Jim Goodnight (SAS) "SAS entre en bourse car le marché nous y oblige"

L'emblématique cofondateur et CEO du leader indépendant des logiciels de statistique, d'IA et de data management, a accordé un entretien au JDN.

JDN. Comment SAS a-t-il passé la crise en termes business ?

Jim Goodnight est CEO et cofondateur de SAS Institute, le plus important éditeur indépendant dans le data management, l'analytics et l'IA. © SAS

Jim Goodnight. Nous comptons de nombreux clients dans le secteur hospitalier qui ont été confrontés à des problématiques de planification de lits et d'activité en vue d'encaisser au mieux l'explosion du nombre de patients. Nos équipes ont beaucoup travaillé sur le sujet. Notre offre a également répondu au défi de la traçabilité des cas contacts pour certaines organisations, mais aussi à celui des contrôles cliniques et de l'utilisation de médicaments.

Vous avez annoncé votre intention d'entrée en bourse d'ici 2024 et avez amorcé le chantier de mis en conformité nécessaire à cette opération. Pourquoi cette décision ?

SAS entre en bourse car le marché nous y oblige. Nous sommes confrontés à une concurrence de plus en plus forte de la part des entreprises de la place qui entrent massivement en bourse. Ce qui contribue à brasser énormément d'argent. 

Nous enregistrons un turn-over de 9% depuis début 2021, et nous anticipons un taux équivalent sur l'ensemble de l'année. Il est vrai que d'autres acteurs du secteur enregistrent des turn-over nettement plus importants. Mais pour continuer à fidéliser nos salariés, nous ne devons plus seulement augmenter les rémunérations, mais aussi proposer une participation au capital.

Qu'en est-il de votre stratégie dans le cloud ?

Nous réalisons 37% de notre chiffre d'affaires dans ce domaine. Nous avons signé un partenariat important avec Microsoft. Mais notre plateforme tourne également sur AWS et Google Cloud, ainsi que sur la plateforme Red Hat OpenShift.

Considérez-vous le cloud comme votre principale source de croissance potentielle pour les années à venir ?

Le cloud est l'un de nos principaux domaines de croissance. Parmi les autres sources, nous comptons Viya, notre plateforme de calcul massivement parallèle. Elle bénéficie d'une architecture containérisée qui lui permet de tourner sur n'importe quel cloud. Ensuite viennent des solutions verticales. C'est le cas de notre solution de gestion des risques, très utilisée par le secteur bancaire, notre solution de gestion d'enquêtes d'investigation à destination de la police, ou encore notre offre anti-blanchiment.

Quels sont les nouveaux besoins que vous observez dans l'IA en 2021 ?

"Nous intégrons du deep learning. Et pas seulement comme technique de modélisation"

Les modèles, notamment prédictifs, sont de plus en plus nombreux à faire appel au machine learning, aux réseaux de neurones et autres techniques d'IA. A des degrés divers, ils sont portables par les modèles historiques que nous utilisons. Aux côtés de la modélisation, l'IA se développe surtout dans la vision par ordinateur, ainsi que le traitement automatique du langage avec le speech-to-texte, le text-to-speech et la traduction automatique.

Intégrez-vous du deep learning à votre offre ?

C'est une technologie que nous intégrons. Et pas seulement comme technique de modélisation. Nous y recourons aussi pour automatiser la data préparation. Elle nous permet notamment d'identifier les data sets, les valeurs qui y sont rattachées, les potentielles données personnelles qu'ils peuvent contenir.

Suite aux phases de confinement, comptez-vous faire évoluer votre politique de télétravail à plus long terme ?

Les enquêtes que nous avons réalisées montrent que presque tous nos salariés sont favorables au modèle hybride, combinant travail à la maison et au bureau. La plupart souhaite télétravailler le lundi et le vendredi. Partant de là, nous n'avons pas le choix. Chaque manager coordonne le dispositif pour faire en sorte que son équipe se retrouve au bureau les mêmes jours.

En France, le débat sur le passage à quatre jours de travail par semaine a été relancé. Certaines entreprises du digital, comme LDLC, ont franchi le pas sans réduire les salaires, ce qui s'est traduit par une augmentation de la productivité. Qu'en pensez-vous ?

En France, vous avez adopté les 35 heures depuis des années. C'est très intéressant. Aux Etats-Unis, certains personnels de soin peuvent travailler quatre jours par semaine, mais avec des amplitudes horaires de 10 heures. Si vous obtenez une bonne croissance de chiffre d'affaires et une bonne productivité et que vous pouvez conserver ces résultats en travaillant quatre jour par semaine, c'est très bien.

"C'est difficile de tester le passage à quatre jours de travail par semaine quand les équipes ne sont au bureau que trois jours"

Comme je l'ai dit précédemment, nous expérimentons pour le moment deux jours par semaine en télétravail. Du coup, c'est difficile de tester le passage à quatre jours de travail par semaine quand les équipes ne sont au bureau que trois jours. Nous allons attendre de voir.

La plupart des équipes tiennent au travail sur site. Certaines personnes en revanche souhaitent travailler à domicile en permanence. C'est quelque chose que nous permettons. Mais nous devons nous assurer qu'elles restent productives. Ce qui implique évidemment de nouveaux modes de pilotage pour nos managers.

Quelles sont vos prévisions de résultat pour cette année ?

Nous tablons sur une croissance de 8% dans le monde cette année (ce qui se traduirait par un chiffre d'affaires de 3,24 milliards de dollars, ndlr).

Jim Goodnight est CEO et cofondateur de SAS Institute, le plus important éditeur indépendant dans le data management, l'analytics et l'IA. Créé en 1976, le groupe compte plus de 12 500 salariés dans environ 50 pays. Il revendique 82 000 sites d'entreprises, d'administrations ou d'universités utilisant sa technologie. Jim Goodnight s'est toujours attaché à soigner le cadre de travail de ses salariés. Très tôt, il introduit dans son entreprise la restauration gratuite et un service de garde d'enfants. Les sièges des filiales internationales du groupe sont le plus souvent installés dans des châteaux, comme c'est le cas en France. SAS Institute s'est hissé pendant des années en tête du Fortune 100 des entreprises où il fait bon travailler et du classement Great Place to Work. La société est d'ailleurs toujours en première position de ce dernier en Europe.