Rattraper n'est pas devancer : Google face aux nouveaux maîtres du web

Le 21 mai 2025, lors de sa conférence annuelle I/O, Google a présenté une série de nouveautés censées repositionner son moteur de recherche à l'heure des LLM.

En tête d’affiche : l’intégration massive de Gemini et la généralisation des « AI Overviews », ces résumés automatiques générés par l’IA en haut des résultats.

 Derrière ces annonces, une réalité plus brutale :

L’irruption de ChatGPT, Perplexity et récemment GPT Search a profondément bousculé l’usage que nous avons du web.

 Google tente de rattraper son retard dans une course où il était censé jouer en terrain conquis face aux nouveaux usages conversationnels apparus avec l’essor des LLM.

 En clair : Google joue gros. Très gros. Ce qui est en jeu, ce n’est pas seulement la pertinence de ses résultats, mais sa place même dans le futur d’un web conversationnel et synthétique tout en soulevant de nouvelles interrogations sur l’impact environnemental, la pérennité des médias et l’avenir du modèle économique entier de la recherche en ligne.

  • La fin de la recherche classique ?

L’IA générative redessine les contours de la recherche d’information en ligne. Il y a encore dix-huit mois, la norme reposait sur des mots-clés, des liens bleus, des clics et une vérification manuelle des sources. Depuis, ChatGPT, Perplexity ou encore Copilot ont imposé un nouveau paradigme : celui d’une recherche conversationnelle, directe, souvent sourcée, et capable de résumer, synthétiser et formuler des réponses complètes sans quitter l’interface.

Google, longtemps incontesté, a vu émerger ce bouleversement. Trop lentement. Bard n’a pas convaincu. Gemini tente de rattraper le temps perdu. Dans cet intervalle, d’autres acteurs ont su s’imposer comme des réflexes. Résultat : Google reste dominant en volume de trafic, mais voit se réduire sa part sur les requêtes dites "informationnelles", cœur de son modèle publicitaire.

La conférence Google I/O 2025 marque un tournant. Gemini est désormais intégré à l’ensemble de l’écosystème Google : Gmail, Chrome, Docs, Meet. Un « Agent Mode » plus proactif (projet Mariner) arrive sur mobile. Et surtout, les AI Overviews — réponses résumées générées par IA — seront désormais généralisées dans les résultats du moteur. L’expérience Google devient conversationnelle, pour s’aligner avec les nouveaux usages.

  • Une course à l’IA qui redessine l’économie du web

Mais cette évolution s’accompagne de tensions inédites.

Sur le plan énergétique, d’abord. Générer une réponse via un modèle de langage consomme bien plus qu’une simple recherche classique. Avec une IA embarquée partout — navigateurs, systèmes d’exploitation, plateformes — chaque interaction pèse plus lourd sur l’environnement. Un paradoxe de taille pour des géants technologiques qui promettent des data centers neutres en carbone d’ici 2030.

Sur le plan économique ensuite. De nombreux médias, sites et créateurs de contenus dépendent encore du trafic issu des moteurs de recherche pour vivre. Or, si l’utilisateur n’a plus besoin de cliquer, les audiences s’érodent, et les revenus chutent. Si certains grands groupes ont anticipé le changement en contractualisant avec les fournisseurs d’IA, la majorité des éditeurs indépendants risque une perte sèche de visibilité, et à terme, de viabilité.

La question devient centrale : quelle valeur proposer face à une IA capable de tout synthétiser ? Quel contenu mérite encore un clic, une lecture, une interaction humaine ?

Car les LLM imposent une redéfinition complète de l’accès à l’information. Là où Google proposait des liens, ces outils proposent des réponses. Avec le déploiement des AI Overviews, ce modèle devient la norme — y compris dans Google lui-même. Les risques sont réels : fiabilité des contenus, traçabilité des sources, dilution de la diversité éditoriale. À court terme, un modèle hybride semble s’imposer : l’IA générative pour la synthèse, les index classiques pour la vérification et la monétisation.
À long terme, l’écosystème numérique devra concilier trois impératifs : pertinence de l’information, sobriété énergétique, et gouvernance responsable des données.

Google conserve encore son avance, mais n’a plus le monopole de l’innovation. La conférence I/O 2025 marque une tentative de reconquête, mais révèle aussi un retard certain. L’intégration massive de Gemini ressemble davantage à un rattrapage qu’à une révolution. 2 annonces ont  marqué les esprits : Veo 3, outil de génération vidéo enrichi (avec son, musique, bruitages, dialogues intégrés et synchronisés), qui franchit un cap technologique notable. Et « Gemini Agent Mode » qui pourra agir dans des applications Google pour effectuer des tâches de manière autonome (par exemple, envoyer un mail via Gmail, lancer un itinéraire dans Maps, etc.). Pour le reste, la domination de Google est désormais contestée sur son propre terrain.

La recherche s’est transformée.
L’interface aussi.
Le web ne sera plus jamais le même.