De l'analyse de besoin au produit fini : comment WPP se métamorphose grâce à l'IA générative

De l'analyse de besoin au produit fini : comment WPP se métamorphose grâce à l'IA générative Tour d'horizon des cas d'usage de l'intelligence artificielle générative déployés en France par le groupe mondial de l'industrie créative.

Géant international de l'industrie créative, WPP s'est saisi très tôt de l'intelligence artificielle générative. La société l'utilise tout au long du cycle de vie du processus créatif, de l'analyse de marché à la réalisation des produits finis en passant par l'idéation et la création de supports pour vendre les concepts aux clients. Des cas d'usage qui peuvent varier en fonction des filiales.

Du côté de VML, l'une des principales sociétés créative du groupe WPP qui compte 600 salariés en France et 30 000 dans le monde, des agents d'IA ont été créés pour chaque client en vue de scanner leur marque, leurs audiences, leur marché. "L'IA générative permet de mettre le doigt sur des questions importantes qui ne sont pas forcément formulées dans le brief. Ensuite, elle nous permet d'extraire du web le sentiment des internautes concernant une marque. Sur le plan des idées, c'est aussi un bon moyen de cerner celles qui ont déjà été utilisées et ainsi d'orienter notre réflexion sur des axes réellement originaux et novateurs", décrit Martin Iselt, executive creative director au sein de Landor Paris, une autre agence créative du groupe WPP, centrée sur l'identité de marque. "Les prompts nous permettent aussi de générer des brainstormings que nous affinons ensuite pour dénicher des idées originales. C'est un gain de temps incroyable. Les idées que l'humain identifie en deux jours, la machine met quelques secondes à les trouver."

Chez Ogilvy, autre agence créative du groupe WPP, l'idéation reste le pré-carré de l'humain. "Nous sommes convaincus que la gen AI ne remplace pas l'expérience et l'intuition humaines", argue David Raichman, executive creative director d'Ogilvy Paris. "En revanche quand les idées ont émergé, l'IA va nous aider à les projeter dans des contenus graphiques, vidéos, sonores en vue de les défendre face à nos clients." Les équipes créatives évitent ainsi le long et fastidieux travail de création de maquettes via Photoshop tout en bénéficiant d'un support pour concevoir un contenu réaliste. Même démarche au sein de Landor Paris. "A ce niveau, les cas d'usage sont nombreux : l'IA générative pourra compléter une image, en modifier l'arrière-plan. Elle pourra aussi supprimer un objet dans un visuel ou encore générer un story board en partant d'une première esquisse", complète Martin Iselt. "Elle pourra également créer des visuels qui ne sont pas présents sur les banques d'images, par exemple celle d'une main tenant un hamburger. Ce qui permet de gagner un temps précieux en retouche et travail de graphisme, notamment dans notre exemple sur le rendu du hamburger."

Une conceptualisation d'idées sans fin

Et Martin Iselt d'ajouter : "Avec l'IA, nous n'avons plus de barrière en termes de conceptualisation d'idées. Tout est désormais imaginable. Les designers deviennent des directeurs de création. C'est à eux, au final, de définir parmi les images générées celles qui collent au brief. Sachant que le mécanisme de base reste le même. Il s'agit d'identifier la bonne idée, puis de générer une ou plusieurs images pour vendre le projet, et ensuite défendre le concept auprès du client."

Chez Landor, on utilise la gen AI comme outil d'aide à la titraille des publicités. Du côté d'Ogilvy, elle sert également à travailler les styles, dans l'habillement par exemple. Ce qui permet aux clients de se projeter sur une base des plus concrètes.

VML a également recours à des focus group virtuel en partant des audiences de ses clients. "Au lieu de tester des concepts de contenu image, texte, audio ou vidéo auprès de vrais focus group, on a créé grâce à la gen AI des focus group synthétiques. Cela ne permet pas de remplacer les vrais focus group, mais grâce à cette technique, on limite les erreurs en cernant par exemple les mots ou les tournures de phrase qui n'attirent pas l'attention", explique Vincent Druguet, CEO VML en France. "Pour réaliser cette tâche, nous avons développé notre propre technologie en nous basant sur les LLM du marché."

