L'IA d'Angus.ai tient les clients à l'œil... pour mieux les accoster

L'IA d'Angus.ai tient les clients à l'œil... pour mieux les accoster Carrefour, les Galeries Lafayette, le Crédit Agricole ou encore la branche spiritueux du groupe LVMH testent le logiciel d'intelligence artificielle développé par la start-up tricolore.

Les retailers n'ont plus besoin d'une armée de vendeurs traquant le client hésitant afin de booster leur chiffre d'affaires : l'intelligence artificielle d'Angus.ai utilise les caméras en magasin et analyse en direct les images qu'elles enregistrent pour en faire des leviers de business.

Le logiciel développé par la start-up est capable de compter combien de personnes circulent à un point donné d'une grande surface, de donner le nombre d'hommes et de femmes présents à l'écran, d'estimer leur âge, de préciser dans quelle direction ils regardent et de fournir en temps réel ces données aux commerçants. Baptisée Angus for retailers, l'IA a même été entraînée à repérer un consommateur qui hésite à acheter un article, comme un écran plat ou un congélateur : "lorsqu'il a besoin de conseils, le prospect fait quelques pas pour voir s'il n'y a pas un vendeur dans le rayon d'à côté, passe un coup de fil à sa famille, et finit toujours par revenir près du produit. C'est un comportement typique facile à repérer pour une intelligence artificielle", explique Gwennael Gate, cofondateur de la start-up parisienne fondée en avril 2015.

Le marché de l'analyse de vidéos en temps réel devrait croître de 18,2% par an d'ici 2020 dans le monde pour atteindre les 22 milliards de dollars

"Mais ces informations ne sont pas suffisantes pour les retailers. Savoir que 54 femmes et 32 hommes se sont arrêtés dans le rayon parfum de leur supermarché entre 15 et 17 heures ne leur permet pas de réaliser leur objectif numéro un : vendre plus", raisonne l'entrepreneur, ancien directeur de l'ingénierie logicielle chez SoftBank Robotics, chez qui il a développé les cerveaux des robots Pepper et Nao. Angus.ai a donc créé un système d'alerte. Lorsque l'IA repère un client hésitant qui n'est pas conseillé par un vendeur, elle fait parvenir au chef de rayon une notification mobile pour l'avertir. Il peut ainsi envoyer l'un de ses collaborateurs aider le prospect à faire son choix. "Dans les rayons de matériel électronique ou d'électroménager qui ne vendent qu'un ou deux appareils par jour, notre solution peut faire une vraie différence sur le chiffre d'affaires en permettant aux détaillants de ne pas louper LA vente de la journée", souligne le dirigeant.

Angus for retailers peut également avertir le gérant d'un commerce lorsqu'il y a une trop longue file d'attente en caisse, pour qu'il ouvre un nouveau guichet lorsque c'est possible. "Cela permet d'éviter que les consommateurs découragés par la queue ne quittent le magasin en abandonnant leur panier sans payer", poursuit le centralien.

Angus.ai traite les images des caméras de surveillance de ses clients en temps réel et ne stocke donc aucune donnée. "Nous respectons à la lettre les règles strictes de protection de la vie privée mise en place par la CNIL", insiste Gwennael Gate.

Lorsque l'IA repère un client hésitant, elle fait parvenir au chef de rayon une notification pour qu'il envoie un collaborateur aider le prospect à faire son choix

Le marché de l'analyse de vidéos en temps réel devrait croître de 18,2% par an entre 2017 et 2020 dans le monde pour atteindre un chiffre d'affaires de 22 milliards de dollars, selon une étude du cabinet Homeland Security Market Research. "Ce secteur émergeant est largement tiré par les besoins des retailers, d'où notre décision de sortir une première solution dédiée à cette cible", indique l'ingénieur. Le logiciel n'a été lancé qu'en décembre 2016 mais il est déjà testé par Carrefour, les Galeries Lafayette, le Crédit Agricole ou encore la branche spiritueux du groupe LVMH. Des expérimentations qui pourraient se transformer en gros contrats pour la start-up dans les mois à venir.

Angus.ai a réussi à attirer ses premiers clients car sa solution est facile à déployer. "Google, Amazon et autre Microsoft ont développé de petites briques d'intelligence artificielle. Combinées ensemble et entraînées avec des images appropriées, elles pourraient donner le même type de résultats que notre IA. Sauf que les commerçants ne sont pas des professionnels du développement : ils préfèrent acheter des logiciels plug and play simples à utiliser", analyse l'entrepreneur.

L'IA d'Angus.ai présente également l'avantage de ne pas être intrusive pour le consommateur. "Pour faire décoller leurs ventes, les commerçants testent depuis plusieurs années des solutions de type beacons, qui poussent sur le smartphone de leurs prospects des offres promotionnelles sur certains produits, en fonction de leur localisation dans le magasin. Mais ce n'est pas parce qu'un client passe dans le rayon hygiène et s'y arrête quelques secondes qu'il est intéressé par une promotion sur un gel douche X ou Y. Utiliser ces solutions, c'est prendre le risque de noyer sa clientèle sous une pluie de notifications qui ne sont pertinentes qu'une fois sur dix", argumente le cofondateur de la jeune pousse. De son côté, l'IA Angus for retailers ne prend pas directement de décisions seule. Elle se contente de prévenir le vendeur, qui se rend au côté de l'acheteur et juge avec son intelligence humaine de ce qu'il est pertinent de faire. C'est une béquille pour les forces de vente en magasin, qui restent maîtresses de la décision à prendre.

Prochaine étape pour la start-up à moyen terme : développer des versions de son IA destinées à de nouveaux secteurs. Angus.ai pourrait notamment s'intéresser aux entreprises de sécurité privée, car c'est le deuxième domaine d'activité à booster le décollage du marché de l'analyse de vidéos après le retail. Son IA pourrait également être utile aux établissements de santé en alertant immédiatement les soignants lorsqu'un senior est tombé sur le sol par exemple.