Sam Altman veut lever 7 000 milliards de dollars : mission possible ?
Les enjeux politiques du projet du cofondateur d'OpenAI et la nature des investisseurs sondés pourraient rendre cette levée de fonds plus envisageable qu'elle n'y parait.
Plus de deux fois le PIB de la France et à peine moins que les valorisations cumulées de Microsoft, Apple et Meta. D'après le Wall Street Journal, Sam Altman cherche à lever 7 000 milliards de dollars pour réorganiser l'industrie mondiale de semi-conducteurs et construire des dizaines d'usines de fabrication de puces, des composants indispensables pour faire fonctionner les grands modèles d'intelligence artificielle.
Cette somme colossale parait surréaliste, surtout lorsqu'on sait que la plus grosse levée de fonds de l'histoire du private equity s'élève à "seulement" 26 milliards d'euros (29,2 milliards de dollars). Une opération réalisée par le fonds d'investissement européen CVC en juillet 2023. Inutile de sortir les calculatrices pour se rendre compte que ce record serait explosé si le patron d'OpenAI parvient à ses fins. Mais réunir 7 000 milliards de dollars est-il vraiment envisageable ? Alors que private equity mondial a connu un sérieux coup de frein en 2023 (malgré la levée de fonds de CVC), un tel scénario ne relève-t-il pas de la fiction ?
A en croire Matthieu Lavergne, partner chez Serena Capital, la réponse à cette question n'est peut-être pas ce qui importe le plus. La seule ambition de Sam Altman constituerait une bonne nouvelle. "L'avenir nous dira s'il parviendra à lever 7 000 milliards de dollars. Mais on ne peut que se réjouir de ce type de projet qui porte la promesse d'amener l'innovation toujours plus loin. La seule chose regrettable, c'est que ces ambitions proviennent la majorité du temps d'entrepreneurs américains et rarement d'entrepreneurs européens".
Enjeux politiques et stratégiques
Le fait que ce projet fou soit rendu public n'aurait rien d'un hasard pour Matthieu Lavergne : "Les personnalités de la tech aiment bien faire de grandes annonces qu'elles espèrent autoréalisatrices. Il y a une part de stratégie". Il faudra bien ça, tant le pari du cofondateur d'OpenAI parait difficilement réalisable. Du moins d'un point de vue statistiques. "En 2023, les entreprises spécialisées dans l'intelligence artificielle générative ont levé 45 milliards de dollars. La valeur combinée de ces entreprises atteint 7 000 milliards de dollars, soit le montant que Sam Altman souhaite récolter".
Malgré tout, il existe quelques raisons qui rendraient (un peu) crédible un tel projet. "S'il y a bien un domaine qui peut réussir à rassembler une si grosse somme d'argent, c'est l'intelligence artificielle", indique Matthieu Lavergne. Surtout que l'explosion de l'IA pourrait entraîner "une pénurie de GPU dans le monde". Et c'est précisément pour éviter cette pénurie que Sam Altman souhaite lever 7 000 milliards de dollars.
Les puces étant indispensables au fonctionnement des modèles d'intelligence artificielle, elles sont devenues "un enjeu politique". Il s'agit sans doute là du principal motif d'espoir de Sam Altman. "C'est un enjeu stratégique pour toutes les nations. Il est question de leur souveraineté", rappelle Matthieu Lavergne. "Ce ne sont évidemment pas des fonds d'investissement classiques qui réuniront 7 000 milliards de dollars". En effet, selon le Wall Street Journal, des hauts représentants du gouvernement des Emirats arabes unis, le directeur général du groupe japonais SoftBank (qui souhaite lever 100 milliards de dollars, également pour un projet de production de puces) et le géant taiwanais TSMC comptent parmi les investisseurs sondés par le patron d'OpenAI. Trois acteurs dont la surface financière parait tout aussi démesurée que la levée de fonds envisagée par Sam Altman.