L'Europe, terre promise d'une IA respectueuse ?

Comme tout phénomène émergent, l'IA s'est développée sans grands principes d'éthique et d'utilisation préalable, si ce n'est les règles que les entreprises se sont auto-appliquées et qui ne suffisent pas. La confiance en l'IA est pourtant essentielle pour stimuler ses usages et encourager le développement de nouveaux projets.

Les acteurs européens sont aux avant-postes en développant des IA différentes des modèles américains ou asiatiques, mais tout reste à faire pour que les règles de fait deviennent des règles de droit. L’enjeu de l’IA de confiance, qui respecte et défend certaines valeurs, peut positionner la France et l’Europe au centre de l’échiquier mondial.

L’IA doit apprendre à se faire accepter

Les utilisateurs sont, à juste titre, extrêmement méfiants quant à la gestion de leurs données et la façon dont les algorithmes opèrent, parfois jugés déshumanisants. Il suffit de voir les débats autour de ceux de Parcoursup pour comprendre que l’opacité des intelligences artificielles est l’un des principaux freins à son adoption pleine et entière. Or ce sont les projets dans lesquels les utilisateurs sont les plus engagés qui sont les plus impactants.

L’IA doit dès lors mériter la confiance de ses utilisateurs, d’autant que ces derniers ne savent pas toujours qu’ils sont impactés de près ou de loin par un algorithme. La pédagogie et la transparence seront sans aucun doute les piliers de l’établissement progressif mais fort de ce lien de confiance. Entreprises, leaders politiques et professionnels du secteur doivent tous participer à l’apprentissage du grand public si nous voulons voir l’IA se développer sainement. 

La Finlande est particulièrement à la pointe et doit nous servir de modèle. Pour répondre à l’enjeu d’acculturation dans l’ensemble de la société, le gouvernement finlandais s’était en 2018 lancé le défi de former 1 % des citoyens européens aux bases de l'intelligence artificielle via un cours en ligne gratuit. Sa capitale Helsinki a été en 2020 l’une des premières villes avec Amsterdam à proposer à leurs citoyens un registre ouvert et transparent des algorithmes utilisés, pour que chacun puisse comprendre comment fonctionnent les IA qui interviennent au quotidien. Compréhensible et au service du confort quotidien, l’IA finlandaise gagne en crédibilité sans limiter sa performance. Un cercle vertueux que nous devons nous efforcer de promouvoir et développer.

Protéger l’humain mais stimuler l’innovation

Volontaire et consciente des enjeux, la Commission européenne a proposé le premier cadre juridique sur l’IA en termes d’éthique et de sécurité, pour en finir avec les craintes liées à son opacité et son manque d’explicabilité. C’est une excellente nouvelle pour les particuliers et les organisations, qui doivent se préparer à leur mise en conformité de façon fluide et sans douleur, contrairement à ce que nous avons tous vécu avec l’exercice imposé du déploiement de la règlementation du RGPD. Ce texte n’est qu’un début puisque la Commission souhaite encadrer la conception et l’utilisation de l’intelligence artificielle dans des cas d’usage sensibles en posant notamment des exigences d’intelligibilité, de transparence, de non-discrimination, ou de robustesse.

L’approche de la Commission est intéressante car au-delà de la protection des données personnelles elle stimule l’innovation technologique à l’échelle européenne, une proposition différenciante capable d’amplifier et de massifier les projets et usages de cette IA de confiance. Mais une volonté imposée par le haut n’est pas en soit un facteur d’adoption généralisée, ni un facteur de réussite. Si elle n’est abordée que comme une formalité administrative, elle perdra tout son sens. Mais si elle amène les entreprises à gagner en maturité sur l’IA, elle sera un élément différenciant de grande valeur au bénéfice de tous.

L’Europe doit continuer à œuvrer pour devenir le lieu de naissance et de développement d'une IA à la fois éthique et au service de tous, puis en profiter pour démontrer que nos entreprises sont les meilleures dans ce domaine. Elle se dotera ainsi des armes nécessaires pour relever les prochains grands défis de l’IA, dont celui d’une plus grande frugalité énergétique.