ETI : Convertir son mode de gouvernance en un puissant levier d'acculturation digitale

Apax Partners et EY, avec le soutien du METI et sous le parrainage de Gilles Babinet, ont récemment publié la cinquième édition du Baromètre Digital des ETI. Cette étude révèle que bien que la part d'ETI ayant déjà engagé leur transformation digitale continue d'augmenter, le chemin à parcourir est encore long.

Doit on se réjouir ou s'inquiéter des éléments qui ressortent de ce baromètre? Si la notion de transformation digitale n'est pas nouvelle -on peut raisonnablement lui donner une dizaine d'année - elle reste largement une route ardue, pleine de surprises et pas systématiquement couronnée de succès pour les entreprises qui la pratiquent. Néanmoins dans les éléments positifs on peut observer le fait que les grands thèmes sont acquis : l'impact de l'intelligence artificielle, du cloud, des risques de cybersécurité... ne sont plus esquivés par une part importante des entreprises comme c'était le cas il n'y a encore quelques années. 

Il n'en reste pas moins que les progrès pourraient être plus marqués ; ce qui frappe avant tout ce sont les enjeux de culture pour lesquels les entreprises semblent avoir les plus grandes difficultés à passer d'un mode traditionnel à des règles où l'agilité, le mode projet deviennent la norme au delà d'un groupe restreint d'acteurs -privilégiés, généralement situé au sein de l'équipe digitale. De même si l'enjeu de la transformation digitale est bien monté au niveau du comex, l'acculturation de celui-ci reste une préoccupation, tant il est désormais démontré qu'une entreprise ne change réellement de posture qu'à partir du moment où ses instances dirigeantes se sont fait une conviction pour ainsi dire unanime à cet égard. 

Est-ce un constat trop sévère et, peut on l'appuyer sur des données comparatives plus larges? Oui ; nos travaux sont en effet en tous points conformes avec les analyses de la Commission européenne publiées fin novembre à ce sujet. Le Digital Economic and Social Index (DESI 2021) montre également que les entreprises françaises sont sensiblement en retard sur la pénétration du Cloud (21% en France contre 26% en EU), de l'utilisation de l'intelligence artificielle (19% en France contre 25% dans l'EU). La France n'y faisant mieux que dans le traitement des big data et dans les échanges de données (utilisation des API). Une fois n'est pas coutume, le DESI 2021 souligne que ce sont les politiques publiques et l'Etat qui sont en avance sur les entreprises françaises sur ce sujet ; en tant que telle, la transformation digitale des entreprises place la France à la 19ème place sur 27, sensiblement en dessous de la moyenne européenne. 

Mais si l'on souhaite aller au-delà de la critique, quelles sont les raisons qui peuvent prévaloir à cette situation ? Pour répondre à cela, l'on peut s'appuyer sur les travaux récents que nous avons effectué à l'Institut Montaigne et publié dans le rapport "Innovation Françaises, nos incroyables talents" (Oct 2021). Nous y montrons clairement que l'absence d'effet de filière est assez préjudiciable à la France. Les pays qui réussissent le mieux dans la transformation digitale réussissent généralement à mettre sous la même bannière d'une activité commune (la machine outil, les films et tissés techniques, ou les équipements médicaux par exemple), ainsi qu'un nombre significatif d'ETI, de startups et quelques ensembles universitaires. Le faible degré de spécialisation en France limite l'opportunité de ce type d'approche, tandis que la contribution des systèmes d'enseignement supérieur reste à un niveau inférieur de ce que l'on observe dans les pays les plus avancés.

Néanmoins, il y a matière à espérer ; le retour en grâce de l'industrie, la mise en place d'initiatives fortes en matière d'industrie 4.0 et d'intelligence artificielle, la volonté -nouvelle- de protéger les ETI sont autant de facteurs qui permettent d'envisager une accélération prochaine de la transformation digitale des entreprises françaises.