Comment les fintech réécrivent la comptabilité

Comment les fintech réécrivent la comptabilité Des start-up proposent des solutions pour automatiser certaines tâches comptables tandis que d'autres viennent tout simplement remplacer les cabinets.

Ils n'ont pas chômé avec le Covid-19. Entre les reports de charge, les demandes de prêts garantis par l'Etat et les mises en place du chômage partiel, les cabinets d'expertise comptable ont à peine eu le temps de traiter "les affaires courantes" pendant le confinement. De quoi leur faire davantage prendre conscience qu'ils ont tout intérêt à moderniser leurs outils ? "Le niveau de digitalisation des experts-comptables reflète le niveau de digitalisation des TPE-PME en France. Il y a du retard mais la volonté d'avancer", répond Benoît Maury, CEO de Welyb, éditeur d'une plateforme pour les experts-comptables.

Welyb fait partie de cette nouvelle génération d'outils qui vient aider les experts-comptables à plusieurs niveaux. Lancée en 2019, sa plateforme permet de collecter automatiquement les factures et les transmettre vers les différents outils de gestion utilisés. "Ces dernières années, l'expert-comptable a dû intégrer plein de nouveaux services pour automatiser la saisie, gérer la facturation… Ces outils, qui devaient être source de productivité, ont provoqué une perte de temps car aucun ne communique ensemble", indique le CEO de Welyb, qui assure que 30% du temps du cabinet peut être automatisé grâce à sa plateforme. Ce qui laisse à l'expert-comptable plus de temps pour son cœur de métier, à savoir donner des conseils. La jeune pousse propose également une plateforme en marque blanche (sous forme d'application desktop ou mobile) qui permet au cabinet d'échanger facilement avec ses clients. Welyb facture un abonnement de deux euros par dossier client. "Sachant que nous avons des cabinets qui ont 4 000 dossiers", précise Benoît Maury.  Et qu'il existe plus de 21 000 cabinets d'expertise comptable en France...

Welyb agit comme une passerelle entre cabinets et clients mais ne propose pas tous les outils qui permettent de réaliser un bilan comptable. C'est pourquoi elle recommande certains services comme Chaintrust. Sorti courant 2019, cet outil d'automatisation de saisie comptable transforme une facture sous PDF en écriture comptable. En prenant en compte toutes les subtilités possibles. "Ce qui est compliqué après l'extraction des bonnes données, c'est qu'il faut les enregistrer dans les bons comptes. Par exemple, si vous revendez un iPad, il faut le mettre dans un compte achat pour revente, mais si vous l'utilisez au travail, il faut le mettre dans un compte de charge ou d'immobilisation", illustre Mikaël Gandfon, CEO de Chaintrust. "Habituellement, cet arbitrage est effectué à la main. Nous automatisons tout ça notamment grâce à l'analyse des comptes en n-1." Chaintrust se connecte aux différents logiciels comptables existants comme Sage et Cedig mais aussi aux logiciels de facturation. A ce jour, la start-up compte 70 cabinets clients, majoritairement parisiens. Le prix du dossier s'élève à 20 euros par mois (plus des frais selon le nombre d'utilisateurs au sein de l'entreprise cliente).

"MyUnisoft ne réinvente pas la poudre. Si une solution est très bien, on s'interconnecte via des API"

Dernière catégorie de fintech qui vendent leurs solutions aux experts-comptables : les plateformes qui traduisent l'information comptable en données concrètes et en temps réel pour les chefs d'entreprise. En plus d'une interface pour saisir les écritures et validation de l'ensemble des flux (banque, paie…) et d'un espace de partage de documents, MyUnisoft met à disposition une plateforme en marque blanche qui regroupe l'évolution du chiffre d'affaires, de la trésorerie ou encore de la marge. "Voir sa trésorerie d'aujourd'hui et celle de demain, sans avoir rien à faire, c'est ce qui parle le plus aux entreprises", souligne Régis Samuel, patron de MyUnisoft. Comme les autres fintech, la start-up facture un tarif au dossier.

Depuis son lancement en septembre 2019, plus de 110 cabinets d'expertises comptables (qui ont entre 50 et 500 collaborateurs) utilisent ou testent MyUnisoft, ce qui fait un total de 250 000 utilisateurs finaux. La fintech a également développé une application à destination des salariés qui regroupe les fiches de paie, les notes de frais, ou encore les congés payés. Le tout connecté à la comptabilité et à l'outil de paie. "On ne réinvente pas la poudre. Si une solution est très bien, on s'interconnecte via des API. D'ailleurs, toutes nos API sont publiques", précise Régis Samuel, qui a signé son tout premier partenariat avec la néobanque pour TPE-PME Qono. "Mieux vaut intégrer la techno de ces barbares (les néobanques et autres fintech qui s'attaquent à la paie, la facture…, ndlr) et rester le cœur du réacteur plutôt que de se battre jusqu'à la mort", lâche le CEO.

Remplacer l'expert-comptable

D'autres préfèrent aller au combat en proposant des outils qui remplacent tout simplement les experts-comptables. C'est le cas de Pennylane, lancée en début d'année, et Dougs, créée en 2014. Ces deux fintech mettent à disposition des entreprises non seulement des plateformes qui permettent de collecter, trier des factures et autres documents mais aussi des comptables qui traitent ce qui ne peut pas être automatisé. "Un collaborateur chez nous traite en moyenne 250 bilans par an tandis qu'un confrère qui utilise des outils plus classique en fait 30 à 40", assure Patrick Maurice, CEO de Dougs.

"Pennylane veut à terme créer un appstore de services financiers"

Elles offrent également une panoplie d'outils qui vont de la facturation, à l'encaissement en passant par le pilotage de la trésorerie. Le tout fait maison ou via une connexion chez un partenaire. "Nous voulons à terme créer un appstore de services financiers. Nous sommes persuadés que cet appstore a plus de sens chez le comptable, qui a accès à une multitude de données de l'entreprise, que chez le banquier", assure Arthur Waller, CEO de Pennylane. Contrairement aux autres start-up évoquées plus haut qui captent la clientèle existante des experts-comptables, Pennylane doit donc convaincre directement les sociétés une à une d'utiliser sa plateforme. A en croire son dirigeant, les débuts sont prometteurs. 350 entreprises ont déjà signé, dont 100 rien qu'en septembre (pour un chiffre d'affaires de 85 000 euros ce mois-là). La start-up a pu compter sur le réseau des fondateurs, qui ont déjà monté une entreprise de la tech en 2012 (Price Match revendue à Booking.com). Objectif : 1 000 clients d'ici la fin de l'année et 4 000 d'ici fin 2021.

Dougs revendique de son côté 3 800 clients, majoritairement des indépendants et des très petites entreprises. Fin 2021, elle espère passer la barre des 7 000 clients. Pour y parvenir, elle mise sur son futur bilan comptable automatique. "Nous allons non seulement permettre de réaliser la liasse fiscale (bilan, compte de résultat, état des immobilisations…, ndlr) mais aussi intégrer tous les process d'expertise comptable, de A à Z par robot et non par les humains", indique Patrick Maurice. Cette automatisation ne freinera pas les recrutements de comptables. Comme Pennylane et tout cabinet classique, plus il y a de dossiers, plus il faut de comptables. Dougs, qui compte une soixantaine de salariés, prévoit de doubler ses effectifs d'ici fin de l'année prochaine. Pennylane recrute de son côté actuellement 100 personnes, ce qui portera son effectif total à 155. Autrement dit, un gros cabinet d'experts-comptables.