A peine créé par l'IA, le métier de prompt engineer va-t-il disparaître… à cause de l'IA ?

A peine créé par l'IA, le métier de prompt engineer va-t-il disparaître… à cause de l'IA ? Avec le perfectionnement des modèles d'intelligence artificielle, les prompt engineers vont devoir s'adapter ou disparaître.

Quelques mois seulement après son apparition, le métier de prompt engineer est-il voué à disparaître ? En mars 2023, quelques mois après la sortie de la version publique de ChatGPT, le développement de l'IA générative s'est accéléré. Plusieurs entreprises ont souhaité surfer sur la vague et certaines ont recruté des profils de prompt engineer, des spécialistes du prompt, pour générer du texte, des images ou plus tardivement des vidéos. Aux États-Unis, plusieurs postes de "prompt engineer" ont été proposés avec des salaires faramineux, pouvant atteindre 335 000 dollars par an chez Anthropic. S'en est suivi un véritable buzz médiatique : prompt engineer devait être LE métier du futur.

Depuis cette hype médiatique, plusieurs mois se sont écoulés et les modèles d'IA ont évolué de façon quasi exponentielle. Dall-E 3, pour la génération d'image, GPTs et son configurateur d'assistant facilité, HeyGen en génération d'avatars vidéo… Les progrès réalisés dans le domaine de l'intelligence artificielle sont tels que l'art du "prompting" est devenu beaucoup plus facile à maîtriser, et les interfaces beaucoup plus simplifiées. Une démocratisation du domaine qui contribue à affaiblir la barrière à l'entrée du prompting. Dans ce contexte, les prompt engineers ont-ils encore une raison d'être ?

Un vrai faux départ ?

Pour de nombreux experts, le métier de prompt engineer en tant que tel n'a eu de réalité que dans certaines entreprises. "L'intérêt des grands modèles de langage réside justement dans le fait qu'ils sont facilement utilisables, sans compétences techniques particulières. Le métier de prompt engineer m'a toujours semblé relever du fantasme. C'est un peu comme si aujourd'hui on se demandait s'il existait des experts capables de faire les meilleures recherches sur Google. Personne ne peut se payer ce genre de compétences", tranche Gilles Moyse, docteur en intelligence artificielle et fondateur de reciTAL. Une position qu'abonde Anis Ayari, fondateur de Deeplayer AI. Le spécialiste évoque volontiers "une hype démesurée". "Les modèles qui requéraient encore récemment des "prompts" étaient imparfaits, encore au stade de brouillon. Ils n'étaient pas destinés à perdurer sous cette forme. Les personnes qui ont cru à l'émergence d'un métier de "prompt engineer" ont selon moi foncé tête baissée dans une impasse, en investissant dans une voie déjà obsolète", analyse-t-il.

Plus nuancé, Guillaume Lebrasseur, enseignant à l'Institut de l'internet et du multimédia et aux Gobelins voit dans le prompt engineer plus une compétence qu'un métier en soi. "Cela me fait penser à la relation entre le latin et le français. Personne ne parle latin aujourd'hui, mais lorsqu'on l'a étudié à l'école, on comprend mieux la structure et les fondements de la langue française. C'est exactement ça avec les modèles de langage : même si l'écriture des "prompts" ne constitue pas un métier en soi, elle reste primordiale pour exploiter au mieux le potentiel de ces outils, tout comme la connaissance du latin permet de mieux maîtriser les subtilités du français", compare ce spécialiste du prompting.

Quel avenir pour le prompt engineer ?

Même s'il n'a jamais vraiment explosé, le métier a-t-il un avenir ? Pour les spécialistes, bien que la question ne soit pas totalement tranchée, le métier va très probablement s'orienter vers une diversification de ses missions. Plus que savoir prompter, le prompt engineer va devoir apprendre à manier le code, les interconnexions entre les systèmes et l'ensemble des services tiers gravitant autour des modèles. De plus, la conception même des modèles demande une compréhension avancée de la machine pour parvenir à lui communiquer l'intentionnalité d'une demande. "ChatGPT n'a pas de motivation ou d'objectif propre. Seuls les humains en définissent", rappelle Gilles Moyse qui voit davantage une ouverture sur des compétences plus élargies : "Savoir faire des appels API pour récupérer des résultats, les formater en JSON, etc., Tout cela relève d'un véritable métier."

La maîtrise du prompting pourrait toutefois rester centrale, tant la maîtrise de certains modèles est difficile, à l'image de MidJourney ou Stable Diffusion notamment dans la génération d''images. En parallèle, le manque de compétences au sein de la population générale devrait soutenir l'avenir du métier. "Malgré la simplification des interfaces, beaucoup de personnes ne parviennent pas à utiliser efficacement les fonctionnalités de "prompt" et les modèles de langage. Certains clients me payent même pour leur développer des agents GPTs personnalisés, alors qu'ils pourraient le faire eux-mêmes mais ils n'y parviennent pas", explique Guillaume Lebrasseur.

Pour Anis Ayari, la compétence du prompting restera avant tout humaine : "La véritable valeur ajoutée des utilisateurs qui sauront habilement exploiter des outils comme Midjourney ou Dall-E réside dans leur sens artistique et leur créativité. Tout comme actuellement, ce sont les humains qui savent reconnaître le potentiel d'une œuvre d'art, demain ce seront également les créatifs chevronnés qui parviendront à guider les modèles génératifs pour en tirer des créations originales et impactantes."

Le métier, s'il a un temps généré beaucoup d'enthousiasme, semble destiné à une courte existence sous sa forme initiale. Le prompt engineer semble donc se transformer, vers de nouvelles responsabilités techniques et une véritable capacité, profondément humaine, à sélectionner les meilleures productions des modèles.