L'impact de la donnée sur les métiers de la supply chain

Pour optimiser leur supply chain grâce à la données, les entreprises cherchent de plus en plus à recruter de profils data.

L’écosystème actuel de la supply chain et de la distribution profite d’une dynamique formidable : celle de la digitalisation des entreprises et des échanges. Pour tous les acteurs du secteur, c’est une vraie révolution. Désormais intégrée dans les stratégies et schémas directeurs, cette digitalisation est l’opportunité de soutenir de nouvelles croissances, de mieux satisfaire et fidéliser ses clients.

Mais c’est également l'occasion de se doter de nouvelles compétences et de savoir-faire qui peuvent apporter un regard critique sur le fonctionnement interne. La finalité ? Simplement mieux comprendre et exploiter la richesse présente dans les données que l’entreprise génère et conserve au travers de son activité, et mieux penser son évolution demain. Mais, en fin de compte, quels sont ces métiers qui évoluent grâce à la donnée ? Comment s’adaptent-ils pour en tirer la quintessence et offrir une meilleure performance à leur enseigne ?

En marche vers une révolution digitale

Plus personne ne doute que la révolution digitale - tellement annoncée depuis plusieurs années - ait désormais atteint tous les secteurs d’activité. Oui, c’est un fait avéré ! De l’industrie lourde au monde des services, nombre de modèles et de stratégies ont dernièrement évolué en s’appuyant sur les technologies permettant de digitaliser l’information, pour mieux l’exploiter. De manière visible, tous les pans de l’économie investissent massivement sur l’utilisation de la donnée, et cette tendance est mondiale.

Au-delà des seuls intérêts économiques, cette transformation est aussi une aventure humaine, au sens où les organisations doivent se réinventer pour prendre le virage digital et soutenir la stratégie d’entreprise. Pour illustration, Gartner reporte notamment que 27% des organisations mondiales investiront dans la gouvernance de leurs données au travers de recrutements dédiés en 2017. La France, elle, s’apprête à créer plus de 135 000[1] emplois d’ici 2020 autour du big data. C’est dire si l’économie a compris le défi qu’elle doit relever.

Les secteurs de la distribution et de la supply chain n’échappent pas à cette nouvelle donne. Bien au contraire même, les acteurs de la distribution, quelle que soit leur taille, comprennent de mieux en mieux comment la maîtrise et la compréhension des données générées par leurs activités apportent de réels bénéfices. Définition de la meilleure offre, optimisation de l’approvisionnement, amélioration de la performance, fidélisation du consommateur, sont autant de leviers de croissance soutenus par une analyse pertinente de l’activité sous toutes ses formes. Et, au final, autant de moyens de mieux lire, comprendre, et anticiper l’évolution globale de la supply chain.

Bien sûr, cette transformation est extrêmement excitante, car elle permet de relever de nouveaux challenges ! Mais comment s’illustre-t-elle dans les missions quotidiennes des approvisionneurs, logisticiens, acheteurs, responsables de magasins, vendeurs ?

La ruée vers les profils "data" pour optimiser la supply chain

L’avènement du digital et des technologies de l’information ont offert au secteur de la distribution de formidables opportunités, mais qui peuvent facilement virer au casse-tête si elles ne sont pas pilotées.

Premier constat, la digitalisation des échanges, que ce soit avec les clients, avec les fournisseurs, ou tout simplement entre les différents services des enseignes, permet une communication en temps réel, apportant une réactivité sans précédent dans la prise de décision, ou le suivi de l’activité. Profiter de cette instantanéité est un réel facteur de croissance : accélération de la vente, fidélisation et personnalisation de la relation client, réactivité par rapport à la concurrence… A l’inverse, ne pas se servir de cette opportunité, revient inexorablement à rester un suiveur plutôt qu’un leader.

Second constat, la complexité croissante de la supply chain augmente également les opportunités (ou les ennuis !). Pour de nombreux acteurs, le réseau de fournisseurs se densifie et évolue désormais au gré des besoins et des saisons. Pour d’autres, c’est la logistique qui s’adapte, au cas par cas, à la nature et à la criticité des flux. Et pour tous, ce sont les usages des clients qui évoluent toujours plus vite (click and collect, livraison en quelques heures, ventes privées, expérience personnalisée). Cette complexité croissante est naturellement à l’origine d’une explosion des volumes d’informations produites ou échangées par les enseignes.

