IA : pourquoi faut-il privilégier la politique des petits pas à celle du big bang ?
Plutôt que de vouloir tout révolutionner en une fois, l'intégration de l'IA doit être progressive et ciblée afin d'éviter les échecs des projets.
L'approche que de nombreuses entreprises adoptent pour mettre en œuvre l'IA s'apparente à la quête du Graal. De grandes idées et de gros budgets promettent de résoudre des problèmes encore plus importants. Pourtant, malgré cette ambition, très peu de projets aboutissent réellement ; selon McKinsey, 90 % des pilotes d'IA ne parviennent pas à un passage en production complet, ce qui suggère qu'il y a une déconnexion croissante entre l'excitation au moment de la réunion et l'exécution dans le monde réel.
Cette inertie est due à plusieurs facteurs. La mise en œuvre de l'IA est un processus complexe et implique que les entreprises naviguent dans un véritable champ de mines, faisant face à différents types de risques ; qu'il s'agisse de gérer la conformité, d'évaluer les capacités techniques, d'améliorer l'intégration ou de prouver le retour sur investissement, chaque étape exige des ressources considérables et une collaboration entre les différents services.
L’obsession pour les grandes initiatives de transformation via l’IA contribue également à ce manque de progrès. Il s’agit de projets d’IA ambitieux, capables d’apporter d’énormes gains de productivité et des avantages concurrentiels distinctifs. C’est une perspective séduisante : réussir pourrait permettre de dominer le marché, mais les ressources nécessaires sont souvent sous-estimées.
La NASA a calculé qu’il a fallu les efforts conjugués de 400 000 personnes pour mener à bien le programme Apollo. Du fait de leur nature, de tels projets nécessitent qu’un grand nombre de personnes travaillent dans la même direction pour décoller. Mais cela est plus facile à dire qu’à faire, et les organisations qui misent tout sur de grands projets peuvent facilement se retrouver prises dans un cercle vicieux de preuves de concept sans fin. Bienvenue au purgatoire des pilotes : là où les bonnes idées viennent mourir. Non pas parce qu’elles n’étaient pas viables, mais parce qu’il n’y avait aucun lien clair avec l’impact métier et la prise en charge du projet par le métier. Trop souvent, nous voyons des solutions technologiques à la recherche d’un problème métier.
« Moins » peut signifier « plus »
Pourtant, une autre voie existe. Au cours des dernières années, j'ai observé des dizaines d'organisations adopter et mettre en œuvre la technologie de l'IA, et ce, avec différents degrés de succès. Les entreprises ayant le plus de réussite suivent un modèle distinct : elles mettent rapidement les outils et les fonctionnalités d'IA entre les mains des utilisateurs.
C'est une « micro-IA » en action. Il existe de nombreuses nouvelles fonctionnalités d'IA souvent inutilisées mais déjà intégrées dans les applications métier que les collaborateurs utilisent au quotidien. En activant simplement ces fonctionnalités, ils peuvent générer de la valeur dès le départ et atténuer les risques et les défis liés à la création d'outils d'IA sur mesure. Cela signifie également qu'il n'y a pratiquement aucune courbe d'apprentissage - l'intégration des employés dans de nouveaux systèmes est l'un des coûts de transformation les plus importants… et les plus négligés.
Les gains de productivité respectifs liés à l'adoption de fonctionnalités individuelles de micro-IA peuvent être relativement modestes. Pris isolément, ces changements sont mineurs : chaque outil peut n’améliorer l’efficacité que de 1 à 2 %. Ensemble, cependant, ils peuvent véritablement changer la donne. Lorsqu’ils sont combinés dans le flux de travail typique d’un utilisateur, des améliorations significatives de la productivité, dépassant 20 %, deviennent réellement atteignables.
On peut voir cela comme si on avait une équipe de 100 stagiaires prête à soutenir chaque fonction de l’entreprise. En libérant du temps et en réduisant les frictions dans de nombreux processus, les employés peuvent consacrer davantage de temps aux tâches à forte valeur ajoutée qui ont un impact direct sur les résultats. Chaque « stagiaire IA » peut apporter une contribution modeste mais mesurable à chaque niveau de l’organisation, aidant ainsi tout le monde à avancer plus vite et à accomplir davantage.
Un excellent exemple de cette approche en action est celui de The Very Group, l’un des plus grands commerce en ligne du Royaume-Uni. L’entreprise a activé les fonctionnalités d’IA pour la définition des objectifs dans la solution de gestion des RH Oracle Fusion Cloud Human Capital Management pour 2 500 employés, simplement grâce à l’activation d’un paramètre. Ces capacités d’IA aident les managers à créer des objectifs SMART et offrent aux collaborateurs des suggestions personnalisées, les aidant à surmonter le « syndrome de la page blanche ». Depuis son activation, cette fonctionnalité a été utilisée 10 000 fois, transformant la gestion des objectifs de performance de l’entreprise, avec un minimum d’effort et sans coût supplémentaire !
Surveillez chaque étape
Que vous soyez un utilisateur accompli de l’IA ou que vous n’ayez pas encore vraiment avancé dans ce domaine, chaque organisation court le risque de tomber dans des pièges qui ralentissent sa progression. Beaucoup échouent dès le départ en attendant d’avoir une stratégie « parfaite » avant de passer à l’action. Un autre frein à la progression est la croyance erronée selon laquelle la mise en œuvre de l’IA nécessiterait des investissements importants ou impliquerait l’élaboration d’une infrastructure informatique complexe. Pourtant, les avantages des micro-IA sont facilement accessibles à presque tout le monde.
À l’opposé, les entreprises qui avancent rapidement peuvent parfois vouloir en faire trop et disperser leurs ressources sur trop d’initiatives. Inversement, les grandes organisations gaspillent parfois des ressources en déployant l’IA de façon isolée, sans feuille de route transversale ou vision cohérente à l’échelle du groupe. Il existe très peu d’organisations qui arrivent à tout bien faire et il reste encore à chacun d’entre nous une marge de progrès.
Il y a une leçon à retenir de tout ça : bien que les projets de transformation basés sur l’IA fassent rêver, la réussite passe souvent par l’accumulation de petites améliorations réalisables, qui apportent des bénéfices métiers concrets. Ces mises en œuvre de micro-IA procurent une valeur immédiate, réduisent les risques et créent une base solide pour des projets plus ambitieux à l’avenir. Les organisations qui réussissent aujourd’hui ont compris qu’il est souvent plus efficace d’adopter une stratégie qui permet d’avancer, plutôt qu’une promesse de révolution difficile à concrétiser.