L’IA au cœur de la performance des banques

La donnée et les nouvelles technologies sont au cœur de la performance des banques. Toutefois, leurs déploiements rencontrent des obstacles. Les dépasser est devenu une nécessité pour performer sur un marché en constante évolution.

Sans la maîtrise de leurs données et sans outils pour les collecter et les analyser, les établissements bancaires ne peuvent faire face à la complexité et à la vélocité de l’écosystème actuel. L’IA tend à devenir un levier de plus en plus important de la performance bancaire et de l’excellence du service offerts aux clients. Toutefois de nombreux freins persistent à l’utilisation de cette technologie par les banques. Tour d’horizon de ces obstacles et de la façon de les résoudre.

1er frein : l’environnement réglementaire

Réglementation générale sur la protection des données de l'Union européenne (GDPR), norme BCBS 239 du Comité de Bâle, Reporting Anacredit, directive UE 2015/849 (dite "4ème directive anti-blanchiment"), la législation bancaire est complexe et chaque année plus contraignante. Plus que dans tout autre secteur, les banques sont soumises à des exigences de transparence et de reproductibilité des modèles. Or, l’IA et l'apprentissage automatique étant souvent assimilés à des “boîtes noires”, c’est-à-dire des modèles générant des prédictions ou résultats sans aucune visibilité sur la manière dont la décision est prise, ces technologies sont parfois vues comme étant incompatibles avec ces impératifs de transparence et reproductibilité. Toutefois, il est possible de contourner ce problème en utilisant des modèles en boîte blanche, permettant de connaître le fonctionnement de l'ensemble des éléments qui le composent et donc de satisfaire aux critères de transparence et de reproductibilité.

Outre la construction des modèles eux-mêmes, se pose aussi la question plus vaste de la gouvernance de la donnée. À l’heure où les lois sur la confidentialité des données se multiplient à l’échelle mondiale, il n’est pas rare de voir les équipes de gestion de données ou d’analyse dans les banques se retrouver paralysées par les incertitudes quant à la façon de naviguer dans ce nouveau monde. En vertu de la réglementation sur la confidentialité des données, il est clair que travailler directement avec des données personnelles est extrêmement restreint, et travailler à partir de données anonymisées présente des limites. Pour résoudre ce problème les banques ont tout intérêt à exploiter des data pseudonymisées. Ces données restent attribuées à une personne mais peuvent être utilisées dans des conditions spécifiques définies avec un accès contrôlé et une politique claire de conservation des données. L’expertise, l’éducation des collaborateurs, la mise en place de bons processus de gouvernance et des outils adaptés, permettent aux banques d’utiliser la donnée et l’IA en toute sécurité.

2ème frein : dispersion et qualité de la donnée

La dispersion et la qualité de la donnée sont deux autres grands défis auxquels les banques doivent faire face pour utiliser l’IA. Collectées et traitées de façon indépendante dans chaque filiale et département, les opérations de nettoyage, de gestion des données mais aussi de connexion à des sources de données s’avèrent complexes. Ce défi n’est pas spécifique au secteur bancaire mais il est amplifié à la fois par les différentes strates historiques des SI en place et les contraintes juridiques et organisationnelles d’accès et de partage de données entre entités, métiers et pays différents. La solution réside donc dans la mise en place d’une plateforme centralisée et contrôlée où les données peuvent être consultées et utilisées, par les data scientists, des profils techniques, mais aussi les métiers. Cet accès aux données est souvent sous-estimé en termes de difficulté et de délai, constituant non seulement un frein aux lancements et aux succès rapides des premières initiatives IA, mais aussi à l’extension de ces initiatives aux différentes entités et équipes.

3ème frein : la gestion des risques des modèles et la validation  

Le sujet étant souvent au cœur des exigences réglementaires, il est difficile de concilier vélocité et validation des risques des modèles, ce qui peut ralentir la progression d’initiatives IA. Toutefois ce défi peut être relevé en introduisant notamment la cohérence et la reproductibilité dans le processus des équipes de validation des modèles. Là où il est courant de voir des équipes de validation examiner des modèles de différentes entités ou équipes de l’organisation travaillant avec leurs propres processus, formats de modèles et de données, les établissements bancaires ont tout intérêt à travailler sur les mêmes modèles de façon à optimiser le travail des équipes de validation.  En centralisant et en uniformisant les méthodes et outils, le processus de validation est accéléré et permet à ces modèles de passer en production en quelques semaines et non plus en mois ou en années, comme il est courant de l’observer dans de nombreuses banques.

4ème frein : les compétences IA  

Si l’une des problématiques majeures de toutes les entreprises soucieuses d'accélérer leur intégration de l'IA, reste l'embauche, les banques ont l’avantage de pouvoir proposer des packages salariaux attractifs pour attirer les talents. Néanmoins, sur un marché de l’emploi en forte tension pour les profils en data science et IA, retenir de tels profils dans la durée nécessite de leur fournir des projets stimulants et les capacités de les relever. Or aujourd’hui force est de constater que bien souvent les finalités et impacts attendus des projets de data science sont trop peu définis en amont de l’arrivée de data scientists et le cadre technique et organisationnel de travail trop rigide au regard des attentes des data scientists. Aussi, il en résulte fréquemment une latence forte sur les projets érodant significativement la motivation des data scientists. Dans un secteur comme la banque où de nombreuses expertises fonctionnelles existent, embaucher le spécialiste possédant les bonnes compétences dépend fortement du cas d’utilisation. La meilleure façon de procéder consiste donc à s’appuyer, au-delà d’une équipe réduite de data scientists experts (principalement d’un point de vue technique et méthodologique) sur les ressources internes, dont les compétences métiers et la connaissance de l’organisation sont éprouvées, et à les former à l’utilisation de la donnée. Le défi des compétences IA consiste moins à embaucher, qu’à outiller, à faciliter et à améliorer l’efficacité des collaborateurs en place.

5ème frein : la résistance au changement  

Enfin, transformer une banque n’est pas chose aisée et s’avère d’autant plus difficile lorsqu’il s’agit d’IA, pour laquelle l’attention particulière de la presse grand public nourrit des appréhensions plus ou moins fortes. Ainsi, les conséquences de ces technologies sur le marché de l’emploi suscitent de grandes interrogations et résistances au changement. Pour autant, une banque ne peut plus aujourd’hui faire l’impasse de ces nouveaux outils et des processus d’automatisation qui en découlent, ni se lancer dans de tels projets en ignorant ou passant outre ces résistances. Les initiatives d’IA sont autant de leviers indispensables à sa performance dès lors qu’elles s’inscrivent dans un plan de transformation qui en adresse les multiples défis afin de pouvoir en tirer pleinement les bénéfices attendus.