Le label Snafu Records mise sur l'IA pour dénicher les stars de demain

Le label Snafu Records mise sur l'IA pour dénicher les stars de demain La start-up suédoise a développé sa propre technologie de machine learning pour détecter sur Internet les chanteurs anonymes à fort potentiel. Avec succès jusque-là.

Fondé en mars 2018 à Stockholm, Snafu Records est un label de musique indépendant pas tout à fait comme les autres. Misant à 100% sur Internet côté distribution, il s'adosse à une IA pour repérer de futures potentielles stars. "Nous sommes un label d'enregistrement du 21e siècle qui utilise les technologies du 21e siècle" résume Ankit Desai, fondateur et CEO de Snafu Records. Lancé officiellement début février, Snafu Records compte déjà 20 artistes en portefeuille. Parmi eux, on relève la chanteuse de jazz costaricaine Mishcatt, dont le morceau Fades Away a été écouté 5 millions de fois au cours des cinq semaines suivant sa sortie, ou encore le duo pop américain Joan qui a passé la barre 55 millions de streams.

Ankit Desai, fondateur et CEO Snafu Records (à droite), avec Carl Falk, directeur de la création du label. © Snafu Records

Libéré des contraintes de temps liées à la lecture "manuelle" de chansons, Snafu Records, qui se limite pour l'heure à 20 salariés, peut ratisser large. Chaque semaine, son IA passe au crible entre 170 000 et 190 000 morceaux sur des plateformes comme Soundcloud, Spotify ou Youtube, et sélectionne 200 à 500 d'entre eux. "5 millions de chansons sont diffusées chaque année sur le web. C'est impossible de tout écouter même si vous déployez des milliers de personnes. L'intelligence artificielle résout l'équation", explique Ankit Desai.

L'IA de la start-up est bien huilée. Via des algorithmes d'apprentissage orientés séries temporelles, elle estime d'abord la vélocité avec laquelle les morceaux pourraient croître en termes d'audience en se basant sur leur historique (nombre d'écoutes, de lives...), puis en déduit leur potentiel de revenus. Des modèles d'analyse de sentiment entrent ensuite dans la danse pour évaluer le niveau d'engagement des internautes vis-à-vis des chansons. Enfin, l'IA décortique les structures musicales et les compare à celles des 200 morceaux les plus populaires sur Spotify.

Un bureau à Los Angeles

"En nous basant sur ces critères, nous sommes capables d'identifier par exemple une chanteuse colombienne inconnue que le monde rêve d'entendre, et que nous pourrons faire émerger. Sachant évidemment que certains événements, typiquement un passage à la télévision, pourront accélérer la croissance estimée au départ", reconnait Ankit Desai. Pour l'heure, Snafu Records s'adosse principalement à des modèles de machine learning statistiques, type régression et machine à vecteur de support. Mais la société fait également appel à des réseaux de neurones (ou deep learning), notamment pour l'analyse de sentiment.

Avec pour ambition de jouer dans la cour des grands, la société suédoise a ouvert son premier bureau à l'étranger à Los Angeles. Pour financer sa croissance, elle a bouclé deux tours de table totalisant 3 millions de dollars. Elle peut aussi compter sur son directeur créatif Carl Falk, célèbre producteur musical et auteur de chansons suédois, qui a écrit pour Madonna, Nicki Minaj ou encore le boys band One Direction. A l'instar d'un label traditionnel, Snafu Records se rémunère en prenant une marge sur les revenus tirés des ventes.

"La musique étant une forme de communication universelle, nos algorithmes sont agnostiques en termes de langages"

La société se dit être le premier label à avoir mis l'IA au cœur son activité. Il existe certes d'autres start-up développant des technologies d'IA équivalente, telles Instrumenal ou Chartmetric. Mais il s'agit d'éditeurs de solutions et non de label.

"Pour le moment, nos algorithmes fonctionnent mieux en termes de détection de talents qu'en termes de prévisions de ventes car le calcul dépend d'un nombre de facteurs nettement plus important. Mais nos modèles apprennent en permanence et nous avons déjà deux artistes (cités plus haut, ndlr)  sur une vingtaine qui ont atteint une stature internationale en l'espace de 12 mois", argue Ankit Desai. "Sachant que le taux de réussite des grands labels s'élève à 5,7%, force est de constater que notre approche orientée data est nettement plus efficace."

Prévoir le prochain tube

La priorité de Snafu Records en termes de R&D ? "Nous cherchons désormais à prévoir qu'une chanson va devenir un tube avant même qu'elle n'ait été diffusée, sans avoir à analyser la manière dont elle est consommée ou accueillie sur le web, en nous basant uniquement sur l'historique de l'artiste et la structure du morceau", confie Ankit Desai. Pour relever ce défi, la jeune pousse mise sur le deep learning.

Autre chantier évoqué : le développement à l'international. "La musique étant une forme de communication universelle, nos algorithmes sont agnostiques en termes de langage. Ils peuvent donc détecter des talents quel que soit le pays", précise Ankit Desai. "Reste que la décision finale implique de maîtriser la culture locale."

D'origine européenne et implantée aux Etats-Unis, Snafu Records couvre déjà les cultures anglo-saxonnes et de plusieurs pays européens, dont la Suède mais aussi la France où son CEO a vécu plusieurs années. Sur cette base, la société entend doubler le nombre de ses contrats d'ici la fin de l'année, pour passer à 40 artistes.