Génération de code : ce que l'IA change vraiment pour les développeurs, les juniors comme les seniors
Comme pour d’autres professions, l’IA impacte fortement le travail des développeurs. Des outils comme GitHub Copilot, Cursor et Amazon Q Developer aident à générer aisément du code. Au point que certains se demandent si le travail de développeur ressemble désormais à celui de nettoyeur de code. Pour en savoir plus, nous avons interrogé des développeurs juniors, des développeurs seniors et les tech leads. Trois profils différemment impactés par l’IA.
Développeurs juniors : "un grand serviteur mais un maître terrible."
Les profils juniors sont particulièrement impactés par la déferlante IA. Celle-ci semble meilleure que de jeunes profils et se rapproche du niveau de senior. Elle peut générer des implémentations de features, effectuer des code reviews automatisés et extraire les informations clés de la documentation technique. Elle coûte aussi moins cher, ne demande pas de formation longue et coûteuse. Même si elle montre souvent les mêmes limites que les développeurs juniors : faux pas, manque de discernement, ou encore erreurs au niveau de la cybersécurité.
De leur côté, les développeurs juniors interrogés sont peu enclins à passer leur temps à nettoyer le code généré par l’IA. De par leurs compétences d’abord. Les vérifications demandent souvent un background solide. Pour Paul Lacoste, développeur junior chez MN Santé : "L’IA a tendance à proposer des solutions compliquées/complexes qui résolvent le problème posé à un instant T. Egalement, les développeurs juniors préfèrent se servir de l’IA comme d’un très bon professeur pour des explications techniques. Par exemple, concernant les demandes d’explication d'outils de code.
En outre, la génération du code par l’IA peut les amener à développer une certaine "fainéantise" selon Thom Costuas, développeur web junior chez Inodia. Ce qui peut être redouté. "Cela amène à déléguer toute la phase de réflexion et de conception à l’IA", analyse Thom Costuas. Celle-ci peut alors devenir, selon l’expression "un grand serviteur mais un maître terrible."
Mais, malgré ces bonnes intentions, les développeurs juniors confient être souvent confrontés à la vérification du code généré. L'utilisation de l'IA par les entreprises étant importante pour créer du code, la phase de contrôle demeure nécessaire. Et cela, même dans des projets "sans logique ou de réflexion dépendant de l'environnement", pour Thom Costuas. La vérification peut également avoir lieu avec le code récupéré. "Les projets sur lesquels j'interviens ou que je reprends ont parfois la trace de l'IA", pointe Thom Costuas. "Des commentaires à rallonge pour expliquer chaque variable ou calcul étouffent le code, le rendant plus lourd à lire ou à faire évoluer. Parfois, les nomenclatures ou simplement la logique de programmation ne rentrent pas dans celle du projet."
Développeurs seniors : l’adaptabilité comme mot clé
Face à l'IA, les compétences des développeurs seniors doivent leur permettre d’intervenir rapidement sur différents types de projets. Notamment ceux d’importance, où l’humain conserve encore sa place. Par exemple, leurs connaissances de React doivent leur permettre de mieux comprendre certains problèmes.
Cela n’est pas sans conséquence sur leur quotidien. Par exemple, chez Amazon, l’IA transforme un travail de réflexion en un travail à la chaîne. Le délai imparti pour coder est drastiquement réduit. Le rôle du développeur est alors davantage de préciser et de corriger le code écrit par l’IA. Fabien Dalla-Valle, software engineer chez Metadot, nous confirme : "La transformation se ressent au niveau de la vitesse. Le code généré par l'IA permet d'écrire des lignes de code plus rapidement qu'avant. Celle-ci change aussi la manière de réfléchir sur des problématiques. Même lorsque l'on connait une solution, l'IA peut trouver d'autres alternatives qui peuvent être intéressantes. Le développement est donc plus rapide mais le contrôle et la vérification prennent plus de temps."
Le développeur senior doit surtout développer son adaptabilité, avec une veille technologique accrue par exemple. Les profils spécialisés ont ainsi le vent en poupe sur des secteurs comme la santé, la finance, la sécurité et l'architecture cloud.
Tech leads : "Si l’IA fluidifie l’exécution, elle ne remplace pas la réflexion."
Les tech leads semblent moins touchés par la vérification de code généré par l’IA. En effet, pour eux, l’IA aide surtout dans la phase de prise de décision. "Elle accélère certaines tâches, surtout celles autour du produit", lance Julie Droin, head of product chez Eskimoz. "On documente plus vite, on synthétise mieux les réunions et les retours utilisateurs, et on peut générer du code pour des fonctions simples." Ainsi, selon elle, l’IA ne change pas vraiment le cœur de métier. "Les fondamentaux restent les mêmes : capacité à structurer sa pensée, à comprendre les contraintes techniques, et à garder un esprit critique. Sur des décisions complexes, du cadrage produit ou de l’architecture logicielle, l’expertise humaine reste centrale. Si l’IA fluidifie l’exécution, elle ne remplace pas la réflexion."
Pour autant, la vérification de code généré peut avoir lieu, et être là aussi relativement chronophage. "Parfois je passe plus de temps à corriger ou à revoir ce que l’IA a produit qu’à coder directement", déplore Youssef Messaoud, tech lead chez Smile. "Le contrôle reste indispensable : l’IA va vite, mais elle peut aussi faire des erreurs très subtiles. Mais avec l’habitude et de bons prompts, cela s’améliore."
Le travail en amont, plutôt qu’en aval, lors de la vérification, est souligné par Julie Droin. Selon elle, pour que l’IA soit réellement utile, elle doit être pilotée correctement. Cela demande un vrai effort intellectuel en amont. "Bien promptée, l’IA devient un outil puissant. Mal promptée, elle produit du bruit. Construire une demande claire, poser des contraintes, fournir du contexte, reformuler plusieurs fois : tout cela suppose une capacité de structuration que tout le monde n’a pas. L’IA valorise les personnes qui savent penser clairement et expose immédiatement celles qui ne maîtrisent pas cette compétence. Ce n’est pas un bouton magique."