Bernadette Nixon (Algolia) "Algolia est plus à l'écoute de la communauté des start-up IA parisiennes que de la Silicon Valley"
La plateforme SaaS de search Algolia se veut la solution la plus avancée du marché pour l'e-commerce. La CEO de la licorne, Bernadette Nixon, détaille au JDN les dernières évolutions de sa technologie d'IA.
JDN. L'IA générative est-elle désormais un impératif pour la recherche sur les sites e-commerce ?

Bernadette Nixon. Il est important de comprendre que le comportement du consommateur change, et la technologie de recherche doit évoluer pour s'y adapter. Nous avons mené une enquête au Royaume-Uni auprès de 2 000 personnes (millenials et gen Z) au cours des deux dernières semaines. Le type de recherche que ces utilisateurs effectuent n'est pas un mot-clé, mais plutôt "je veux une mode de type Y2K" ou "clean girl aesthetic". L'enquête a révélé que le manque à gagner pour les sites s'élevait à environ 1,7 milliard de livres sterling. Or, avec le search par IA, le client n'est plus obligé de rechercher des mots clés. Il peut poser une question au moteur de recherche comme il le ferait avec ChatGPT : "je veux une tenue pour un mariage en juillet à Marseille" par exemple.
Quelle est la force du moteur de recherche d'Algolia sur un marché où les fournisseurs d'expériences augmentées par IA générative se multiplient depuis deux ans ?
En mai 2023, nous avons lancé notre produit AI Search. Ce nouveau moteur était unique. Nous étions les premiers sur le marché à combiner la recherche par mot-clé, qui vous permet de rechercher "une blouse rose", avec la recherche par IA basée sur des vecteurs et des LLM qui permettent de poser des questions. La beauté de la chose est que le mot-clé est très utile pour les recherches de tête, les recherches par catégorie, mais que l'IA générative est particulièrement performante pour la long tail. Généralement, les marchands n'ont pas assez d'argent à dépenser pour associer leurs produits long tail, de fond de catalogue, avec les requêtes des consommateurs. Mais aujourd'hui, les algorithmes d'IA dans le search peuvent analyser le comportement et les préférences des utilisateurs pour leur recommander des produits de niche qu'ils ne découvriraient peut-être pas autrement. Pour optimiser la personnalisation, notre moteur de recherche analyse de grands volumes de données pour mieux comprendre les préférences et les comportements des clients. L'IA étudie les commentaires et les avis clients afin d'associer un sentiment à un produit. C'est très puissant.
"Nous disposons de 36 autres LLM que nous intégrerons au cours des prochains mois"
Pouvez-vous détailler la technologie sur laquelle repose vos moteurs de recherche ?
Depuis le premier jour, nous sommes maîtres de l'ensemble de notre propriété intellectuelle. Lorsque nous avons commencé, les autres moteurs de recherche de l'époque étaient basés sur l'algorithme Lucene, mais ce n'était pas notre cas. Nous avons conçu toute notre propriété intellectuelle à partir de zéro, et nous faisons de même aujourd'hui avec la recherche par IA. Nous disposons d'une multitude de LLM que nous utilisons dans notre produit de recherche vectorielle pour la compréhension sémantique. Dans nos laboratoires, nous disposons actuellement de 36 autres LLM que nous avons testés et que nous intégrerons au cours des prochains mois. Avec plus de 200 ingénieurs, Algolia a une très forte capacité d'innovation.
Après avoir accédé au rang de licorne en 2021, à quel stade de développement se trouve Algolia aujourd'hui ?
Je vais vous donner une statistique qui, à mon avis, illustre bien cette question. Lorsque j'ai pris mes fonctions en mai 2020, nous avions environ 8 300 clients. Aujourd'hui, nous en avons 17 000 et presque 2 000 milliards de requêtes utilisateurs sur notre plateforme chaque année. Disons que nous connaissons une très belle croissance.
Quels sont vos principaux chantiers concernant le search pour l'e-commerce ?
Pour nos clients retail, il y a trois piliers. Le premier est notre moteur de recherche par IA afin de s'assurer que nous sommes toujours à l'avant-garde dans ce domaine. Les 36 modèles supplémentaires, serviront à augmenter les performances du moteur. Le deuxième pilier concerne le merchandising. Il faut que les marchands aient les outils et l'interface adaptés chez Algolia pour que les équipes merchandising puissent être autonomes. Et le troisième pilier est l'expérience d'achat augmentée par IA générative. Pour cela, nous commençons à sortir, petit à petit, des outils de guides d'achat, de comparaison de produits, des résumés d'avis… Une suite de solutions dans le domaine de l'IA générative devrait très vite être disponible.
Beaucoup d'e-commerçants ont commencé par proposer des chatbots enrichis à l'IA générative. Est-ce le bon cas d'usage pour intégrer l'IA générative à sa technologie de search selon vous ?
Nous avons récemment mené une étude auprès de consommateurs et d'e-commerçants. Et en effet, nous nous attendions à ce que le commerce conversationnel soit le cas d'usage numéro 1 de l'IA générative. Mais non, il s'est avéré que le premier cas d'usage est le guide d'achat. Il représente un travail considérable pour les équipes marketing et merchandising. Les marchands veulent que l'IA générative aide à la création de ce type de contenu. De plus, les contenus générés peuvent ensuite alimenter une interaction conversationnelle avec des données beaucoup plus riches qu'une simple liste de produits dans un catalogue. Si certains pensent que le commerce conversationnel consiste à mettre à disposition des listes de produits ou à avoir une simple conversation, ils se trompent.
Alors que votre développement s'est principalement fait aux Etats-Unis, quel est l'ancrage d'Algolia aujourd'hui en France, sa terre natale ?
Au dernier trimestre, les ventes aux Etats-Unis et en Europe étaient comparables. Nous avons constaté, au cours des deux derniers trimestres, une augmentation des ventes en Europe, la France étant un marché clé pour nous. Depuis mon arrivée en 2020, nous avons presque triplé notre équipe dans l'Hexagone. Il y a des sociétés d'IA très dynamiques en France. Cela ne veut pas dire qu'il n'y en a pas ailleurs, mais nous sommes probablement plus à l'écoute de Paris et de sa communauté de start-up que de la Silicon Valley.