Florent Guiocheau (SeLoger) "Grâce à notre nouvel outil de suggestion de biens, notre performance a augmenté de 80%"

Alors que la Nuit du Directeur Digital se rapproche, le CDO de SeLoger présente au JDN le chantier majeur qu'il conduit pour transformer l'entreprise.

JDN. Quel est votre projet le plus innovant mené en 2017 ?

Florent Guiocheau, CDO du groupe SeLoger. © SeLoger

Florent Guiocheau. La recherche immobilière, c'est un peu comme la recherche amoureuse : on a des critères de départ, qui évoluent au fil du temps et des personnes que l'on rencontre. C'est en partant de ce constat que nous avons décidé de suggérer à nos utilisateurs des biens qui se basent, non pas sur des critères déclarés, mais sur ce qu'ils font sur nos plateformes. Les annonces qu'ils regardent, les biens qu'ils veulent visiter, ceux qui ne les intéressent pas, etc. sont autant de comportements qui traduisent leur recherche réelle, parce qu'ils intègrent les changements d'avis qui jalonnent la recherche immobilière. Nous avons beaucoup travaillé sur ce sujet en 2017, ce qui a abouti à la sortie, début 2018, d'un outil de suggestion de biens.

Quelques mois après sa sortie, quel premier bilan pouvez-vous dresser ?

Le premier chiffre qui nous intéresse, c'est le nombre d'annonces proposées via ce nouveau système qui ne l'auraient pas été si on s'était limité aux critères de départ de nos utilisateurs. On s'est rendu compte qu'ils n'auraient pas vu les trois quarts des annonces qu'on leur propose. Deuxième élément, le taux de transformation. Grâce à cet outil, on enregistre une performance qui est très nettement supérieure à nos taux de conversion moyens, de l'ordre de +80%.

Est-ce que vous avez identifié des types de recherche immobilière sur lesquels cet outil sur-performe ?

Ce qu'on a pu observer, c'est que le système de suggestion prend tout son sens sur les recherches pour lesquelles peu de biens correspondent aux critères renseignés par l'acheteur. Si vous recherchez un trois-pièces à Paris, il est fort probable que vous verrez les biens suggérés dans tous les cas. En revanche, sur des recherches un peu plus rares, l'outil tient ses promesses, il vous fait découvrir des annonces que vous n'auriez pas forcément vues sans lui.

Quelles difficultés avez-vous rencontrées pour concevoir l'outil ?

Quand on lance ce type de produits, on se demande où on va l'intégrer dans l'expérience utilisateur. Ca aurait eu peu de sens d'en faire un outil brandé sur une page dédiée, car c'est quelque chose qui a vocation à intégrer l'ensemble de l'expérience. A l'inverse, le saupoudrer partout serait revenu à prendre le risque de dégrader l'expérience utilisateur avec des suggestions pas toujours pertinentes. Imaginez, vous êtes sur la fiche d'un article sur un site marchand et, en bas de page, vous voyez s'afficher des suggestions qui n'ont rien à voir avec votre recherche. Il a donc fallu trouver le juste milieu entre la tentation d'intégrer cet outil partout pour maximiser son exposition et sa performance et la nécessité de le contextualiser par rapport à des moments dans le parcours de l'utilisateur. On a donc choisi de le faire apparaître sous forme de notifications, en séparant bien cet espace du reste du site, sur nos alertes, qui constituent l'un des vecteurs principaux de diffusion de nos annonces, ainsi que dans les pages d'annonces, dans lesquelles on pousse des biens similaires.

Et techniquement ?

On est en plein dans le big data. Construire cet outil revient à utiliser chacune des interactions que chaque utilisateur a avec nos annonces. Cela représente des volumes de données très conséquents. Faire tourner un algorithme qui brasse tout ça et qui en sort des correspondances a été un vrai défi parce qu'il a fallu, en parallèle, construire la plateforme technique qui nous a servi à faire tourner cet algorithme. Mais par rapport à ce que j'ai pu voir dans d'autres entreprises, je peux vous dire que ce projet a été mené dans un temps assez record : six mois de bout en bout, dont deux à trois mois de développement pendant lesquels l'essentiel des équipes data, c'est-à-dire 8 personnes, ont été mobilisées. On a recruté pour l'occasion, et on continue à recruter énormément sur la partie data.

Résumé du projet :

  • En quoi le projet est-il innovant ?

"En France, nous avons été les premiers à sortir ce type de produit avec des techniques d'intelligence artificielle. Sur n'importe quel portail immobilier, les suggestions qui s'affichent sont souvent des moteurs de recherche déguisés."

  • En quoi ce projet est-il stratégique ?

"Il constitue une première étape dans la trajectoire que nous prenons, qui est d'optimiser les fonctions clés de notre métier en injectant des techniques d'intelligence artificielle. L'estimation des biens immobiliers et la création de segments exclusifs sur le marché publicitaire seront les prochaines étapes."

  • En quoi ce projet est-il transformateur ?

"C'est la première fois que des équipes dédiées aux produits intègrent des logiques algorithmiques dans l'expérience utilisateur. Dans le monde d'avant, le chef de produits avait 100% des clés de son produit. Là, ce n'est plus lui qui définit les règles. En revanche, on lui garantit une certaine performance, et le contrôle qu'il avait avant, il le récupère ensuite."

  • En quoi ce projet est-il accélérateur ?

"Grâce à notre nouvelle plateforme technique, nous avons désormais un socle pour ce type de projets. La prochaine fois, nous en lancerons peut-être deux d'un coup, puis quatre la fois suivante… La machine est lancée."

Le JDN propose pour la quatrième année consécutive le 19 juin prochain un événement destiné à récompenser les meilleurs chief digital officers de France. Pour en savoir plus : la Nuit du Directeur Digital.