations. Avec près de 2,3 millions de VU mensuels, Sarenza apportera davantage à Monoprix qui en compte près de 1,4 million. Les deux enseignes présentent seulement 170 000 visiteurs en commun… mais elles sont encore très loin des 28 millions de visiteurs uniques d'un Amazon. Heureusement pour elles, la bataille ne se jouera plus uniquement en ligne avec la convergence entre e-commerce et distribution.