Entre potentiel et mesure de la performance : le paradoxe du progrès

L'intelligence artificielle est devenue le pilier de l'innovation en entreprise.

De l’analyse prédictive aux opérations autonomes, l’IA redéfinit la manière dont les organisations créent de la valeur et restent compétitives. Pourtant, derrière cette transformation, un paradoxe grandissant émerge : plus nos systèmes deviennent intelligents, plus ils deviennent difficiles à expliquer et moins leur coût devient lisible, compliquant l’évaluation du retour sur investissement. Alors que l’adoption de l’IA s’accélère, de nombreuses entreprises avancent par exemple à l’aveugle sur leur supervision financière. Selon une étude récente du Boston Consulting Group, en 2024, 74 % des entreprises déclaraient avoir du mal à atteindre l’échelle et réaliser la valeur escomptées de leurs initiatives en IA.

Qu’il s’agisse de modèles d’apprentissage automatique ou de plateformes d’automatisation intelligente, les systèmes d’IA sont conçus pour s’adapter à des données qui évoluent rapidement dans des environnements cloud, mais aussi pour optimiser les performances sans intervention humaine. Cette flexibilité nécessite d’importants moyens financiers et opérationnels, souvent dissimulés sous des couches d’infrastructure et de données complexes, transformant les initiatives en véritable écosystème tentaculaire. Résultat : une plus grande pression pour les équipes informatiques et une difficulté à percevoir le véritable coût de ces innovations pour les équipes financières.

En l’absence de visibilité centralisée, les coûts liés à l’IA sont souvent noyés dans les budgets IT globaux ou dispersés dans des factures liées au cloud. Ce manque de transparence rend difficile l’évaluation du ROI et les décideurs font face à des dépassements budgétaires sans pouvoir gérer leurs investissements de manière proactive. Il en résulte une rupture entre innovation et responsabilité, entre potentiel et performances réelles.

Quelques exemples :

  • Un détaillant mondial déploie des outils de personnalisation basés sur l’IA, mais ne parvient pas à isoler les coûts d’infrastructure de ses opérations cloud globales, rendant impossible l’évaluation du ROI du projet.
  • Une société de services financiers intègre les coûts de développement de modèles d’IA dans son budget IT général, empêchant la direction d’avoir une vision claire de ce qui est réellement dépensé par rapport aux opérations courantes.

Vers une prise de décision plus rapide et intelligente

Pour reprendre le contrôle, les organisations doivent considérer l’IA non seulement comme un apport technique, mais aussi comme un investissement stratégique. Pour cela, il est nécessaire de regrouper des catégories de couts mobilisés (Infrastructure, licences, stockage de données ou ingénierie) par projet ou destination. Lorsqu’ils sont agrégés de manière logique, ces éléments offrent aux dirigeants une vision plus claire de la manière dont les projets IA consomment les ressources et génèrent de la valeur. Quand les directions financière, informatique et technologique partagent une vue commune des dépenses liées à l’IA, elles peuvent aligner leurs priorités, optimiser les ressources et évoluer en confiance. La visibilité sur les coûts devient alors la fondation d’une stratégie claire, permettant une prise de décision plus intelligente à l’échelle de l’entreprise.

Le Technology Business Management (TBM) constitue l’ossature stratégique qui rassemble des disciplines clés telles que la gestion financière IT, le FinOps et la gestion stratégique de portefeuille (SPM). Ce cadre unifié permet de comprendre et de gérer l’ensemble des coûts technologiques — des opérations cloud aux investissements logiciels, jusqu’aux portefeuilles de projets et les initiatives d’innovation. Le TBM aide les entreprises à révéler les coûts cachés, à isoler les dépenses IA des budgets IT globaux et à évaluer les performances selon les objectifs métiers. En alignant rigueur financière et innovation technologique, le TBM transforme l’IA en un investissement mesurable.

Mais l’IA ne se limite pas à l’automatisation — il s’agit de renforcer la prise de décision avec des recommandations plus rapides et plus intelligentes. Pour libérer tout ce potentiel, les organisations doivent comprendre le coût derrière cette intelligence : les ressources nécessaires pour entraîner les modèles, stocker et traiter les données, et maintenir l’infrastructure qui les soutient. La complexité est inévitable — le chaos ne l’est pas. Grâce à la transparence des coûts et à un cadre de gestion partagé, les dirigeants peuvent transformer l’IA en un véritable atout stratégique — qui délivre une valeur mesurable, et non simplement une promesse technologique.