Cette IA française qui sauve des vies dans l'industrie

Cette IA française qui sauve des vies dans l'industrie La caméra d'Arcure détecte la présence de piétons à proximité des chariots élévateurs, portes conteneurs, chargeuses, pelleteuses... Et ce, sous tous les angles, et y compris dans le cas de personnes accroupies.

Sur les sites industriels, les collisions avec les engins mobiles sont l'une des principales causes d'accident grave. Elles représentent plus de 1 000 accidents chaque année rien qu'en France, selon l'INRS. Les principaux véhicules pointés du doigt : les chariots élévateurs. Aux côtés des chargeuses, pelleteuses… ils représentent le plus gros du marché avec 1 million d'unités vendues chaque année. Des véhicules qui atteignent des vitesses de 25 km/h tout en déplaçant des palettes de plusieurs tonnes. Comment, dans ces conditions, assurer la sécurité du personnel évoluant sur ces sites ? C'est là qu'Arcure entre en scène. Fondée en 2009, cette société française commercialise des caméras équipées d'algorithmes de reconnaissance d'image pour identifier la présence d'individu dans les zones avant ou arrière des engins, y compris dans les angles morts.

Baptisée Blaxtair, la première version de la caméra d'Arcure, lancée en 2011, est conçue à partir d'une technologie initialement mise au point par le CEA pour détecter les piétons à l'avant des véhicules. Dès 2009, le projet donne naissance à un laboratoire de R&D commun visant à aboutir au développement d'un premier produit commercialisable.

Reconnaissance de piétons en 3D

A l'époque, le système ne repose pas encore sur un réseau de neurones. En revanche, il est déjà équipé d'une double caméra pour reconstituer les scènes en 3 dimensions.  "Ce qui le distingue d'autres systèmes industriels de vision par ordinateur, c'est sa capacité à différencier les formes humaines d'autres obstacles et à n'alerter le conducteur qu'en cas de risque de collisions avec une personne. Cela avec une fiabilité très élevée et malgré des conditions d'analyse souvent complexes : terrain accidenté, rupture de continuité des scènes (les engins sont susceptibles de pivoter sur eux-mêmes ou de s'élever rapidement, ndlr), fonctionnement de nuit comme de jour, présence de poussière, etc.", argue-t-on au CEA.

"La sécurité autour des charriots élévateurs représentent 80% de notre chiffre d'affaires"

Depuis, de l'eau a coulé sous les ponts. Arcure a écoulé 15 000 Blaxtairs à travers le monde. En 2021, son chiffre d'affaires se hisse à 10,4 millions d'euros, en hausse de 33%. Près de 70% de son activité est réalisée hors de France. A l'international, l'entreprise concentre ses forces sur les Etats-Unis via une filiale dédiée, mais aussi sur Allemagne et l'Espagne où elle a ouvert des bureaux. Parmi ses pays prioritaires figurent également Hong-Kong, le Japon ou encore l'Australie.

Une caméra fabriquée en France

"La sécurité autour des charriots élévateurs, que ce soit dans les lieux de stockage ou les usines, représente 80% de notre chiffre d'affaires. Sur ce segment, nous ciblons principalement les secteurs automobile, aéronautique, alimentaire, ainsi que l'agriculture et la chimie. Les 20% restant sont centrés sur les engins de construction, les chargeurs, les pelleteuses...", précise Franck Gayraud, CEO et cofondateur d'Arcure. A l'occasion de son entrée en bourse sur Euronext en 2019, l'entreprise a levé 7,9 millions d'euros. A cela est venue s'ajouter une augmentation de capital de 6 millions d'euros réalisée en juin 2022.

Comptant 65 salariés, l'entreprise conserve sa R&D en France. Une activité qui collabore toujours main dans la main avec le CEA sur la mise au point d'algorithmes. Quant à la fabrication de la caméra, elle est sous-traitée à deux usines spécialisées en électronique basées dans l'Hexagone. Au fil des déploiements chez ses clients, Arcure s'est constitué une base d'entrainement comptant des millions d'images de piétons à proximité de véhicules industriels. Et ce dans de multiples environnements (entrepôts, usines, mais aussi chantiers, mines...) avec des tenues et postures diverses, et sous des éclairages multiples.

Le deep learning pour gagner en finesse

Côté R&D, Arcure planche actuellement sur une nouvelle version, baptisée Blaxtair Origin. Sa commercialisation est prévue début 2023. Comme sa petite sœur, la caméra garantira un taux de détection de 99,9% et ne dépassera pas une fausse alarme par jour. Pour l'occasion, l'entreprise passe aux réseaux de neurones. Un saut technologique vers le deep learning qui lui permet d'accroitre nettement ses performances : le champ de détection passera de 90° à 120° et de 7 à 10 mètres de profondeur de champ. Doté d'un hardware optimisé pour l'apprentissage profond, Blaxtair Origin va intégrer par ailleurs l'identification des piétons en position accroupie.

La suite du programme ? Arcure compte étendre Blaxtair Origin à la détection de QR Code. Des tags qui auront pour mission de zoner les usines en vue d'équiper les chariots élévateurs de possibilités de navigation : freinage systématique à certains carrefours, ouverture automatique de porte… L'objectif étant de tendre vers plus de robotisation et des véhicules de plus en plus autonomes. Autres projets évoqués : enrichir le réseau de neurones de Blaxtair de nouveaux classifieurs d'images pour identifier les palettes par exemple, et d'autres chariots élévateurs en vue d'éviter les collisions. De quoi imprimer sa marque dans l'usine 4.0.