OpenAI, la fin d'une époque ?

OpenAI, la fin d'une époque ? Fini le temps où OpenAI dominait outrageusement le secteur de l'IA générative, dans les benchmark comme dans les esprits. Aujourd'hui l'entreprise est mise sous pression par ses concurrents, en particulier Google, et Sam Altman s'inquiète.

Branle-bas de combat chez OpenAI. Dans une note interne dont le contenu a fuité, Sam Altman s’inquiète des performances du modèle concurrent de Google, Gemini 3 Pro, affirmant que l’entreprise a "fait de l’excellent travail" et annonçant des temps difficiles alors que la compétition autour des modèles d’IA de pointe s’accélère.

D’autant que la sortie de Gemini 3 coïncide avec une autre annonce dangereuse pour OpenAI. Le 18 novembre dernier, Microsoft et Nvidia, deux des principaux investisseurs d’OpenAI, ont en effet annoncé l’investissement de 15 milliards de dollars dans Anthropic, start-up rivale d’OpenAI, d’ailleurs fondée par des anciens de l’entreprise, dont Dario Amodei, l’actuel patron d’Anthropic. La valorisation de la jeune pousse est désormais estimée à 350 milliards de dollars, contre 500 milliards pour OpenAI.

OpenAI perd son avantage technologique

Certes, la compétition sur les modèles d’IA les plus avancés n’est pas neuve. "L’environnement de l’IA de pointe est très compétitif, avec une poignée d’acteurs qui sont au coude à coude, en particulier OpenAI, Anthropic, xAI et Google. Ça, ce n’est pas nouveau", note Antoine Chkaiban, consultant chez New Street Research, un cabinet d'intelligence de marché. En revanche, ayant lancé ChatGPT avant tout le monde, OpenAI a longuement bénéficié d’une avance, due au fait qu’elle avait été la première entreprise à se positionner sur ce marché de l’IA générative. La sortie de Gemini 3 entérine le fait que cet avantage s’est aujourd’hui évaporé.

"Il y a dix-huit mois, OpenAI était le roi incontesté, tandis que Google était perçu comme un dinosaure bureaucratique, incapable de lancer un produit pour sauver sa peau. Le “Code Rouge” déclenché par l’entreprise a fait des sceptiques, tout comme la démonstration ratée de Bard. On voyait déjà dans Google le prochain IBM — un géant du passé voué à être dévoré par les jeunes cool et dynamiques d’OpenAI. Mais le géant s’est réveillé, et il est en train de gagner", estime Derik David, un analyste indépendant spécialisé dans les technologies numériques.

Cela signifie que Google dispose désormais de davantage de cartes en main pour mettre la pression sur son concurrent. "OpenAI a perdu son avantage technologique, Google l’a rattrapé. Que se passera-t-il si Google décide de casser les prix pour concurrencer OpenAI ?", s’interroge ainsi Gary Marcus, expert américain de l’IA.

A cela s’ajoutent des signes inquiétants pour OpenAI dans l’utilisation de ses produits. L’engagement des utilisateurs stagne, comme l’a récemment admis la directrice financière Sarah Friar. Dans sa note interne, Sam Altman anticipe pour sa part un très fort ralentissement de la croissance du chiffre d’affaires de l’entreprise qui pourrait selon lui se situer autour de 5 à 10% l’an prochain, du fait notamment de la concurrence de Claude (Anthropic) et Gemini (Google). On est loin des 300% estimés pour 2025.

Pour reprendre l’initiative, l’entreprise planche actuellement sur le projet Shallotpeat, nom de code cachant un modèle visant à résoudre les bugs dans l’entraînement des modèles d’IA.

Une affaire d’écosystème

Le fait que Google ait rattrapé son retard technologique sur OpenAI est d’autant plus ennuyeux pour cette dernière qu’elle n’a pas l’écosystème puissant et étoffé dont bénéficie le géant californien grâce à ses décennies d’ancienneté et sa solide emprise sur le web. "Google dispose des données du monde entier, fabrique ses propres puces, et possède une trésorerie illimitée. Google a également YouYube, son moteur de recherche, Gmail, Maps, et Android, ainsi que des milliards d’utilisateurs. Aucune autre entreprise ne dispose d’un tel combo", note Andrew Lokenauth, auteur de The Finance Newsletter, une infolettre destinée aux investisseurs.

Cet écosystème confère à Google un avantage significatif dans sa lutte avec OpenAI, illustré lors du lancement de Gemini 3 : aussitôt déployé, celui-ci a été immédiatement intégré au moteur de recherche Google, au Mode IA, à Google Workspace et à Android, touchant immédiatement des milliards d’utilisateurs sans que ces derniers aient besoin de télécharger quoi que ce soit.

Or, la bataille de l’IA ne se joue pas seulement sur la supériorité technologique, mais aussi et surtout sur la capacité à apporter de la valeur aux entreprises, en intégrant cette technologie dans un écosystème cohérent. "Les innovations purement techniques entre les modèles de pointe sont de moins en moins un facteur distinctif. Ce qui va faire la différence, c’est surtout la capacité à apporter de la valeur aux entreprises, à comprendre la structure de leurs données, les rendre exploitables, et à intégrer leurs charges de travail de manière fluide. Microsoft est très bien positionné là-dessus. C’est pourquoi Azure affiche une telle croissance et est en train de battre AWS sur le cloud dédié à l’IA", note Antoine Chkaiban. C’est ce qu’a bien compris une entreprise comme Palantir, qui ambitionne de se placer au cœur de la transformation des entreprises par l’IA, et récolte pour cela la confiance des investisseurs.

OpenAI, de son côté, a pour elle son partenariat historique avec Microsoft. C’est pourquoi le rapprochement de cette dernière avec Anthropic a de quoi susciter l’inquiétude de l’entreprise de Sam Altman. Certes, celle-ci a volontairement choisi de prendre ses distances avec le géant de l’informatique (qui demeure toutefois l’un des principaux investisseurs d’OpenAI), afin de planifier son entrée en bourse et de disposer de davantage de marge de manœuvre pour tisser des accords au-delà de l’écosystème Microsoft. Un pari qui est toutefois risqué, puisqu’il incite Microsoft à trouver des alternatives à OpenAI pour mettre l’IA au cœur de son écosystème.  

A tout cela, enfin, viennent s’ajouter les craintes qui subsistent autour d’un éclatement de la bulle de l’IA, que les derniers bons résultats de Nvidia n’ont pas suffi à apaiser, et qui mettrait OpenAI, qui alimente sa folle croissance par un empilement de dette, dans une situation très délicate.