George Strakhov (DDB/Omnicom) "L'IA de The Uncreative Agency a répondu à 16 000 briefs en dix jours"

Le test d'une agence 100% IA a été un excellent coup de com mais aussi une mine d'insights pour Rand, "plateforme créative hybride" lancée par George Strakhov, directeur de la stratégie chez DDB.

JDN. DDB EMEA et Nord DDB ont mis en ligne pendant dix jours "The Uncreative Agency", une agence 100% IA : il suffisait de remplir trois champs pour se voir proposer, moins de deux minutes après, trois idées créatives. L'expérimentation vient de prendre fin. Quel est le bilan ?

Avatar de George Strakhov, directeur de la stratégie chez DDB EMEA (Omnicom). © GS

George Strakhov. Nous avons en effet présenté cette expérimentation comme si nous avions lancé une agence créative  basée à 100% sur l'intelligence artificielle. C'était une sorte de canular pour attirer l'attention de l'industrie. Il suffisait d'indiquer un brief minimaliste : votre marque (ou son secteur), le type de format que vous cherchiez (TV, réseaux sociaux, etc.), votre cible et votre objectif. Au bout de quelques secondes l'IA générait et vous envoyait par mail un PDF avec une reformulation de votre brief et trois idées créatives avec pour chacune un titre, une description et un petit croquis (le tout gratuitement mais avec l'annonce d'un tarif de 5 dollars à l'avenir pour chaque brief, ndlr.). Nous avons généré 16 000 PDF en dix jours d'expérimentation en réponse aux sollicitations de PME, de professionnels curieux de nombreuses autres agences mais également de nombreuses grandes marques mondiales (parmi lesquelles Coca-Cola, Heineken, Salesforce, Google, Nike, Accenture et Deloitte, ndlr.). Le but était de leur montrer concrètement où en est la technologie aujourd'hui.

Et alors, où en est la technologie ?

Pour l'instant la technologie n'est pas là pour générer de manière fiable des idées réellement exploitables. Elle répond à des besoins plus opérationnels, à différentes tâches, mais elle n'est certainement pas en mesure de remplacer une équipe créative. Nous l'indiquions justement au pied du PDF généré dans notre expérimentation : "Ces idées ne sont évidemment pas très bonnes parce que la créativité entièrement artificielle n'est pas très utile, du moins pas encore". Ce qui est utile, cependant, c'est d'appliquer l'intelligence artificielle pour amplifier notre créativité humaine. La machine vient nous aider, nous humains, à créer mieux et plus vite.

"Il n'est pas exclu qu'une deuxième version de l'uncreativity agency puisse un jour naître pour servir les PME."

Quels enseignements cette expérimentation vous a-t-elle fournis ?

La demande est là, la technologie aussi : ça y est, il faut y aller. Le deuxième constat, auquel je ne m'attendais pas du tout et qui est le plus intéressant, est que  beaucoup de gens ont pris cette expérimentation très au sérieux et ont trouvé la solution utile notamment en combinant les idées proposées. Or, la grande majorité des idées générées dans cette expérimentation n'étaient pas bonnes ! C'était des clichés. Cela prouve que ce genre d'outil a un intérêt et une valeur et probablement un marché. Il n'est donc pas exclu qu'une deuxième version de l'Uncreativity Agency puisse un jour naître pour servir les PME. Pourquoi pas ? Une majorité de personnes qui sont venues nous solliciter venait de cet univers. Ces personnes ne pourront jamais s'offrir les services d'une grande agence créative pour les aider à communiquer. L'appétit pour la créativité est partout et à tous les niveaux.

Concrètement, quel est le but de Rand, la "plateforme créative hybride" que vous venez de lancer ?

Rand, ce n'est pas une agence, mais une sorte de centre d'excellence sur la création hybride – faisant appel à la fois à l'humain et à l'intelligence artificielle – au sein de DDB. Nous sommes en train de monter nos équipes, qui opèrent déjà depuis la Suède. C'est un petit groupe de personnes dédié au développement d'outils internes pour permettre à tous nos créatifs, partout dans le monde, de tirer le meilleur parti de l'intelligence artificielle au profit de nos clients. L'idée est de prendre les modèles d'IA existants et mieux les appliquer pour aboutir aux meilleurs insights et aux meilleures idées. Cela passe par exemple par le fait d'alimenter ces modèles pour les affiner et les rendre plus pertinents pour des cas d'usage spécifiques.

Ces méthodes et outils rendront ces technologies meilleures, au service de l'humain : la machine conjuguée à l'homme aura pour effet d'augmenter la créativité des campagnes de nos clients de manière plus rapide et efficiente. Pour cela, vous devez connaître ces modèles et savoir vous en servir précisément pour qu'ils fassent ce que  vous souhaitez qu'ils fassent pour vous.

Concrètement combien de solutions d'IA opérez-vous ?

Tous ces modèles d'IA se comptent par milliers ! Et il y aura des milliers d'autres encore avant la fin de l'année. La vitesse à laquelle ces outils se développent est folle. ChatGPT, Dall-E et Midjourney ne sont que la pointe visible de l'iceberg.