"Au final, il n'y a pas une campagne qui sort de chez nous sans une partie créée grâce à la gen AI"

Pour le texte, WPP fait largement appel à l'IA générative pour concevoir ses contenus textuels. Du côté de VML notamment, les rédacteurs ont recours dans cette optique aux LLM d'OpenAI, de Gemini et de Claude fine tunés avec des agents. Objectif : optimiser la rédaction de posts publiés sur les réseaux sociaux en fournissant à l'IA des indications sur l'identité de marque du client en termes de wording (style, tonalité, hashtag...).

Chez Landor, on s'interdit en revanche de passer par la gen AI pour réaliser le produit fini, que ce soit pour la photo ou la vidéo. "Au-delà de la problématique du droit à l'image, l'IA générative n'est pas encore au niveau en termes de résolution. Elle n'est pas non plus capable de rendre certains détails comme c'est le cas dans les produits alimentaires ou la cosmétique. Idem quand nous devons intégrer un sujet humain", précise Martin Iselt. "Pour nous, l'IA reste par conséquent une source d'inspiration et de création d'insights qui sont ensuite validés par le client avant le shooting final et la production qui, eux, demeurent pour l'heure réalisés en situation réelle."

Du côté de VML en revanche, on n'hésite pas, à l'inverse, à recourir à l'IA générative dans la conception de produits finis. L'agence a recours à Stable Diffusion, Adobe Firefly, ainsi que Bria qui est une plateforme entraînée sur des contenus validés en termes de droit d'auteur. L'agence travaille aussi de plus en plus avec les outils de gen AI des services de Getty Image et de Shutterstock. "Chacune de ces solutions ayant ses propres avantages, nous sommes amenés à les panacher. Par exemple, nous créons un personnage dans Midjourney, mais nous générons le visage avec la gen AI de Getty Image dans la mesure où il sera libre de droit mais également plus réaliste", ajoute Vincent Druguet chez VML. "Au final, il n'y a pas une campagne qui sort de chez nous sans une partie créée grâce à la gen AI."

La question du droit d'auteur

Design de produit, shooting, génération de paysage... VML utilise l'IA générative dans de nombreux domaines. "Dès qu'il y a des personnages, se posent néanmoins la question des droits d'auteur, mais également de la qualité du rendu", reconnaît Vincent Druguet. Et David Raichman chez Ogilvy d'ajouter : "La gen AI aura du mal à capturer les émotions des comédiens et saisir un jeu d'acteurs." Sur ce point, Vincent Druguet relativise : "Une solution comme Pimento permet à partir d'un shooting de photos prises avec un mannequin de licencier ensuite son image pour générer de nouvelles scènes qui donnent réellement l'impression d'avoir été produites avec la même personne." Sur le plan de la vidéo, VML commence tout juste à tester des solutions comme Runway. C'est aussi le cas de l'offre de Heygen qui génère des clones vidéo parlant à votre place, y compris dans plusieurs langues. Un levier qui permet de faire baisser drastiquement les coûts en passant outre la phase de réalisation traditionnelle.

Du côté d'Ogilvy, on ne s'interdit pas non plus de réaliser des produits finis en s'adossant à l'IA générative. "Nos directeurs artistiques deviennent pratiquement des réalisateurs en s'adossant à une équipe spécialisée en IA, baptisée chez nous IA Lab", indique David Raichman. "En partant d'un story board, on pourra par exemple suivre un processus génératif d'image-to-video pour aboutir au film final recherché." On passera outre une chaîne de métiers centrée sur la réalisation, la comédie, la photographie. Une concession que tous les clients de ces agences ne sont pas encore prêts à faire.