Les agents d'IA promettent de bouleverser les applications de travail collaboratif... un jour
Les agents restent limités pour l'heure à la génération de contenu et à des actions assez basiques. Reste que le potentiel pour l'avenir est bien là.
L'IA générative est au centre de toutes les conversations dans le landerneau des applications de travail collaboratif. Pour Bastien Le Lann, directeur associé au sein du cabinet de conseil français Lecko, le marché de la gen AI orienté collaboratif se découpe en deux grandes familles. "D'un côté, nous avons une voie portée historiquement par les deux géants du domaine que sont Microsoft avec son offre Copilot et Google avec Gemini. Elle consiste à bâtir des IA génératives à partir des contenus, en vue par exemple de synthétiser les réunions, de produire des résumés de documents ou encore de répondre à des questions. De l'autre, nous retrouvons des éditeurs de multiples horizons qui promeuvent l'utilisation d'agents pour automatiser des tâches venant enrichir la collaboration", constate l'intéressé.
Pour le consultant de Lecko, ces deux approches sont amenées à converger. Un mouvement qu'on observe déjà suite au lancement par Microsoft d'une plateforme d'agents taillée pour son assistant Copilot intégré à sa suite Microsoft 365. Selon la définition de l'éditeur, "les agents sont des assistants d'IA conçus pour automatiser et exécuter des processus métier, en collaboration avec ou au service des humains. Leur capacité varie d'agents simples basés sur des interactions de type question-réponse à des agents qui réalisent des tâches répétitives, jusqu'à des agents plus avancés et entièrement autonomes." De son côté, Didier Gaultier, head of AI chez Orange Business Digital Services, pondère : "Nous sommes encore très loin d'agents qui pourraient prendre des décisions en lieu et place des humains au sein du flux collaboratif. Le modèle dont nous disposons aujourd'hui ne sont pas suffisamment fiables."
La vision d'agents 100% autonomes
De son côté, Salesforce veut y croire. "Les agents auront un impact profond sur le travail d'équipe et la productivité. Cette technologie a potentiellement la capacité de réaliser des actions à la place des salariés et les remplacer pendant la nuit ou le weekend, y compris pour orchestrer leurs interactions", affirme Peter Doolan, chief customer officer de Slack, la plateforme de messagerie d'équipe acquise par Salesforce en 2021.
A l'occasion de son événement mondial qui se tenait du 17 au 19 septembre à San Francisco, Salesforce a annoncé toute une série d'agents, basés sur des technologie tierces, au service de sa messagerie collaborative. Parmi ceux lancés en version finale figure Adobe Express qui est conçu pour générer des contenus personnalisés : présentations, campagnes médias, publications sur les réseaux sociaux... Mais également un agent basé sur le service de stockage en ligne Box, qui est taillé pour analyser des contrats, répondre à des questions sur le paysage concurrentiel à partir de documents internes, ou encore résumer des rapports. Autres agents disponibles : un agent Cohere qui se présente sous la forme d'un assistant conversationnel intégré à Slack, ou encore un agent Writer qui se concentre sur la rédaction de contenu.
"Certains fournisseurs comme OpenAI ou Anthropic commercialisent des agents sur étagère qui activent des tâches"
"Nous proposons également un environnement permettant à nos clients de bâtir leurs propres agents", ajoute Peter Doolan. "Ces IA bénéficient de tout le contexte métier de Slack pour répondre au mieux aux questions des utilisateurs : l'historique des échanges, les contenus des canaux conversationnels, etc."
Force est de constater que l'ensemble des exemples mentionnés ci-dessus se contentent d'enrichir les contenus existants par une couche d'IA générative. Tous ces bots ne prennent pas de décision, ils répondent aux requêtes qui leur sont soumises. Salesforce affirme néanmoins que sa plateforme Agentforce pour Slack permet de bâtir des agents actionnables. "De même, de nombreux fournisseurs commercialisent des agents sur étagère qui activent des tâches. Sur le créneau de la digital workplace, c'est le cas de LumApps, Powell, Jalios, Mozzaik, Sociabble ou encore Elium. Preuve que les approches convergent. Il existe également de nombreux pure player au premier rang desquels Elqano. Les agents de ces acteurs peuvent traiter les sollicitations entrantes sur une boîte mail ou encore répondre aux demandes de création de nouvel espace d'équipe", constate Bastien Le Lann. "C'est une nouvelle manière de faire de l'automatisation qui était jusqu'ici portée par des solutions comme Zapier, IFTTT ou encore Power Automate." Ici, il s'agit bien d'actions mises en œuvre par un bot. Reste qu'elles se limitent à des routines sans pour autant prendre de décisions impactantes pour l'organisation.
Les agents proposés par Microsoft autour de Copilot se situent dans la droite ligne de cette logique. Un agent qualifié de facilitateur par exemple fluidifie les visioconférences. Supportant neuf langues, dont le français, il prend des notes en temps réel et dresse une synthèse des échanges. De même pour un agent interprète qui traduit les conversations au fil de l'eau en imitant la voix du locuteur. Enfin, un agent orienté gestion de projet gère l'attribution des tâches, leur suivi, les rappels et notifications et génère les rapports d'état. Nulle part il est question de prendre des décisions clés à la place de l'humain. Ces produits se contentent de fluidifier la collaboration.
Une concrétisation d'ici deux ans
Et Peter Doolan chez Salesforce de préciser : "La vision que nous avons d'un agent qui pourra prendre la main à 100% sur le travail collaboratif d'un salarié n'est pas pour tout de suite. Cette révolution aura lieu dans les deux ans qui viennent. Nous allons passer d'actions très basiques à l'exécution de tâches et de workflow beaucoup plus complexes qui pourront être mis en œuvre en permanence." Peter Doolan poursuit : "Par exemple dans le cas où deux managers échangent sur une politique RH, en matière de relocalisation ou de promotion, un agent pourra leur apporter des réponses en se basant sur l'historique RH de la société. Il pourra mettre ensuite à jour en toute autonomie le système RH en conséquence puis dérouler un workflow opérationnel en fonction de la décision prise. Autre exemple, un agent pourrait dénicher au sein d'une organisation un profil avec des compétences particulières en fonction de sa base de connaissance pour répondre à une problématique projet donnée. Puis vous organiser un rendez-vous avec cette personne en échangeant avec l'agent de cette dernière." On n'y est pas encore.
Comme pour l'IA générative au sens large, un agent impliquera un découpage fin des contenus pour aboutir à des réponses efficaces. "Dans le cas inverse, les réponses seront beaucoup trop générales", reconnaît Bastien Le Lann. "Pour le bot que nous développons dans le cadre de notre étude annuelle sur les digital workplace, nous avons déployé un trigger qui permet d'interroger directement le document comparatif des solutions du marché dans le cas où nous avons une question sur le sujet. Ce qui évite à l'agent de scanner tout le référentiel. Plus la base documentaire est contrainte, meilleure est la réponse." En fonction des demandes, le format de réponse peut également être adapté. "Dans le cas d'un help desk IT, si un salarié s'est fait voler son portable, il faudra faire ressortir la bonne procédure et demander à l'interlocuteur de prendre contact avec la bonne personne", conclut le consultant de Lecko.