UiPath, la licorne qui impose sa marque dans le Robotic process automation

UiPath, la licorne qui impose sa marque dans le Robotic process automation Valorisée trois milliards de dollars, la star de l'automatisation de processus connaît une croissance exceptionnelle. Présente en France depuis 2017, elle entend démocratiser le RPA.

Rarement une société hightech n'aura connu une telle croissance. Leader sur le marché de l'automatisation de processus, UiPath a vécu une année 2018 folle. En mars, la société devenait officiellement une licorne. Le tour de table de 153 millions de dollars alors bouclé la valorise 1,1 milliard de dollars. Rebelote, cinq mois plus tard, UiPath lève cette fois 225 millions de dollars. Entretemps, sa valorisation a presque triplé pour atteindre 3 milliards de dollars.

Entre le début et la fin de l'année, l'effectif d'UiPath est passé de 600 à plus de 2 000 collaborateurs dans le monde. La société fondée par des entrepreneurs roumains en 2005 et dont le siège social est aujourd'hui basé à New-York, multiplie les implantations. L'éditeur en compte cinq aux Etats-Unis auxquelles s'ajoutent des bureaux à Londres, Tokyo, Singapour et Bangalore. Une filiale française est créée en 2017, suivront la Suisse et la Belgique.

Cette croissance exponentielle tient en trois lettres : RPA pour Robotic process automation. L'objectif de cette technologie ? Eliminer les tâches chronophages et répétitives en automatisant les processus métier et/ou transverses. Concrètement, un robot va, par exemple, reproduire les actions d'un salarié qui chaque jour se connecte sur le même site web pour en extraire des données, les copier-coller dans un tableur puis envoyer le fichier une fois rempli par mail. Pour cela, le bot interopère avec les différents systèmes informatiques nécessaires, avec à la clé une supervision humaine (mode assisté) ou un mode 100% automatique (non assisté).

"Pour certains process, on passe de quinze jours à une demi-journée"

"L'objectif du RPA est de dégager du temps de travail intelligent et créatif", souligne Eric Adrian, directeur général d'UiPath pour la France, la Suisse et le Benelux. "On estime que 25 à 30% du temps d'un employé est occupé par des tâches périphériques. C'est donc une source importante de productivité, surtout en France où le temps homme est cher. Pour certains process, on passe de quinze jours à une demi-journée." Un argument qui ne laisse pas insensible les entreprises. Selon Forrester, le marché du RPA passera de 250 millions de dollars en 2016 à 2,9 milliards en 2021.

En France où UiPath emploie une quarantaine de collaborateurs, le Crédit Agricole et la BPCE font partie de ses références aux côtés d'autres grands groupes français, parmi lesquels LCL, la SNCF, EDF ou encore AccorHotels.

"Répondant à des cas d'usage infinis, le RPA concerne tous les secteurs d'activité et notamment les transports, l'énergie et la pharmacie", observe Eric Adrian. Il peut, entre autres, servir au rapprochement de factures ou à gérer le fameux Know your customer (KYC), un processus de vérification de l'identité client utilisé principalement par les banques afin de lutter contre l'usurpation d'identité et le blanchiment d'argent.

Reproduire les actions d'un employé

UiPath propose deux types de robots. Des robots orientés back-office en mode "stand alone" qui fonctionnent en toile de fonds d'une part. Des robots orientés front-office directement installés sur le poste de travail de l'utilisateur d'autre part. Pour créer ces bots, "nous n'avons pas voulu reproduire la complexité des macros sous Excel", insiste Eric Adrian. L'éditeur propose un environnement graphique (baptisé Studio) permettant d'assembler des processus par glisser-déposer.

L'utilisateur peut aussi laisser la solution enregistrer ce qu'il fait à l'écran. Le robot reproduisant ensuite l'enchaînement des actions réalisées. "Généralement, c'est un comité composé de profils IT et de business analysts qui décide de l'éligibilité des process au RPA", complète Eric Adrian.

