Le paradoxe vert de l'IA

Seagate

L'article explore le paradoxe écologique de l'intelligence artificielle, qui promet d'aider à la transition verte tout en consommant énormément d'énergie.

À l’heure où l’intelligence artificielle bouleverse nos économies, un paradoxe se creuse : la croissance exponentielle des besoins en stockage de données s’oppose aux impératifs environnementaux des organisations. Les centres de données, essentiels à la transformation numérique, voient leur consommation énergétique et leur empreinte carbone exploser. Alors même que la majorité des décideurs se disent préoccupés par leur impact écologique, peu en font une priorité dans leurs choix d’investissement.

L'empreinte invisible

L’essor de l’IA s'accompagne d'une augmentation vertigineuse des besoins en puissance de calcul et en stockage, entraînant une hausse sans précédent de la consommation d’électricité et d’eau des datacenters. Selon les projections de l’IEA, la demande d'électricité des centres de données devrait plus que doubler d'ici 2030 pour atteindre environ 945 térawatt-heures (TWh) au niveau mondial, l'équivalent de la consommation actuelle du Japon. Le refroidissement des infrastructures, indispensable à leur fonctionnement, consomme des quantités d’eau considérables : Google a utilisé 28 milliards de litres d’eau en 2023, dont la majorité pour ses datacenters. À cela s’ajoutent les impacts liés à l’extraction de matières premières pour fabriquer les équipements, générant déchets électroniques et pollution chimique. D’ici 2030, les datacenters pourraient représenter jusqu’à 8 % des émissions mondiales de carbone, contre 0,3 % en 2022 selon l’IEE

Le dilemme des décideurs

Malgré une conscience environnementale croissante et quasi-unanime des acteurs de l’industrie, 95% des répondants se souciant de l’impact environnemental selon un récent rapport sur la décarbonation des données, le coût total de possession (TCO) reste le critère dominant dans les décisions d’achat. En effet, seulement 3,3 % des professionnels des centres de données interrogés ont déclaré que leurs entreprises accordaient la priorité à un faible impact environnemental dans les décisions d'achat de centres de données. Pourtant, des synergies existent : réduire la consommation énergétique ou prolonger la durée de vie des équipements permet de diminuer à la fois les coûts et l’empreinte carbone. Les contraintes d’espace et la croissance des volumes de données imposent des choix : augmenter la densité de stockage, étendre les infrastructures ou migrer vers le cloud, chaque option ayant ses propres compromis économiques et écologiques. L'évolutivité verticale peut nécessiter des technologies plus coûteuses à l'achat mais plus efficaces énergétiquement sur le long terme. L'extension horizontale implique des investissements massifs en infrastructure et augmente généralement l'empreinte carbone. Quant à la migration vers le cloud, elle offre une flexibilité accrue, mais transfère le problème environnemental.

Vers une responsabilité collective

La réponse à ce défi ne peut être individuelle : elle exige une mobilisation de l’ensemble de l’écosystème, des fabricants aux opérateurs, en passant par les fournisseurs d’énergie et les décideurs publics. De nombreuses entreprises investissent déjà dans les énergies renouvelables, des solutions de stockage avancées et des systèmes de gestion optimisés par l’IA pour améliorer leur efficacité et réduire leur empreinte. L’innovation technologique, l’allongement du cycle de vie des équipements et la coordination sectorielle sont les leviers clés pour concilier performance économique et durabilité.

L’essor de l’IA place les centres de données face à un défi majeur : concilier performance économique et durabilité environnementale. Plutôt que de les opposer, il faut adopter une approche globale qui intègre l’ensemble du cycle de vie des équipements et de la chaîne de valeur. Il s’agit de bâtir des indicateurs de performance intégrant les impacts environnementaux, afin de redéfinir la notion de rentabilité des infrastructures numériques. Le véritable enjeu est culturel : reconnaître que la performance environnementale est indissociable de l’efficacité économique. Dans un contexte de ressources limitées, la sobriété numérique s’impose comme une nécessité stratégique et éthique. La transformation écologique des centres de données représente une opportunité unique d’innover collectivement pour un numérique durable.