Accélération des échanges, augmentation du volume et de la complexité de l’information… Comment s’assurer de correctement appréhender ces évolutions pour prendre les meilleures décisions et, de ce fait, augmenter sa compétitivité en ayant toujours un train d’avance sur les autres ?

Avec de nouvelles missions prépondérantes ouvertes dans toutes les enseignes, la distribution et la supply chain se ruent sur les profils de chief data officers ou encore de master data managers et data scientists pour organiser une meilleure gouvernance et exploitation de leurs données. Rassembler l’information, quelle qu’en soit la source, l’agréger, la sécuriser, la mettre à disposition, et permettre son exploitation de manière transverse, sont les composantes d’une des missions les plus recherchées pour les enseignes.

La vraie évolution qu’apportent ces nouveaux métiers, est bien que la donnée n’est plus considérée uniquement sous son aspect technique, mais bien au travers d’un prisme fonctionnel-métier, avec un objectif de transversalité pour l’ensemble des services de l’enseigne, du marketing à l’approvisionnement en passant par les achats. Ces données deviennent tout simplement le patrimoine commun, l’ADN de l’entreprise, qui s’exprime au travers de ces nouveaux métiers.

Plus précisément, dans la distribution, le chief data officer (CDO) assure la conciliation des données de référentiel, avec celles des ventes et celles des fournisseurs, tout en incluant les données relatives aux clients. Véritable orchestrateur de la stratégie informationnelle, il n’en perd pas moins sa capacité à interpréter, à éprouver la qualité et la cohérence de ses sources, à modéliser des schémas, et à faire parler l’information sous forme de statistiques.

Synthétiquement, le CDO œuvre pour rendre la donnée interopérable à tous les services de l’enseigne, et fait apparaitre à chacun les opportunités masquées : permettre de choisir le meilleur transporteur en fonction d’une vraie analyse qualitative et économique, aider à décider d’une stratégie marketing en fonction de l’estimation du potentiel d’une offre produit, sont deux exemples parmi d’autres, rendus possibles par une gouvernance de données efficace.

Comment exploite-t-on l'information au quotidien pour en récolter les bénéfices ?

Que la gouvernance de la donnée permette son agrégation et sa mise à disposition est une chose, mais l’exploitation de l’information pour transformer l’activité des équipes au quotidien nécessite tout de même quelques efforts supplémentaires. Dernièrement, nous échangions avec l’un de nos prospects, qui nous expliquait avoir accès à une multitude de sources d’informations au sein de son système d’information (référentiel, ventes, activité logistique, données exogènes), mais restait désolé de ne pas trop savoir quoi en faire, et de ne pouvoir analyser finement quelles optimisations peuvent être opérationnellement menées. Alors, comment procéder et vivre au mieux cette digitalisation ?

La principale solution est de se former et, de surcroît, intégrer les talents adéquats pour faire évoluer les missions traditionnelles tout en préservant l’expérience des équipes métiers. Le constat est simple dans les équipes supply chain, une nouvelle mission est apparue ces dernières années : celle d’Analyste supply chain. Son périmètre diffère d’une enseigne à l’autre, ou d’un site de recrutement à l’autre, son nom également : Technicien supply chain, Technicien Logistique, Coordinateur Logistique, parfois même Data Miner… Mais globalement, la définition de ce nouveau métier inclut quasi obligatoirement une composante fortement liée à l’analyse de la donnée liée à l’activité, et à la prise de décisions permettant de garder une performance idéale.

Désormais, ces nouveaux profils gèrent de manière consciente, et à partir des données à leur disposition, des problématiques aussi variées que l’établissement d’indicateurs de performance, l’optimisation de la commande fournisseur, l’analyse qualitative du référentiel produits, la prévention des pénuries et / ou surstocks, ou même la surveillance dynamique de la rotation des produits.