Eric Adrian est directeur général d'UiPath pour la France, la Suisse et le Bénélux. © UiPath

Chez certains clients, de véritables usines de digitalisation des processus ont été créées. Et dans ces usines à process, c'est l'orchestrateur d'UiPath qui sert de tour de contrôle, dimensionnant et hiérarchisant les files d'attente, provisionnant les robots et équilibrant les charges en fonction du niveau d'activité. Pour le reporting, UiPath fait appel à ElasticSearch pour archiver l'historique des journaux d'exécution et Kibana pour concevoir les tableaux de bord. Pour élargir son spectre fonctionnel, UiPath a noué des partenariats avec plusieurs éditeurs tiers, notamment avec le français Bonitasoft, spécialisé dans le business process management (BPM), BPM et RPA étant complémentaires, l'un intervenant en amont, l'autre en aval.

Côté intelligence artificielle, la plateforme d'UiPath tire profit via ses APIs d'un grand nombre de services cognitifs comme la reconnaissance optique de caractères (OCR) de Microsoft ou encore des fonctionnalités d'IA d'IBM Watson. "Il y a plus de 400 activités précablées et prépackagées disponibles dans UiPath", estime Eric Adrian. En vision par ordinateur, qui permet l'analyse de ce que fait l'utilisateur à l'écran, nous avons un taux d'erreur infime. C'est un avantage concurrentiel." Sur sa feuille de route, UiPath prévoit de se renforcer encore sur ce terrain du cognitif en allant au-delà du seul process, pour, par exemple, réaliser de l'analyse de sentiment.

En termes de sécurité et d'intégrité des données, UiPath rappelle que sa plateforme s'installe en local (en mode on-premise). Les données restent ainsi hébergées chez ses clients. Les racines européennes de la société sont aussi, d'après Eric Adrian, un critère décisif de sélection chez certaines entreprises.

Une communauté de 250 000 développeurs

UiPath s'est aussi donné pour vocation de démocratiser le RPA. Il a créé, en 2017, un programme (l'Académie) proposant des formations en ligne gratuites et en français. Dans la même logique, l'éditeur a lancé Go!, un "process store" en octobre 2018. Sur cette place de marché, clients et partenaires accèdent à une bibliothèque de cas d'usage et de composants. Leur réutilisation est gratuite ou payante laissant la possibilité aux créateurs de monétiser leurs modules, sachant qu'UiPath revendique une communauté de plus de 250 000 développeurs. Une entreprise peut aussi créer sa propre market place interne dans l'outil pour échanger des services entre départements ou filiales. Pour compléter l'édifice, l'entreprise californienne a inauguré en janvier 2018 une plateforme collaborative. Baptisée UiPath Connect, elle se présente comme un réseau social visant à faciliter le partage de connaissances et la collaboration au sein de l'écosystème des développeurs d'UiPath, via des forums, des espaces de gestion de projet...

Quant au modèle de facturation de l'éditeur, il est basé sur une souscription annuelle pour le studio ou l'orchestrateur. A cela s'ajoute un prix calculé en fonction du nombre de robots en activité. UiPath commercialise ses solutions en direct et par le biais d'un réseau de partenaires constitué d'ESN, parmi lesquelles Capgemini, EY, Accenture ou encore Atos, et des cabinets spécialisés dans les RH, la finance ou la supply chain.

Forrester estime qu'UiPath est l'une des plateformes de RPA les plus puissantes et que son succès dépendra notamment de sa façon de gérer sa croissance. © Forrester

Dans une étude parue fin juin 2018, Forrester estime qu'UiPath possède l'une des plateformes de RPA les plus puissantes du marché et que son succès dépendra, entre autres, de sa façon de gérer sa croissance. Le cabinet le classe parmi les leaders du segment aux côtés Blue Prism et Automation Anywhere. Sachant que ces deux derniers ont adopté des positionnements différents. Le premier s'est spécialisé dans l'automatisation des processus back-office, qui constitue 80% de son activité, avec un focus sur le marché bancaires et financier, représentant 33% de son chiffre d'affaires. Quant au second, c'est l'une des rares sociétés cotées présente sur ce créneau. Seul fournisseur du panel de Forrester à utiliser un tiers de confiance, il est plébiscité par les services financiers en matière d'audit ou de lutte contre la fraude et le blanchiment d'argent.

Aux yeux d'Eric Adrian, le rachat de Contextor par SAP tient du non-événement . "C'est un acteur franco-français qui n'a pas la même envergure", analyse le porte-parole. Selon une note du Gartner publiée en décembre 2017, le chiffre d'affaires de Contextor s'élevait alors à 3,6 millions d'euros tandis qu'UiPath revendique, lui, cent millions de dollars de revenus annuels récurrents.