L'art dans la blockchain : un nouvel eldorado ou une bulle spéculative de plus ?

Avec l'engouement pour le crypto-art, on peut se demander si ce n'est pas un eldorado de plus dans l'histoire de la blockchain ou si au final, le crypto-art ne fait pas qu'imiter la bulle spéculative ( prétendue ou non) de l'art contemporain.

Un nouveau record pour une œuvre virtuelle à été atteint récemment avec plus de 69 millions d’euros proposé par l’acheteur. C’est l’artiste 3D Beeple ( de son vrai nom Mike Winkelmann) qui a remporté cette mise, faisant de lui l’un des artistes les plus chers du monde. Si les prix vous surprennent, attendez de savoir que la personne qui vient d’acheter l’œuvre ne possède pas pour autant le droit de propriété de l’œuvre pour autant. 

Il est difficile, voire impossible de "restreindre" les droits de propriété pour une œuvre numérique. On peut, avec un simple clic droit, télécharger l’image ou faire simplement une capture d’écran. Ainsi, les œuvres sont copiés et partagés des milliers de fois sur la toile, sans que même son auteur ne soit nécessairement crédité.  

Vous vous demandez alors pourquoi dépenser une fortune pour une image dont on ne possède pas même l’usage exclusif ? 

C’est là que la magie de la blockchain entre en jeu. En fait, si ces ventes font un tel bruit médiatique, ce n’est pas tant pour les œuvres en soit que pour le procédé technique sur lequel elles reposent : le jeton non fongible (NFT). Autrement dit, une pièce numérique unique qui ne peut pas être échangée contre d’autres pièces. De la même manière qu’un tableau de Monet par exemple ne s’échange pas contre un tableau de Picasso car ces deux objets non fongibles ont une valeur propre. 

On peut néanmoins les acheter contre de l’argent et de la même façon, on peut acheter des NFT qui représentent des œuvres d’art avec des cryptomonnaies dans la majorité des cas. Et, pour démocratiser l’accès à cette forme d’art (et d’investissement à la fois) certaines plateformes comme Nifty Gateway donnent la possibilité d’en acheter directement par carte bancaire. Tout le monde - et y compris les parfaits novices de la blockchain - peut désormais posséder une œuvre via son jeton NFT.  

L’engouement pour l’art numérique sur la blockchain s’explique principalement pour l’attrait de ces jetons spécifiques. Les NFT peuvent représenter toutes les formes d’art ; qu’il s’agisse de musique, de tableau de peinture, d’images numériques ou encore de clip vidéo, chaque œuvre est lié sur la blockchain, à son propre token unique.

En réalité, il n’y a pas que l’art numérique que l’on représente avec ces jetons spécifiques. Tout ce qui est unique peut avoir son token, d’où l’essor des cartes à collectionner dans le sport par exemple ou la nouveauté des des sacs de Luxe qui ont leur propre NFT. 

Certains parlent déjà d’une révolution logique qui suivrait nos modes de vies toujours plus liés à Internet. C’est particulièrement adapté alors aux artistes numériques, qui par nature, n’avaient pas encore trouvé leurs places dans l’infrastructure artistique, jusque-là. Aujourd’hui (et le confinement a manifestement accéléré la tendance), c’est sur des galeries en ligne que l’on contemple les œuvres d’art et c’est en quelques clics qu’on en devient le propriétaire. C’est particulièrement adapté alors aux artistes numériques, qui par nature, n’avaient pas encore trouver leurs places dans l’infrastructure artistique, jusque-là.

C’est là une suite logique dirons-nous à notre "consommation" de l’art. 

Bien entendu, on retrouve des collectionneurs d’art traditionnels qui ont basculé naturellement sur Internet pour y diversifier leurs portfolios. On y trouve également des crypto-détenteurs qui en profite pour faire des investissements lucratifs. Les grandes maisons de ventes aux enchères traditionnelles y ont vu une manière d’atteindre un nouveau public. Ainsi, Christie’s à réalisé une vente à plus de 130  000 euros en ligne, avec la vente de Block 21, l’œuvre liée à la technologie de la blockchain de l’artiste Robert Alice. Et, ce n’est là qu’un début, nous semble-t-il. 

Cependant, en parallèle à la vente d’œuvres réalisés par des artistes reconnus, on trouve également des productions de facture simple, réalisés par des amateurs sur des logiciels grand public. On peut par exemple citer la vidéo appelée NyanCat qui représente un chat pixelisé avec un arc-en-ciel. Plus déroutant encore, le PDG de Twitter qui à vendu aux enchères son premier tweet pour plus de 2,5 millions de dollars.

À en juger sur les places de marchés où se vendent des NFT, la qualité n’est pas ce qui semble importer aux collectionneurs. C’est la grande inconnue dans l’équation et cela soulève des débats houleux. S’agit-il d’investisseurs ignorants du monde de l’art et des codes esthétiques ? Est-ce là une nouvelle forme d’art dans lequel on peut y voir les prémices dans l’Urinoir de Marcel Duschamps ? N'y-a-t-il pas ici une bulle spéculative qui s’approche de celle tant décriée de l’art contemporain ? 

Toujours est-il que l’engouement est là. Pour le mois de février, seulement, le volume d’échange a atteint plus de 340 millions de dollars selon l'étude de DappRadar, la référence dans le domaine. Et ce n’est pas pour déplaire aux artistes. Au contraire même, ils sont les premiers à en profiter. D’une part, ils bénéficient d’une en notoriété accrue et d’autre part, ils peuvent rémunérer facilement leur travail. En effet, les artistes ont sur chaque œuvre la possibilité de toucher des royalties à chaque revente ultérieure. Là, nous ne pouvons que saluer cette technologie qui permet à toutes les parties d’être justement considérées. 

Ajoutons que l’ art sur la blockchain n’a rien à envier à l’art contemporain et que des Jeff Koons semblent apparaître subitement avec des records de vente toujours plus impressionnants. L’on dit souvent que durant le ruée vers l’or du 19è siècle, seuls les vendeurs de pioches se seraient enrichis pendant que les chercheurs d’or, quant à eux, ne faisait que s’épuiser au travail. Eh bien, cette fois-ci, il semble que c’est une ruée vers l’or virtuel qui profiter à tous. La technologie de la blockchain elle-même gagne en popularité et crédibilité. On y voit là une réelle technologie innovante et qui peut améliorer différentes industrie comme elle le fait actuellement avec l’art numérique. 

Il s’avère alors que oui, on peut parler d’un nouvel eldorado comme il y ‘en a à chaque fois qu’une nouvelle technologie se met en route…À savoir maintenant qui en ressortira gagnant… La culture et l’art seront plus démocratiques ou bien, au contraire, perdront-ils en pertinence avec la spéculation de traders sans scrupules ? Là, c’est un autre débat….