Midjourney et publicité : un horizon d'opportunité qui ne doit pas nous inquiéter

L'IA générative accélère la création d'images, économise du temps et de l'argent, mais la créativité humaine demeure malgré tout essentielle.

Le Pape qui se promène en doudoune blanche, Emmanuel Macron qui ramasse les poubelles et Donald Trump qui se fait arrêter par la police. Trois images qui ont fait rapidement le tour de l'actualité avec un point commun : ce sont des visuels imaginaires réalisés par une IA générative – encore que la troisième image soit devenue réalité depuis…

Le pot-aux-roses est rapidement découvert et trois types de réactions s'opposent :

  • D'une part, les craintifs et les fâchés, qui dénoncent les risques et les dangers de l'intelligence artificielle. Ce sont les mêmes qui nous expliquaient que ChatGPT allait nous entraîner dans un scénario à la Matrix, où les pauvres humains que nous sommes allaient rapidement servir de plats de résistance aux machines.
  • D'autre part, les inspecteurs des travaux finis, qui jasent sur la nullité des résultats obtenus, parce que les mains sont mal reproduites ou les décors urbains sont un peu flous. On connaissait aussi ceux-là pour nous avoir expliqué que jamais une IA générative ne saurait rédiger un livre digne de ce nom, chose faite quelques semaines plus tard et largement répliquée depuis. 
  • Enfin, restaient les techno-enthousiasmes, toujours prompts (vous l’avez ?) à s'extasier pendant des heures sur les vertus de chaque nouvel outil numérique.

Et au milieu de tout ça, il y a la majorité des gens : « OK, c’est puissant, que puis-je en faire d’utile et smart ? »

La puissance multipliée par la vitesse

Pas besoin d'être grand clerc pour évoquer un sujet simple : les IA génératives fournissent un gain de temps incroyable pour générer des images et des logos. Certes, vous ne gagnerez pas immédiatement en qualité (car il y a une courbe d’apprentissage pour affiner son interaction avec le logiciel), mais vous économiserez un temps fou pour décliner une première version d’idées.

Par exemple, le groupe Heroiks a récemment répondu à un appel d’offre en utilisant Midjourney pour générer rapidement plusieurs visuels permettant de plonger instantanément le client dans la campagne à venir. Ces premiers visuels n’étaient pas finalisés à 100% mais ils ont été un outil de persuasion efficace et constituaient autant de bases de travail à affiner, à améliorer ou à laisser tomber (il faut aussi l’avouer, un créatif n'a pas que de bonnes idées !).

Image générée par l'Intelligence Artificielle 

Dans le même ordre d'idée, l'agence New Business, utilise Midjourney pour produire les moodboards des campagnes dont elle s'occupe. Les visuels produits sont bien sûr à reprendre et optimiser, mais il s'agit d'un gain de temps notable dans la production d'une campagne publicitaire. Or qui dit gain de temps dit gain d’argent, pour l’agence comme pour votre client…

 En revanche, Midjourney n'est pas la solution magique à toute difficulté rencontrée à l'étape créative. L'outil ne fonctionne pas pour tout et n'est efficace que si les prompts du directeur artistique sont suffisamment spécifiques pour produire quelque chose d'original. Une commande généraliste sans imagination produira un résultat du même niveau et la plus-value sera faible, voire inexistante. Le logiciel vous fournira de la puissance de travail, mais il ne vous aidera pas beaucoup en cas de déficit de matière grise.

L’eldorado des experts

Ainsi, l'IA générative est sur le point de faire disparaître les spécialistes du bavardage pour valoriser deux spécialistes incontournables à chaque extrémité de la chaîne créative :

  • D'une part, un prompt généraliste produira un résultat bas-de-gamme et peu inspiré, d'où l'importance de la culture du créatif pour donner de l'originalité et du relief à une idée. Intelligence artificielle ou non, la créativité demeure 50% de l'efficacité d'une campagne.
  • D'autre part, les images fournies par le logiciel ne sont pas exemptes d'erreur (des mains à 7 doigts ou des bouches à 40 dents) ni de pistes d'amélioration (sur les couleurs, la géométrie, les détails...), ce qui va renforcer le rôle des experts en infographie et retouche d'images.

En tout état de cause, et en tout cas pour l'instant, Midjourney ne devrait pas mettre les publicitaires au chômage. Ces derniers vont devoir s'adapter pour travailler main dans la main avec les outils dopés à l'IA et cette technologie ouvre une nouvelle étape passionnante avec des possibilités presque infinies.

Les interrogations pour demain

Bien évidemment, de nombreuses questions restent ouvertes et bien malin qui pourrait y répondre avec l’assurance de Gandalf. Les spécialistes auto-proclamés écument les plateaux TV avec des déclarations aussi intéressantes que « c’est vertigineux, on ne sait pas ce que ça va donner. » Merci Captain Obvious !

Il y a pourtant des problématiques simples et urgentes à traiter, comme la question des droits attachés aux contenus produits. Quid de la propriété artistique et littéraire quand vous produisez un discours avec ChatGPT ou une image avec Midjourney ? La tentation de croire en votre génie est compréhensible, mais il y a fort à parier que l’IA se soit contentée de faire ce qu’elle sait faire de mieux, c’est-à-dire de faire du neuf avec du vieux. Alors qui avez-vous plagié ? Qui avez-vous spolié ?

Autre cas d’école : si Midjourney produit deux images très proches en raison de commandes assez similaires liées à un effet de mode (et il y en a beaucoup dans la comm’), qui porte la responsabilité d’utiliser une image fort semblable à celle d’un concurrent, sans même savoir qu’elle existe ? Le législateur, toujours pressé d’inventer de nouvelles normes, ne semble pas spécialement décidé à trancher la question.

Et ça deviendra vite encore plus complexe ! Car dans les domaines créatifs, le futur est déjà là. Tout n’est pas encore parfait, mais la réalisatrice et scénariste Anna Apter a remporté deux prix au Nikon Film Festival avec le court-métrage Imagine, un film qu’elle a réalisé seule, en utilisant une intelligence artificielle.

Qu’il s’agisse de production artistique ou de conception publicitaire, qui sera propriétaire des créations qu’il a inspirées sans vraiment les réaliser ? Nous entrons dans une zone grise, faite de risques et d’opportunités. Que de belles choses qui restent encore à accomplir et à explorer !