Bien sûr, toutes les enseignes n’investissent pas sur les mêmes problématiques. Là où certains optimisent leur supply chain en se concentrant sur la disponibilité des produits en magasin, d’autres cherchent plutôt à optimiser la réactivité de leur process sur les phases de la production à la livraison. Et nous l’observons bien dans nos tables rondes métiers : l’Analyste supply chain mène des activités très variées d’une enseigne à l’autre. En illustration, on comprend bien évidemment que les enseignes du luxe prennent en compte des spécificités (sur les volumes, sur les prix, sur les modes de production et de transport) qu’on ne retrouvera pas chez un distributeur alimentaire, et inversement.

Attention cependant ! Car globalement, la mission de l’Analyste supply chain évolue à très grande vitesse en raison de l’évolution des technologies disponibles. Grâce au machine learning, les analystes disposent de plus en plus facilement d’outils qui rendent les KPIs faciles à créer ou à obtenir. Et arrivera très vite le moment où le besoin de traduire en actions les indicateurs disponibles sera plus critique que d’en inventer de nouveaux. Pour le coup, les métiers intégrant l’analyse de la donnée supply chain n’ont pas fini leur évolution, et doivent continuer à se transformer dans un environnement devenu technique et intelligent, et au final de plus en plus concurrentiel !

Des hommes et du machine learning, un duo réussi

Miser sur les hommes et leurs compétences fait évidemment partie du dispositif d’exploitation optimale de la donnée. Mais tout ne peut se faire sans les bons outils et processus !

Majorité d'entreprises utilisent massivement Excel pour l’ensemble des problématiques de supervision ou d’ajustement de la performance logistique. Cependant, dans certains cas, les enseignes sont déjà passées à des outils généralistes de data mining. Mais globalement, l’habitude de travailler sur ces outils génériques et verbeux peut désormais être remplacée, ou complétée - voire enrichie - par de nouvelles solutions plus performantes, et pour lesquelles la manipulation de données extrêmement massives (des dizaines ou centaines de millions de lignes) et diverses (du référentiel jusqu’aux stocks, en passant par les évènements commerciaux, ou la donnée météo) ne pose plus aucun souci.

Évidemment, ces solutions ne fournissent pas seulement des modèles d’analyse de données statistiques, s’adaptant à la volumétrie autant qu’à l’hétérogénéité des informations : ces solutions apprennent et déterminent désormais par elles-mêmes les critères qui contribuent à la performance globale de la supply chain. C’est l’ère du machine learning ! Détermination des meilleurs potentiels de vente, élimination des pénuries, optimisation et planification des flux logistiques, anticipation de l’activité humaine… Ces solutions répondent, et de manière autonome, à l’ensemble des problèmes auxquels sont confrontés les acteurs de la supply chain d’aujourd’hui.

Conséquence immédiate sur le quotidien, ces acteurs ont plus de liberté et de temps pour se concentrer, en tant qu’experts, sur les usages ou problématiques métiers qui ne sont pas traitées habituellement, car inaccessibles : travail sur des volumes de données extraordinaires, prise en compte de données exogènes (météo, tendances des réseaux sociaux, etc.), et mesure d’impact de chaque caractéristique produit sur sa courbe de vente (son prix, sa composition, son niveau d’exposition, etc.), sont certains des premiers sujets évoqués.

Au final, la combinaison des expertises métier et des outils de prévision nouvelle génération améliore la performance globale, en facilitant l’anticipation et la décision, mais aussi en permettant de gérer plus facilement les cas particuliers ou exceptions du schéma logistique global.

Dans cette période où la digitalisation des échanges crée chaque jour de nouvelles opportunités aux enseignes, force est de constater que les défis se relèvent avec le concours de l’intelligence humaine. Au-delà de reposer nos nouvelles organisations sur toujours plus d’intelligence artificielle et de solutions automatisées, des compétences clés telles que la capacité de synthèse, la définition de nouvelles stratégies, le pilotage de plans d’actions opérationnels basés sur la donnée, sont de plus en plus nécessaires pour mener à bien les missions des enseignes de la supply chain. Le machine learning, en améliorant la performance d’analyse et en dynamisant l’activité, est un formidable outil pour repousser nos limites !

[1] www.economie.gouv.fr