Comment les acteurs du Cac 40 bâtissent leur AI factory

Comment les acteurs du Cac 40 bâtissent leur AI factory Affichant des degrés de maturité divers, les plus grandes entreprises françaises ont pris conscience de l'importance d'industrialiser le développement de modèles de machine learning au niveau de l'ensemble de leur organisation.

Les groupes du Cac 40 sont désormais  conscients de l'importance d'industrialiser et mutualiser leurs efforts en matière d'intelligence artificielle au travers d'une AI factory transverse. Certains ont déjà commencé à ériger une telle infrastructure. A commencer par Schneider Electric ou Michelin par exemple. "La plupart l'ont l'implémentée dans un secteur mature et autonome, mais peinent encore à l'étendre à d'autres entités", constate Kevin Duval, architecte et expert du centre d'excellence en IA et data de Capgemini.

Nathalie Costa, lead of business analysis chez Ysance (groupe Devoteam), précise : "Pour ces groupes, une AI Factory est d'abord et avant tout motivée par un besoin de passer à l'échelle en adressant une plus grande étendue, une plus grande diversité et un plus grand nombre de cas d'usage." Ces factories s'inscrivent d'ailleurs dans des usines data plus larges, souvent adossées à un data lake. Les données de ce dernier venant nourrir les modèles de machine learning, mais aussi alimenter d'autres applications, notamment dans l'analytics et la business intelligence.

Organisation et outillage

"Côté organisation, la culture MLOps instaure une approche collaborative entre les acteurs de l'AI factory qui n'avaient initialement pas l'habitude de travailler ensemble : data scientists, data engineers, responsables de production...", note Kevin Duval. Et Nathalie Costa d'ajouter : "Dès lors qu'un modèle de machine learning est basé sur des données opérationnelles, une chaîne de monitoring, de back-testing et de réentrainement doit être mise en place en impliquant l'ensemble de ces profils. Cette convergence permet d'aboutir à des applications en phase avec les contraintes d'industrialisation."

"La control tower pilotera la gestion de portefeuille de projets d'une point budgétaire et priorisation"

En termes d'outillage, les plateformes d'IA (Azure ML, Databricks, Dataiku, AWS SageMaker…), permettent de mutualiser l'ensemble des briques nécessaires à l'industrialisation : pipeline de transformation de données, feature store, studio de paramétrage et d'entrainement des modèles, model registry, gestion des versions de modèles, mise en production...

La gouvernance

Pour Kevin Duval, la gouvernance de l'AI Factory se décline le plus souvent en quatre couches de pilotage au sein des groupes du Cac 40 :

  • La design authority gère le design technique des projets. Cette équipe valide la volumétrie et les performances attendues, ainsi que le planning des capacités IT et humaines. Et ce de la phase exploratoire du modèle à son déploiement en passant par la preuve de concept visant à valider son développement. "La design authority recommande des bonnes pratiques. Elle impose des standards technologiques et un framework dans l'optique de créer des actifs et architectures de référence réutilisables de projet en projet", explique Kevin Duval.
  • Le demand management gère la priorisation des cas d'usage en fonction de la demande des métiers. Cette équipe estime leur ROI, les compétences qu'ils nécessitent en fonction des compétences existantes, les éventuelles formations nécessaires, et les infrastructures techniques disponibles ou à mettre en place pour les déployer.
  • La data gouvernance est garante d'une donnée de qualité. C'est une brique clé de la data factory car sans données de qualité, exit les modèles de machine learning fiables. Sous l'égide du chief data officer, les data engineers, business analysts et data analysts s'attèlent à la tâche pour livrer les données propres et exploitables. "Ici, on développera une vision de data hub, visant à faciliter le partage des données, avec l'intégration de concept de data catalog, de data lineage, sans oublier le pilotage de leur mise en conformité et de leur sécurité", argue Sébastien Aubriot, manager data foundation chez Devoteam  Innovative Technology.
  • La control tower coordonne, en fonction des sollicitations du demand management, l'allocation des compétences et des ressources IT. Objectif : optimiser les processus opérationnels tout en anticipant les besoins futurs. Cette équipe stratégique sera soit indépendante des trois premières, soit composée de représentants de ces dernières. "Elle pilotera la gestion de portefeuille de projets d'une point budgétaire et priorisation. Elle pourra décider d'inclure une nouvelle plaque géographique ou une nouvelle entité à la data factory", précise Kevin Duval.

Les métiers au cœur du réacteur

En bas de l'échelle, un leader sera nommé par type d'activité : data science, data engineering, data quality... "Ensuite, des squads IA seront définis en fonction de leurs compétences business par directions de l'entreprise. Puis, pour chaque produit d'IA, un product owner, garant de la vision métier, travaillera main dans la main avec un data scientist, et un data steward en charge la qualité de la données", complète Laurent Chata, partner devoteam Digital Impulse chez Devoteam Management Consulting. "La collaboration entre ces différents profils conditionnera la réussite des projets, de la phase de cadrage au développement des modèles en passant par la qualité des données."

Pour que l'IA opérationnelle reste pertinente, elle devra être continuellement améliorée. "Il faut pour cela que les utilisateurs métiers la comprennent, soient capables de détecter ses potentielles dérives et pertes de précision en vue de la reconfigurer ou la réentraîner, voire qu'ils soient en mesure de proposer des évolutions plus profondes", explique Kevin Duval chez Capgemini. Dans un projet de CRM, il pourra s'agir par exemple de glaner des données clients sur les réseaux sociaux. Une évolution qui implique de dessiner le graph relationnel du client et d'y appliquer des modèles de machine learning pour tendre vers une vision prédictive à 360° de ce dernier. "L'AI factory est une entité vivante qui évolue avec les besoins, les demandes des utilisateurs métier qui détectent des opportunités de valeurs, voire de nouveaux marchés sur lesquels se positionner", conclut Kevin Duval.